Intégralité de la décision du Conseil constitutionnel sur la tenue de la présidentielle (document)

RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
Un Peuple – Un But – Une Foi

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Extrait des Minutes du Greffe du Conseil Constitutionnel

Vu la Constitution;
Vu la loi organique n° 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel;

DÉCISION nº 60/E/2024

Vu le Code électoral;
Vu la décision n° 1/C/2024 du 15 février 2024;
Vu la décision n° 4/E/2024 du 20 février 2024;
Vu la lettre confidentielle n° 488/PR/SG du 4 mars 2024 du Président de la République;
Vu les autres pièces du dossier; Le rapporteur ayant été entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;

SUR LA SAISINE:

  1. Considérant que par lettre confidentielle n° 488/PR/SG du 4 mars 2024, enregistrée au greffe du Conseil constitutionnel le même jour sous le numéro 60/E/24, le Président de la République a soumis au Conseil constitutionnel une demande d’avis sur les questions suivantes:
    a. Quel est l’avis de votre haute juridiction sur la date du 02 juin 2024 proposée par le dialogue national?
    b. Quel est l’avis de votre haute juridiction sur le maintien des 19 candidats déjà validés, avec la réserve d’un nouvel examen des candidatures pour régler la question des éventuels cas de double nationalité et les corrections nécessaires pour les parrainages des candidats qui se considèrent lésés?
    c. Quel est l’avis de votre haute juridiction sur l’accord consistant à l’application de l’alinéa 2 de l’article 36 de la Constitution « le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu’à l’installation de son successeur » pour assurer la continuité de l’Etat et la permanence institutionnelle?

SÉANCE DU 5 MARS 2024

SUR LA RECEVABILITÉ

  1. Considérant qu’aux termes de l’article 92 de la Constitution, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour avis; que la demande est recevable;

MATIÈRE ÉLECTORALE.

SUR LA DATE DU 02 JUIN 2024 PROPOSÉE POUR LA TENUE DU SCRUTIN

  1. Considérant que dans la décision n° 1/C/2024 du 15 février 2024, le Conseil constitutionnel a indiqué que la date de l’élection du Président de la République ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat qui arrive à terme le 2 avril 2024 et a invité les autorités compétentes à en fixer la date dans les meilleurs délais; que l’expression « meilleurs délais » renvoie nécessairement à une date pouvant permettre la tenue du scrutin avant la fin du mandat;
  2. Considérant qu’un décret fixant la date de l’élection au 2 juin 2024, soit deux mois après l’expiration du mandat en cours, ne trouverait de base légale ni dans la loi électorale ni dans la décision n°1/C/2024 précitée; que la reprise du processus électoral déjà engagé ne justifie pas un tel report;
  3. Considérant que le Président de la République ne peut, en l’absence d’un texte l’y habilitant expressément, fixer la date de l’élection au-delà de la fin de son mandat;
  4. Considérant qu’en vertu du caractère intangible de la durée du mandat du Président de la République, la fixation de la date de l’élection au-delà de la fin du mandat a pour effet de créer un vide institutionnel non prévu par la Constitution; qu’elle est, de ce fait, contraire au principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique et de stabilité des institutions;
  5. Considérant, dès lors, que le Conseil constitutionnel est d’avis que la date du 2 juin 2024 proposée n’est pas conforme à la Constitution et à la décision n° 1/C/2024 du 15 février 2024;

SUR LE MAINTIEN DES 19 CANDIDATS DÉJÀ VALIDÉS AVEC LA RÉSERVE D’UN NOUVEL EXAMEN DES CANDIDATURES POUR RÉGLER LA QUESTION DES ÉVENTUELS CAS DE DOUBLE NATIONALITÉ ET LES CORRECTIONS NÉCESSAIRES POUR LES PARRAINAGES DES CANDIDATS QUI SE CONSIDÈRENT LÉSÉS

