Candidat favori à la succession de Sepp Blatter à la tête de la Fifa, Cheikh Salman Bin Al-Khalifa pourrait voir sa cote pâlir à la suite d’accusations émanant de l’organisation bahreïni de défense des droits de l’homme.
Cheikh Salman Bin Ibrahim Al-Khalifa, membre de la famille royale bahreïni, président de la Confédération asiatique de football (AFC) et vice-président de la FIFA est, des cinq candidats à la succession de Sepp Blatter à la tête de l’instance, le favori logique de l’élection du 26 février. Son entregent, sa fortune personnelle, sa présence au plus haut niveau de beaucoup de comités de la FIFA sont des atouts dont aucun de ses rivaux ne peut se prévaloir. Ce statut de « favori » devrait néanmoins être secoué par des accusations émanant de l’organisation bahreïni de défense des droits de l’homme BIRD, qui pourraient, si la Commission d’Ethique et la Commission Electorale de la FIFA s’y intéressaient de plus près et établissaient leur bien-fondé, l’empêcher de rester en course jusqu’au jour où les 209 délégués de fédérations déposeront leurs bulletins dans l’urne. Et qui, de toute façon, risquent de refroidir sérieusement les ardeurs de certains de ses supporters actuels – ainsi que des sponsors officiels de la FIFA, lesquels ont reçu notification écrite de ces accusations aujourd’hui même.
Des documents réunis par BIRD, dont France Football a pris connaissance, et dont l’authenticité ne semble pas prêter au doute, suggèrent en effet qu’en 2011, Cheikh Salman, alors président de la fédération du Bahreïn (BFA) et secrétaire général de l’instance suprême du sport du royaume, le GOYS, aurait bien – malgré ses dénis répétés – joué un rôle important dans la violente répression des athlètes et autres membres du mouvement sportif, football ô combien inclus, qui avait suivi l’explosion du « printemps arabe » dans la monarchie du Golfe en février 2011. Parmi les victimes de la purge à laquelle Cheikh Salman se voit associé figuraient quelques-uns des plus grands footballeurs bahreïnis, tels l’attaquant Alaa Hubail (29 buts en 73 sélections, Soulier d’or de la Coupe d’Asie de 2004) et le milieu de terrain Mohammed Hubail (5 buts en 58 sélections). Ces joueurs, et beaucoup d’autres, passèrent près de trois mois en prison, pendant lesquels certains, dont Alaa Hubail lui-même, auraient été victimes de sévices. Au mieux, Salman, l’homme qui veut défendre le football mondial, n’avait pas bougé le petit doigt pour venir en aide à ses propres footballeurs. Au pire, comme semblent le prouver les documents réunis par l’opposition bahreïni en exil, il fut l’un des artisans de l’identification et de la punition des « coupables ». Il s’agirait évidemment d’une violation flagrante du code d’éthique de la FIFA; pas la seule qui lui soit imputée, d’ailleurs, comme on va le voir.
De graves accusations que Cheikh Salman conteste depuis presque cinq ans
Complice de cette épuration, Cheikh Salman aurait ainsi violé les articles 3, 13 et 17 des statuts de la FIFA. On peut comprendre pourquoi l’Institut Bahreïni des Droits de l’Homme et de la Démocratie a contacté ce jeudi tous les principaux sponsors de la FIFA, documents à l’appui, pour leur demander d’exercer pression sur la FIFA pour que ces accusations soient prises en compte, vu «le tort fait à leurs réputations si on permettait à Cheikh Salman de prendre part à l’élection [présidentielle du 26 février]et qu’il était ensuite élu président de la FIFA».
L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch a emboîté le pas via son porte-parole Nick McGeehan. «A un moment où la FIFA traverse la plus grande crise de son histoire, a-t-il dit, cela ressemblerait à un acte de suicide institutionnel de choisir pour leader un homme [Cheikh Salman] qui a apparemment été responsable de sanctions prises envers des clubs qui n’avaient pas montré leur loyauté vis-à-vis d’un régime meurtrier».
Ces très graves accusations suivent Cheikh Salman depuis presque cinq ans; et chaque fois que la question de son implication dans la répression des sportifs et clubs bahreïnis lui a été posée, il a toujours affirmé que la fameuse Commission d’Enquête ne s’était pas réunie sous son égide – contredisant ainsi le communiqué de l’agence de presse officielle du royaume. Et comment justifiera-t-il que la fédération qu’il dirigeait alors ait apparemment bafoué le principe de non-ingérence des gouvernements dans les affaires de football, que la FIFA a toujours pris très au sérieux et dont elle a puni les transgressions dans le passé ? L’heure lui est venue de se justifier, s’il le peut.
Avec France Football