Chaque carrière politique a son moment cruel. La déroute de son camp ajoutée à la défaite du candidat et ancien maire de Ziguinchor qu’il a soutenu aux dernières élections locales ont brutalement ramené Doudou Ka à la dure réalité de l’engagement politique.
Si la prévisible déflagration Sonko en Casamance a atteint la mouvance présidentielle, l’onde de choc n’en a pas pour autant fait vaciller les fondations. Elle n’a pas non plus ébranlé celui dont il se susurre de plus en plus « qu’il a tout pour incarner la majorité présidentielle dans le sud ».
Parce que le pire dans une défaite c’est le jour d’après, beaucoup lui prédisaient le purgatoire politique au lendemain des élections locales de janvier dernier. Mais si Doudou Ka a tenu bon, il est surtout resté debout au milieu d’un échiquier politique complètement bouleversé voire fracassé avec comme tout premier chantier, la destruction du sentiment de défaite. Comme si la sanction électorale de son camp politique avait sonné l’heure de la reconquête.
Et l’homme va y travailler. En sourdine tout en peaufinant son silence. « Mon principal adversaire n’est pas politique mais plutôt un état d’esprit qui a pour nom renoncement ou passivité » martèle t-il. Du Doudou Ka dans le texte comme dans la vie. Jamais dans la résignation. Toujours dans l’action et la réflexion. Sa posture préférentielle.
Mais de quoi le nouveau ministre est-il donc le nom ?
Avant tout, le symbole de l’excellence technocratique sénégalaise. Dire qu’il y était prédestiné n’a rien d’une outrance, tant son parcours est tout en superlatif. C’est en 1987 que le jeune homme de Boucotte, un quartier de Ziguinchor, intègre le collège Sacré Cœur de Dakar après être sorti premier de l’école primaire Ibou Camara de Ziguinchor. Il ne met pas beaucoup de temps à se faire remarquer. Si brillant et si discipliné qu’il est dispensé de frais de scolarité à partir de la 4ème, mais à une condition : ne pas quitter le collège avant le baccalauréat. Il se plie à cette exigence. Après y avoir décroché son bac C, il quitte l’école Sacré Cœur pour atterrir au lycée de Turgot avant d’intégrer le prestigieux établissement public dans le 16ième arrondissement de Paris, Janson Desailly de Paris. L’un des établissements de classes préparatoires aux grandes écoles d’ingénieurs les plus renommées de France. Un foyer de la future intelligentsia française. Il s’y frotte aux meilleurs des classes de mathématiques supérieures et spéciales. Ses professeurs de maths sont sous le charme de ce brillant étudiant et lui conseillent d’approfondir ses connaissances en maîtrise de mathématiques appliquées à la prestigieuse Université Pierre et Marie Curie, Paris 6. Ses notes sont stratosphériques. Avec un improbable 20/20 en calcul des éléments finis en examen de maitrise et un brillant 18/20 en intégration et probabilités, l’étudiant épate tout le corps professoral. Si brillant et si hors normes qu’il est coopté pour intégrer un autre creuset de l’élite française, la très prestigieuse École Nationale des Ponts et Chaussées de Paris, fondée il y a près de trois siècles.
Le rédacteur du programme « Yonu Yokuté »
L’histoire de cet homme tout droit sorti des hauts lieux de l’intelligence tient en trois mots et une méthode : intelligence, audace et détermination . Trois signes particuliers qui ne figurent nulle part sur son CV, mais qui vont propulser Doudou Ka à l’épicentre de l’accession de Macky Sall au pouvoir. Nous sommes en 2011. Six petits mois nous séparent de l’élection présidentielle sénégalaise. Les préposés à l’élaboration du programme de Macky Sall peinent alors à ficeler leur projet. Le candidat s’impatiente, prend son téléphone et appelle à la rescousse l’ingénieur des ponts devenu banquier d’affaires et associé d’un cabinet de conseil en stratégie et en intelligence économique à Paris.
Loin du vacarme politique et fuyant la lumière, le jeune « Pontiste » forme un commando restreint de brillants économistes et ingénieurs où chacun excelle dans sa spécialité. Un groupe de choc taillé sur mesure pour peaufiner un projet économique en coïncidence avec la vision de Macky Sall. Et voilà Doudou Ka, propulsé à son corps défendant, au cœur de la stratégie de conquête du pouvoir de Macky Sall. Stratège de l’ombre que ses collégues appellent affectueusement « sorcier noir » et tête pensante du projet économique du primo candidat, il est l’inspirateur du fameux « Yoonu Yokkuté », le slogan de la première campagne victorieuse du président de la République en 2012.