  1. Considérant que par décisions nº 2/E/2024 du 12 janvier 2024 et n° 4/E/2024 du 20 février 2024, le Conseil constitutionnel, après avoir examiné la recevabilité des candidatures conformément à la législation électorale, a arrêté et publié la liste des candidats à l’élection présidentielle;
  2. Considérant, d’une part, que ni la Constitution ni le Code électoral ne prévoient d’autres formes de détermination de la liste des candidats;
  3. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 92 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours et s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles;
  4. Considérant, enfin, que l’existence d’un « consensus » issu d’un dialogue postérieur à la décision arrêtant la liste définitive des candidats, ne fait pas partie des causes de modification de cette liste, limitativement énumérées par les articles 29, alinéa 2, et 34, alinéa premier de la Constitution;
  5. Considérant, en conséquence, que l’intégration à la liste des candidats de candidatures déjà jugées irrecevables, par modification ou correction de ladite liste pour des motifs autres que ceux prévus, est contraire à la Constitution et aux décisions du Conseil constitutionnel;
  6. Considérant, s’agissant d’éventuels cas de double nationalité, qu’il y a lieu de préciser qu’en l’état actuel de la législation, la possession exclusive de la nationalité sénégalaise est présumée, dès lors que le candidat a produit la déclaration sur l’honneur exigée à cet effet par les dispositions de l’article L.121 du Code électoral; qu’en cas d’empêchement, notamment pour cause de double nationalité, découvert postérieurement à la publication de la liste définitive des candidats, l’article 34 de la Constitution prévoit que le Conseil constitutionnel modifie ladite liste;
  7. Considérant que le Conseil constitutionnel est d’avis que seuls sont candidats à l’élection présidentielle ceux retenus par la décision n° 4/E/2024 du 20 février 2024;

SUR L’ACCORD CONSISTANT À APPLIQUER L’ALINÉA 2 DE L’ARTICLE 36 DE LA CONSTITUTION POUR ASSURER LA CONTINUITÉ DE L’ÉTAT ET LA PERMANENCE INSTITUTIONNELLE

  1. Considérant que l’article 36 de la Constitution régit la situation où le mandat du Président en exercice arrive à son terme après l’élection de son successeur; que l’arrivée à terme du mandat du Président en exercice sans que son successeur soit élu, en raison du non-respect du calendrier électoral, n’est pas prévue par la Constitution et ne peut être régie par ce texte;
  2. Considérant que la juridiction constitutionnelle a déjà jugé qu’en application des dispositions de l’article 103 de la Constitution, la durée du mandat du Président de la République ne peut être réduite ou allongée au gré des circonstances politiques, quel que soit l’objectif poursuivi;
  3. Considérant que le maintien du Président dont le mandat est arrivé à terme, alors qu’aucun évènement assimilable à la force majeure n’empêchait la poursuite normale du processus électoral et l’élection d’un nouveau Président de la République dans le délai prévu par la Constitution, constitue un précédent de nature à compromettre la stabilité des institutions, notamment celle de la fonction présidentielle;
  4. Considérant que le Conseil constitutionnel est d’avis que l’article 36, alinéa 2 de la Constitution n’est pas applicable si l’élection n’a pas eu lieu avant la fin du mandat en cours;

DÉCIDE:

Article premier. – La fixation de la date du scrutin au-delà de la durée du mandat du Président de la République en exercice est contraire à la Constitution.
Article 2. – Seuls les 19 candidats retenus par la décision n° 4/E/2024 du 20 février 2024 participent au scrutin.
Article 3. – L’article 36, alinéa 2 de la Constitution n’est pas applicable au cas où l’élection n’a pas lieu avant la fin du mandat en cours;
Article 4. – La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République du Sénégal.

Délibéré par le Conseil constitutionnel en sa séance du 5 mars 2024, où siégeaient Monsieur Mamadou Badio CAMARA, Président, Madame Aminata Ly NDIAYE, Vice-président, Messieurs Mouhamadou DIAWARA, Youssoupha Diaw MBODJ, Madame Awa DIÈYE, Messieurs Cheikh NDIAYE et Cheikh Ahmed Tidiane COULIBALY, membres. Avec l’assistance de Maître Ousmane BA, Chef du greffe.

En foi de quoi, la présente décision est signée par le Président, le Vice-président, les autres membres et le Chef du greffe.

Voici la décision

4 COMMENTAIRES
  • PATRIOTE

    VOILA LE COUP D ETAT CONSTITUTIONNEL CONTRE LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE , MAINTENANT LA CRISE VIENT DE NAITRE . LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE DOIT APPLIQUER ART 52 .
    NOUS SOMMES TOUS PRETS A DIRE NON AU COMPLOT

    • Porradao

      Tá pa honte?

  • Leuz

    Bravo

  • Leuz

    Vive le CC le droit est dit bravo

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