Cours en ligne dans les Universités : Babacar Diop écrit au ministre Cheikh Oumar Hann

Lettre à Cheikh Oumar Hann, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation

Monsieur le ministre,

Je viens auprès de vous soulever des questions sérieuses qui doivent être prises en charge concrètement par votre département ministériel pour éviter que l’enseignement à distance ne devienne un moyen de sacrifier les étudiants. Aujourd’hui, des milliers de jeunes fragiles et déprimés, qui subissent un traumatisme d’une année universitaire hors-norme, tournent leur regard vers vous. Nous risquons un abandon massif de ces étudiants, enfoncés dans le découragement, le laisser-tomber, voire le désespoir, si rien n’est fait pour corriger les violentes iniquités et inégalités qu’ils subissent.

Dans votre déclaration du 26 mai 2020 devant la presse, vous écartiez toute hypothèse d’une année blanche, ce qui est en soi louable. Vous souteniez que les activités pédagogiques allaient se poursuivre avec la mise en ligne des contenus pédagogiques. Toutefois, vous savez vous-mêmes qu’il y a des questions éminemment politiques qui attendent encore des réponses et qui ne relèvent pas des Assemblées délibératives où siègent des enseignants consciencieux. Ces derniers sont profondément dévoués et déterminés à donner le meilleur d’eux-mêmes pour sauver l’année universitaire.

Aujourd’hui, vous savez bien que l’accès à l’Internet pose un sérieux problème pour des milliers d’étudiants, sans connexion, ni tablette, ni ordinateur. Je vous rappelle que l’Indice de développement des technologies de l’information et de la communication place le Sénégal à la 142e place sur 176 pays (IDI 2018). Ce système de l’enseignement à distance ne s’improvise pas. C’est pourquoi je trouve utile de rappeler que le niveau actuel d’intégration de la technologie de l’information et de la communication dans l’éducation (TICE) est encore trop faible dans notre pays. Pourtant, la Concertation nationale sur l’Avenir de l’Enseignement supérieur de 2013 avait fortement recommandé de mettre les TICE au cœur de notre système universitaire. Vous préconisez l’enseignement à distance, mais quelles mesures concrètes avez-vous prises pour faciliter l’accès universel de tous les étudiants aux contenus pédagogiques ? Qu’avez-vous fait ou prévu de faire concrètement pour les milliers d’étudiants qui sont dans l’extrême vulnérabilité, qui subissent de plein fouet une violente rupture d’égalité ?

Monsieur le ministre,
La situation au sein de nos universités favorise une fracture pédagogique entre étudiants favorisés (ceux qui ont accès à Internet) et étudiants défavorisés (ceux qui n’ont pas accès à Internet). Je ne cesserai de marteler tout le temps, incessamment à nos gouvernants cette réalité implacable : les victimes de la fracture numérique ont les mêmes droits que les autres. À ce titre, l’accès aux contenus pédagogiques doit être universel, sans discrimination aucune. Je tiens ainsi à rappeler que vous avez la responsabilité d’accompagner tous les étudiants à accéder aux contenus pédagogiques qui sont aujourd’hui réservés à une partie des leurs. De cette réalité, la logique voudrait que vous agissiez concrètement pour donner des chances réelles et égales à ceux qui sont exclus. Nous savons que dans le Sénégal d’aujourd’hui, la connexion coûte trop chère et certaines localités ne sont pas couvertes par le réseau d’Internet.

De ce qui précède, je trouve que la volonté de vouloir exclure une catégorie d’étudiants à l’accès aux contenus pédagogiques est une violation flagrante du principe d’égalité des chances. Vous pouvez remarquer vous-même avec lucidité que l’enseignement en ligne tel qu’il fonctionne actuellement laisse des milliers d’apprenants au bord de la route. De ce fait, les victimes de la situation qui cherchent à faire entendre leur voix doivent être reconnues et intégrées, sinon nous aurons une université publique à double vitesse.