Depuis, le jeune prodige, fidèle des toutes premières heures, n’a jamais été très loin du chef de l’État. Car si les affaires publiques ont fait leurs destins se croiser, leur histoire dépasse la politique. Les liens entre ces deux là sont avant tout, une histoire humaine. Doudou Ka et Macky Sall, c’est une relation personnelle, singulière et particulière faite affection, loyauté et confiance. Une proximité presque exceptionnelle dans les grandes comme dans les petites largeurs. La fidélité et le dévouement corps et âme du plus jeune à son aîné de 13 ans, ont largement structuré la trajectoire du premier qui n’est jamais, par la pensée, loin du Président. Comme une sentinelle spirituelle auprès de celui qu’il appelle respectueusement, «le Patron».
Un missionnaire au service du Sénégal
A tout juste 48 ans, Doudou Ka traîne déjà une carrière de vieil apparatchik. Ingénieur, expert financier, banquier d’affaires , conseiller en management des organisations, homme politique et aujourd’hui ministre des transports aériens et du développement des infrastructures aéroportuaires. Avec son CV vertigineux et une réputation de premier de la classe, tout dans son parcours plaide pour ce quadra réputé être un homme de dossier qui, partout où il passe fait la démonstration de ses compétences.
A son actif, la mise en place du Fonds de garantie des investissements prioritaires (FONGIP). Il en fut le premier Administrateur Général après l’avoir sur porté sur les fonts baptismaux à partir d’un « simple» décret. La Redevance de Développement des Infrastructures aéroportuaires (RDIA), c’est encore lui. Alors qu’il est banquier d’affaires à la BMCE Capital, c’est lui qui trouve la parade juridique en créant la RDIA à travers un décret comme le demandait le Président Abdoulaye Wade et non par une loi car la redevance était considéré comme un impôt puisque prélevé pour un aéroport qui n’était pas construit.
Le redémarrage de la ligne maritime entre Dakar et la capitale du Sud après le naufrage du bateau Le Joola, c’est encore lui et ses collègues de la Compagnie Marocaine de Navigation (COMANAV). Avec la COMNAV, il va mettre en place en 2006, en sa qualité de conseiller du gouvernement puis directeur financier de la nouvelle structure maroco-sénégalaise. La supervision de la construction à Hambourg du bateau Aline Sitoe Diattaet sa livraison à l’État du Sénégal en décembre 2007, c’est aussi lui.
Et plus récemment, en décembre 2021 il y a eu le sauvetage de la saison touristique du Cap Skirring. Malgré des délais qui confinent presque au miracle, le gouvernement Sénégalais s’engage à reconnecter le sud du Sénégal à l’Europe par vol direct. Au bout de 75 jours d’une opération commando qu’il a menée tambour battant, avec des moyens exceptionnels et un management quasi chirurgical et militaire, le pari de la rénovation et de la mise en exploitation de l’aéroport de Cap Skirring est tenu. L’atterrissage le 05 décembre 2021 du premier vol en provenance de Paris marque la fin de deux ans d’absence de tout trafic international. La signature politique de cet exploit technique et économique, c’est encore lui, fils de la région et petit fils de Cabrousse, petit village qui jouxte l’aéroport. «Sous l’impulsion politique du chef de l’Etat, nous voulons faire de chaque aéroport national, une vitrine de la vitalité et de l’attractivité économique sénégalaise«.
Pas étonnant qu’au moment où le pays entier bruisse de rumeurs de remaniement, que certains lui prêtent des ambitions ministérielles, lui n’en a cure. Toujours sur le pont, à sa tâche, en mission pour l’intérêt supérieur du pays avec comme seule et unique obsession de serviteur de l’Etat, continuer la mise en œuvre de l’ambitieuse feuille de route de réforme du secteur aéronautique national que le Président lui a tracée. « J’ai assez à faire avec un projet aussi stratégique que le hub aérien et logistique horizon 2021- 2025, le programme de reconstruction des aéroports nationaux (PRAS) , la construction du centre de maintenance aéronautique, l’académie internationale des métiers de l’aviation civile, les réformes du secteur aéronautique, la digitalisation des procédures et la certification de six aéroports internationaux. Excusez du peu. Mais avec autant de dossiers empilés sur mon bureau et de chantiers à mener a bon port, toute mon équipe, mon énergie et mes forces sont mobilisées pour la réalisation des projets présidentiels. Je n’ai pas d’agenda politique personnel, si ce n’est l’agenda du Sénégal et la feuille de route du Patron». Alors pas de temps de cerveau disponible pour scénariser un éventuel remaniement ou une future recomposition politique. « Les agitations de remaniement, je les laisse à d’autres ».
