Du destin de nos promesses (Par Pr Daouda Diop)

«L’incrédulité est le fondement de toute sagesse», déclarait Voltaire à la suite d’Aristote. Aussi doit-on l’appliquer constamment aux choses humaines afin de séparer le bon grain de l’ivraie. En ce qui concerne la sphère du temporel, son bon usage relève d’une simple précaution, car on peut y vivre longtemps dans l’illusion.

Cependant, appliqué inconséquemment au spirituel, certaines déconvenues peuvent surgir au regard même du rapport conflictuel entre croire et savoir. Si donc le vrai est critère d’appréciation valable pour celui qui ne supporte pas la désorientation, encore faut-il posséder les moyens de le  reconnaître lorsqu’il se présente et même sous les dehors frauduleux du vraisemblable ou du véridique même. Dès lors, comment faire le départ entre les énoncés doués de sens et ceux qui en sont dépourvus en matière de prédiction politique. Le sens commun semble ne pas lésiner sur la réponse : «Dis-moi qui parle, je te dirai si ce qu’il dit est vrai».

A y regarder de près, dans ce domaine des prédictions, la vérité, pour l’opinion, est définie d’abord par le statut social du locuteur. Ainsi pour la  pensée commune, la croyance  est adhésion à une parole, confiance en un homme qui a fait ses épreuves ou dont les charges exigent de lui une certaine dignité. Toutefois, ce serait une erreur de s’en tenir à un tel niveau d’appréciation. La réalisation effective des promesses est aussi déterminante pour se faire une idée approchée de son auteur. Or généralement, la durée joue en défaveur de qui voudrait en avoir le cœur net ; et les meilleures politiques s’avèrent être celles qui manipulent adroitement cette dimension du temps et, par conséquent, font rêver le peuple.

L’expérience semble être élucidante à plus d’un titre. Recensons quelques une de ces promesses, les plus fracassantes faites par quelques politiques de tous bords, uniquement pour le but de la science : «Vous voulez l’indépendance ? Prenez-la !» ; «L’an 2000 Dakar sera comme Paris» ; «Je créerai 20 000 emplois par an» ; «Je lèverais les barrières douanières, avec les riverains, pendant deux mois, une fois élu» ; «Je désirerais mettre fin à l’anarchie galopante qui règne dans ce pays, par l’application stricte des lois et règlements» ; «Je préfère ma jeunesse aux milliards de l’étranger» ; «Je réduirai mon mandat de sept à cinq ans».

Chacune de ces assertions pose à la fois le problème de sa signification et de son impact dans la conscience des citoyens. Elles ont galvanisé des masses, électrisé des foules, apeuré une multitude tant leur force de persuasion est grande dans ce sens qu’elles reflètent les attentes les plus pressantes. Pensons aux effets des pénuries annoncées sur certains carburants ou denrées alimentaires… Seulement l’hilarité qu’elles suscitent après coup murmure des paroles graves qu’il faille entendre aujourd’hui. Elles appellent une volte-face, bloquent le dialogue social, car il faut avoir une bien piètre idée des autres pour leur balancer des propos sans lendemain  in aeternam.

C’est du reste ce qu’avait pressenti une certaine génération, laquelle s’était affublée du qualificatif de «concret» en vue de rompre avec le funambulisme politique. «Il est vrai qu’on peut tromper un peuple quelques temps, mais on ne peut tromper un peuple tout le temps», disait Mao Tse Doung. C’est fort de cette vérité historique que ce mouvement a manqué de semer ce qui était destiné à la  germination de «cette armée noire vengeresse». Du coup, le slogan a endigué les colporteurs du concret. Pendant ce temps, les étudiants boudent, les entreprises tombent faillite, la jeunesse s’exile, les hôpitaux refusent du monde, l’école en déliquescence ; seules les banques se portent bien par les taux usuriers qu’elles appliquent à une clientèle qu’elles tiennent à leur merci.

Lorsque, dans un tel contexte, un surhomme pointera son nez en prônant le mythe de l’éternel retour du même, nous lui demanderons en toute simplicité les preuves de sa bonne foi, faute de quoi nous raviserons. Telle est notre nouvelle orientation. Plus jamais ça…

Professeur Daouda DIOP

Philo L.A.S.

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