Entretien : Keita Diamanka, un auteur et une pensée philosophique nouvelle

Né à Kolda au sud du Sénégal, Alpha Keita Diamanka, connu sous le pseudonyme d’Alpha, est diplômé en philosophie comparative à l’université de Téhéran(Iran). Professeur de philosophie au groupe scolaire Seydou Nourou Tall de Pikine, il a dirigé l’institut international Mouzdahir-Kolda.

Alpha, auteur d’une abondante œuvre philosophique, a publié :

  « Mon regard » publié en 2016 à Paris.
« Agir pour soi et en soi » paru en 2017 à Paris.
« L’émergence de la pensée » en 2019 au Sénégal.
« Les fondements philosophiques de l’imamat » en 2021 à Paris.
« La dimension philosophique de la pensée Goorkodienne » en 2022 au Sénégal.
« L’itinéraire d’un ambassadeur de l’imam en cours ».

Œuvre choisie : Les fondements philosophiques de l’imamat.

Senego  : Votre ouvrage s’intitule les fondements philosophiques de l’imamat, ce titre traduit-il l’affirmation d’une pensée systémique ou l’élucidation d’un concept religieux ?

Samba Diamanka : Votre question est à la fois subtile et vague mais reste très pertinente dans le contexte de ce livre. Je dirai que ce sont les deux à la fois :

-Premièrement, il s’agit de l’affirmation d’une pensée systémique dans le sens où il se dégage une vision philosophique bâtie sur un principe unique à travers lequel les éléments épars sont justifiés. Généralement, on parle de pensée systémique ou de doctrine philosophique que lors qu’un penseur justifie ou élabore une rationalisation du monde à partir d’un principe moteur qui intègre celui-ci (le monde) dans ses différentes phases de manifestions (intermédiaires et définitives). C’est-à-dire que le principe tel que décrit ici, n’est pas le monde en tant tel mais se déploie dans celui-ci en vue de rendre possible l’affirmation des tiers dont la somme devient le monde manifesté : c’est ce principe que nous appelons l’imamat.

-Deuxièment, il n’est pas tout à fait déplacé de parler de l’élucidation d’un concept religieux. Hegel, le philosophe Allemand disait : « La philosophie est fille de son époque… », quant à moi, j’ai eu la chance de rencontrer un maitre spirituel extraordinaire Mawlana Chérif Mohamad Ali Aidara, guide de la communauté mozdahir en occurrence. Dans son enseignement, des questions religieuses et la métaphysique pure ne trouvent aucune contradiction et que cette dernière vient souvent des limitations mentales que les uns et les autres apportent à l’une ou à l’autre. Il m’a permis de ce fait de comprendre que les 12 imams ou élus de Dieu constituent les pôles ou koutbou c’est-à-dire le principe par lequel l’existence se déplie et se plie sur son propre principe.

En résumé, Les fondements philosophiques de l’imamat traduisent une vision systémique inspirée par la réalité des imams telle qu’enseigné par Mawlana.
Senego : Dans le premier chapitre vous revenez longuement sur la métaphysique, pouvez-vous nous expliquer vos préoccupations à ce niveau ?

Tout à fait, c’est une partie essentielle dans la compréhension de ma démarche philosophique voire même de l’orientation de ma pensée.

En vérité, je suis parti d’un constat selon lequel les philosophes antérieurs ont bâti leurs pensées sur une dualité : corps et âme chez Descartes, intelligible et sensible chez Platon, temps et durée chez Bergson, Etre et temps chez Heidegger, le devenir chez Hegel engendré par le travail du négatif (être-non être). Dès lors, j’ai voulu formuler une vision métaphysique mieux aboutie c’est-à-dire qui serait, à partir d’un principe, capable d’intégrer les éléments inférieurs. Ce principe ou imam du fait de son rôle principiel se manifeste dans tous les états (mondes) inférieurs dans le but d’organiser, de régulariser le rapport entre l’Etre et les éléments nécessaires à sa condition. Pour répondre de façon très précise à votre question, je dirai que la connaissance métaphysique ne serait plausible que lors qu’elle saisisse le processus par lequel s’opère le passage de l’archétype à l’Etre.