Dans un contexte où l’État ne prend pas les dispositions nécessaires, tous les acteurs de l’enseignement doivent être conscients que les inégalités d’ordre pédagogique sont inacceptables dans une société comme la nôtre, car elles bloquent des couches sociales entières dans une pauvreté permanente. Nous savons tous que l’école et l’université publiques constituent un ascenseur social pour tous les jeunes qui viennent de l’intérieur du pays et des quartiers populaires de Dakar.

Ainsi, je vous demande d’affronter la situation avec une intension qui prend en charge la justice et l’équité sociale. Les étudiants qui sont l’avenir de ce pays méritent plus d’attention de la part de la nation. Nous osons espérer, en toute bonne foi, que vos services auront l’intelligence d’écouter les plaintes et complaintes des milliers d’étudiants dont l’avenir est aujourd’hui sérieusement compromis.

Monsieur le Ministre,
Des milliers d’étudiants angoissés, dont l’avenir a subi un coup d’arrêt brutal en plein envol, seront appelés dans les années et décennies à venir « la génération covid-19 ». Vous devez veiller à ce que cette génération ne soit point sacrifiée. Ainsi, elle vous témoignera une reconnaissance pour laquelle vous auriez fait une contribution en prenant des mesures équitables.
Dans l’espoir d’une meilleure perspective pour notre université publique, je vous prie de recevoir, Monsieur le ministre, mes salutations distinguées.

Dakar, le 27 mai 2020
Babacar DIOP,
Enseignant-chercheur
Maître de Conférences titulaire

11 COMMENTAIRES
  • Racine

    Merci Dr Babacar Diop
    Vous vous soucis vraiment de nous les etudiants

  • Toube

    Effectivement le Dr Babacar Diop a raison. On ne doit pas improviser le retour à l’école.

  • Le taon

    Docteur Diop merci encore une fois. Moi actuellement je suis à mboro mais je vs jure pour télécharger un fichier pdf de 5ko, il faut que j’attends la nuit vers 3h pour esperer que le fichier se telecharge. Maintenant ce ministre parle d’enseignement en ligne. Vous voulez sauvér l’année faites le, mais sachez que vs allez sacrifier beaucoup d’eleves,

  • Malick Diallo

    monsieur ne merite pas etre un ministre de la republique parce que il nest de bonne foi lui il sens fou des etudiants nantie ou pauvre cest ministre voleurs nous deshonneur ou vas ce pays

  • Moise

    Ils veulent sacrifier les étudiants pour rien 
    Merci sg 

  • Patriote

    Depuis le debut on sent du tatônnement dans la gestion de cette crise et ça continu. Les enseignements en ligne que vous voulez proposer aux eleves et etudiants tout sachant que les conditions ne sont reunis, releve de la mauvaise foi.. Merci Docteur d’être toujours du coté des defavorisés.

  • Moustapha

    Merci beaucoup Dr Diop d’avoir pensé à l’éducation pasque mon pays mal je suis à Dakar et président de l’Amicale des étudiants dans mon établissement mais nous avons du Mal à accéder aux Platforms et y’a mes amis qui sont dans les coins les plus reculés du pays où l’électricité est rare s’en parlé de réseau à l’Internet alors dans ces conditions comment.je pense que le gouvernement à oublié que nous sommes en Afrique au Sénégal où beaucoup de gens vie au jour le jour

  • Fallou Nayel

    Vraiment Docteur vous avez tout dit. Nous sommes dans un pays où les réalités sociales ne nous permettent pas de faire des cours à distance.
    J’espère que les dires ne tomberont dans l »oreil d’un sourd

  • Ibou

    Merci Dr Diop le Sénégal a besoin des intellectuels comme vous 

  • Circonstances

    A diobeu dioubeu way..ken dou ioe

  • Malick Diallo

    vous voyez des genres de ministres a la politicienne nas souci meme pas aux etudiants nanties ou pauvre dans ce pays ce que nous ignoront nous cest que les politiciens ont detruent ce pays cest la course vitesse chaque politiciens sans profite de puis 1960 cest le meme topos meme habitude .francement ces politiciens avec leurs sales habitude nous portent prejudice ce pays est tres enretard .le systeme de notre politique laisse a desirè nos enfants prennent les pirogues pour aller chercher un avenire meilleur .lafricain est enretard .

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