Il a fait de Aibd.sa un étendard sénégalais
Au moment où le Sénégal entier salue sa performance d’avoir réussi à solder sept ans avant terme, la dette de l’aéroport international Blaise Diagne, une prouesse qui a permis à son pays de recouvrer la souveraineté sur son principal aéroport, lui renvoie les éloges a la haute administration du ministère de l’Economie et des finances. Dix huit petits mois à la tête de aibd.sa lui auront suffi pour faire de l’opérateur aéroportuaire national, un étendard de l’excellence entrepreneuriale sénégalaise. A ce jour, aucune autre entreprise publique ne peux se targuer d’avoir générer une telle attractivité. Mais « DG » comme l’appellaient encore il ya quelques jours ses collaborateurs et ses proches, n’en a cure. La où certains veulent se faire un nom, lui a opté pour le prénom. En toute modestie. Doudou n’est pas du genre à habiter un étage au dessus de lui-même.
Dans sa lignée comme dans sa condition de talibé mouride « l’humilité n ’est pas un slogan mais un principe. » assène t-il. Ceux qui le côtoient au quotidien ne démentent pas. C’est vrai que l’homme a beau être au cœur du pouvoir, il n’est jamais sorti de sa condition humaine. Juste obsédé par l’action. Capable de vous envoyer un message à 4h et de vous croiser en réunion à 8 heures. Comme sur whatsapp, son statut est bloqué en mode « au travail».
Fantassin indéfectible au service du Président, à qui il voue un respect et une admiration sans limite, sa nomination pour la première fois dans un gouvernement de la République sonne comme la consécration d’une force de l’esprit et la reconnaissance d’un engagement sans faille, gravé dans de la loyauté et de la complicité.
Des moquettes bureaucratiques aux sentiers politiques
Si la politique l’a toujours passablement titillé, c’est en grande partie grâce au «patron» que le nouveau patron du transport aérien sénégalais est descendu dans l’arène. Le virus l’a certes très vite rattrapé, mais c’est surtout sa volonté irrépressible de se mettre au service du chef de l’Etat qui sera le moteur de son engagement. Direction sa Casamance natale, mais surtout son terroir de cœur car cette terre est la variable affective qui détermine tout ou presque chez cet enfant de Cabrousse et de Boucotte. Cette terre dans laquelle plonge ses racines, cette terre qu’il a dans la chair, devenue cette part non négociable qui fonde les ressorts de son engagement public. Doudou Ka veut faire profiter la Casamance de ses réseaux, de son influence et de son énergie pour faire avancer la régionpour en faire un pôle régional attractif dans un Sénégal aux fortes ambitions économiques et dont le transport aérien sera un secteur clé.
Doudou Ka qui a désormais sous son autorité le ciel sénégalais et le développement des infrastructures aéroportuaires, compte poursuivre avec la même opiniâtreté, le projet cher au Président Macky Sall « Sénégal 1erHub aérien ». Il l’a déjà annoncé quelques heures seulement après sa nomination dans un message posté sur sa page Facebook : «Je renouvelle mon attachement aux idéaux du Président de la République auprès de qui, j’entends agir avec engagement et loyauté au service du Sénégal, et ce, en bonne intelligence avec le Premier Ministre, un grand serviteur de l’État, pour la mise en œuvre rapide et efficace des nouveaux défis indiqués par le Président de la République..Pour ma part, il s’agira de poursuivre avec les acteurs du secteur aérien, la mise en œuvre du plan stratégique 1erhub aérien et logistique 2021-2025 de la sous- région. Il consistera également à prendre en charge la structuration technique et financière des projets de développement des infrastructures aéroportuaires et aéronautiques qui constituent les bases économiques de l’émergence des territoires aéroportuaires.»
Un plan de vol ministériel déjà quasi tracé.
Malick SY
Conseiller Spécial de l’ancien Directeur Général de aibd.sa
Directeur de la Cellule Communication