Senego : Tout au long de l’ouvrage vous évoquez les questions de l’Etre et des différents états existentiels. Qu’est-ce qui diffère votre conception aux autres visions (Heidegger, Platon, Parménide, Aristote) sur l’Etre.

Pour mieux cerner cette différence relative à la considération sur l’être, il faudrait comprendre que nous avons, dans le cadre notre démarche, établi deux ordres :

-L’ordre de la non-manifestation : il renvoie à l’état d’ipséité et ses deux subordonnés. L’ipséité désigne l’état où le divin était un trésor caché c’est-à-dire qu’il est Lui sans lui, ni par lui, ni pour lui, ni en lui car il n’y a encore rien qui existe de sorte qu’il soit sa limitation. C’est cette ipséité qui a fait effusion d’elle-même ou bien s’est diffusée sur elle-même pour donner lieu à une réalité appelée Dieu : il s’agit là de la plus sainte effusion. Il s’en suit de l’effusion de Dieu sur lui-même établissant ainsi le principe de l’existence ou la réalité mohammadienne qui est la station par excellence de l’imamat. Ce dernier stade demeure la condition qui rend possible la possibilité d’existence car elle contient en elle l’ensemble des archétypes. Ces derniers signifient que les choses étaient des potentialités c’est-à-dire ont connu une existence relative rattachée au principe existentiel avant d’embrasser celle effective.

-L’ordre de la manifestation : il est le lieu où s’opère le passage du relatif à l’actif c’est-à-dire de l’existence relative (archétypes) à celle effective (êtres). Vu de ce point de vue, l’Etre n’est rien d’autre que la projection de l’archétype à un niveau inférieur. Dans celui, l’Etre apparait comme supérieur du fait qu’il soit le substitut de l’archétype. Inversement, l’Etre est insignifiant dans l’état supérieur (station de l’imamat) du fait de la supériorité du relatif à l’actif. Cela ne signifie pas également qu’Etre et archétype soient inconciliables du fait uniquement de la différence de leurs intensités. Il est tout fait possible pour l’Etre par l’entremise de la projection de l’imam ou du principe de s’amarrer à celui-ci. En ce sens l’Etre par le mouvement de l’imam se découvre à la fois comme tel et comme archétype : on parle alors de sa réalisation.

Ceci dit, on voit comment l’Etre est à la fois fixe et changeant. Pour revenir à votre question, je dirais que la différence est tout à fait nette du fait qu’aucun de ces penseurs n’a établi une distinction entre l’archétype et l’Etre. La conséquence logique de leur vision consistait à faire de l’Etre le réel supérieur : c’est exactement ce que nous ne disons pas.

Senego : Dans les deux dernières parties vous y abordez les thèmes de la liberté et de la mort. Que voulez-vous élucider à travers ces deux thèmes ?

La liberté et la mort sont étroitement liées à la métaphysique dont l’ardeur intempestive défie toute époque. A propos de la liberté, nous avons expliqué dans l’œuvre qu’elle s’entend de deux manières possible :

Elle peut se définir comme subjective en cela qu’elle exprime les sensations du sujet. L’intérêt d’une telle forme de liberté réside dans le fait qu’elle nous permet d’envisager le monde tel qu’on le souhaite et non tel qu’il s’impose à nous. De facto, elle reste un principe de création artistique et philosophique.
Elle peut être également objective ou circonstancielle parce qu’étant soumise aux exigences du réel. Ces dernières ne signifient pas forcément des contraintes mais plutôt des équilibres. En vérité, la contrainte est négative du fait qu’elle soit un effort d’annihilation d’une possibilité alors que l’équilibre tend toujours à éclore les possibilités de la multiplicité et non de la singularité. A ce titre, elle est dite objective parce que visant l’objet supérieur qui est celui de l’harmonie du cosmos ou de la multiplicité. C’est de cette façon que chaque entité de la multiplicité trouve sa place et apporte sa partition singulière au profit des autres : la responsabilité trouve ici tout son sens. Cet équilibre est nécessaire dans la multiplicité car il garantit à l’Etre la condition d’élévation vers les états supérieurs. Dès que l’Etre s’élève aux états supérieurs, les faits suivants se produisent :

Il (Etre) se dépouille de sa forme présente pour s’adapter aux exigences des états supérieurs. Ce caractère changeant est une des caractéristiques de l’Etre car il est ce par quoi il s’adapte aux autres sphères existentielles. Cette adaptation, il faut le dire, n’altère en rien l’essence de l’Etre mais qu’elle y est contenue comme fibre matrice.
La responsabilité et la conscience morale qu’implique la multiplicité s’évanouissent lors de l’élévation de l’Etre. On voit alors que responsabilité et conscience morale n’ont de sens que dans la multiplicité, elles deviennent nulles devant l’unité. On peut ainsi dire qu’elles sont des pré-requis à la réalisation de la liberté.

Senego : De la crise environnementale vous en traitez, quelle est son origine selon vous ?

Nous pensons que l’homme et la nature sont deux composantes essentielles du cosmos. Mieux encore, ils s’inscrivent dans un rapport de réciprocité c’est-à-dire qu’ils se nourrissent mutuellement. Dès lors, il nous parait infécond de vouloir parler de l’un sans l’autre. Dans cette relation dialectique, nous opinons que l’homme est celui qui détient la capacité réflexive même si la qualité de celle-ci peut être influencée par la nature. Ainsi, il ne saurait y avoir de la crise environnementale sans crise de la raison. Nous voulons dire que l’origine de la crise environnementale trouve piédestal dans la crise la raison qui secoue notre monde actuel.

Perspectives :
Senego : Alpha Keita Diamanka vous avez six (6) ouvrages à votre actif. Quels sont aujourd’hui vos projets ou perspectives relatifs à votre carrière d’écrivain ?

Cette année nous voulons mettre d’avantage l’accent sur la promotion par l’organisation des cérémonies de dédicaces, d’entretiens, de conférences également par la participation aux salons nationaux et internationaux dédiés au livre.

Senego : Votre dernier mot ?

Vous remercier de nous avoir accordé cet entretien de qualité et témoigner ma gratitude à Mawlana Chérif Mohamad Ali Aidara mon guide spirituel et à monsieur Babacar Diop directeur général du groupe scolaire Seydou Nourou Tall/ Pikine qui n’a ménagé aucun effort pour soutenir ma production.

7 COMMENTAIRES
  • Républicain

    Bravo Alpha, ttes mes félicitations et bonne continuation

  • Niasse

    Pensées purement philosophique,mais cela ne nous a pas surpris nous vos enceints élèves ttes mes félicitations Mr Diamanka

  • Baldé

    Machallah mon oncle????????on est très fière de toi

  • Mballo alphousseini

    Ça c’est le haut niveau Mr Diamanka

  • Mohamadou Aly Diao

    Macha allah très pertinent mon proviseur

  • Ndao

    On ne se réalise que dans l Unité. Or pour arriver à ce stade nous devons créer plusieurs ponts pour surmonter son moi supérieur. Adopter d autres vertus dans la créance droite où le vrai le bon et le beau sont indissociables.La philosophie de Diamanka ne peut se réaliser que dans l idiosyncrasie. Une introspection individuelle d abord puis collective si nous voulons vivre dans ce monde sous forte compression d un rouleau libéral.

  • Yaya DIAMANKA

    Superbe mon grand, une pensée purement philosophique tu es le Socrate du XXIem siècle courage…mon frère

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