Syrie: la Turquie et la coalition lancent une opération contre l’EI

karkamis (Turquie) (AFP)-L’armée turque, soutenue par les forces de la coalition internationale antijihadiste, a lancé une opération mercredi avant l’aube en Syrie avec des avions de combat et ses forces spéciales pour chasser le groupe Etat islamique (EI) de Jarablos, frontalière de la Turquie.

Ankara avait annoncé au cours du week-end vouloir jouer un rôle plus actif en Syrie et cette opération baptisée « Bouclier de l’Euphrate » est la plus ambitieuse de la Turquie depuis le début du conflit syrien il y a cinq ans et demi.

L’opération pourrait être rapide. « Je pense que cette menace sera éradiquée dans un court délai », a déclaré le ministre de l’Intérieur Efkan Ala, premier responsable turc à s’exprimer après le déclenchement de l’offensive.

Celle-ci intervient alors que le vice-président américain Joe Biden est arrivé en milieu de matinée à Ankara où il doit rencontrer le Premier ministre Binali Yildirim, puis le président Recep Tayyip Erdogan pour des entretiens notamment sur la crise syrienne.

« Les forces armées turques et les forces aériennes de la coalition internationale ont lancé une opération militaire visant à nettoyer le district de Jarablos de la province d’Alep de l’organisation terroriste Daech », l’acronyme arabe de l’EI, a annoncé un communiqué officiel du Bureau du Premier ministre turc.

La télévision NTV a indiqué qu’un petit nombre de membres des forces spéciales turques étaient entrés quelques kilomètres à l’intérieur du territoire de la Syrie pour sécuriser la zone avant une possible incursion qui serait imminente. Elle a montré des mouvements de chars vers la frontière.

Des F-16 turcs et des avions de la coalition ont largué des bombes sur des sites jihadistes à Jarablos, pour la première fois depuis la destruction en novembre 2015 par la chasse turque d’un avion de combat russe au-dessus de la frontière turco-syrienne, a ajouté la télévision.

L’agence de presse progouvernementale Anadolu a précisé que sur 12 cibles visées par les chasseurs, 11 avaient été détruites tandis que des sources militaires indiquaient à la télévision que 70 cibles avaient été éliminées par l’artillerie.

– ‘Intégrité de la Syrie’ –

Des images de la télévision montraient des colonnes de fumée s’élevant au-dessus de Jarablos, le dernier point de passage contrôlé par l’EI à la frontière turco-syrienne. La Turquie avait ordonné mardi soir aux habitants de Karkamis, qui fait face à Jarablos, d’évacuer pour « des raisons de sécurité » la petite ville turque.

Anadolu a précisé que l’opération avait commencé à 04H00 locales (01H00 GMT) et avait pour but, outre de chasser l’EI, de « renforcer la sécurité de la frontière et de préserver l’intégrité territoriale de la Syrie ».

Alors que des centaines de rebelles syriens soutenus par Ankara se préparaient du côté turc à une offensive pour capturer Jarablos mardi, un responsable turc avait indiqué que cette opération était motivée par la volonté d’Ankara d’empêcher la prise de contrôle par les milices kurdes de cette localité.

« La Turquie ne permettra pas que sa sécurité soit menacée et prendra toutes les mesures nécessaires », a déclaré mercredi le ministre de l’Intérieur, Efkan Ala, dans un entretien à Anadolu.

« Nous ne tolérerons pas que des organisations terroristes s’en prennent à la Turquie sous notre nez », a-t-il continué

La Turquie est soucieuse en effet d’empêcher l’avancée des Forces démocratiques syriennes (FDS) de Minbej vers Jarablos et ne veut pas que les Kurdes se positionnent davantage à la frontière. Les FDS sont une alliance de combattants kurdes et de groupes armés arabes luttant contre l’EI.

Ankara voit avec anxiété toute tentative des Kurdes de Syrie de créer une unité territoriale autonome le long de sa frontière.

La Turquie considère l’EI et le Parti de l’Union démocratique (PYD, kurde) comme des organisations terroristes et les combat alors que son allié américain soutient, au grand dam d’Ankara, les Kurdes contre les jihadistes en Syrie.

Saleh Muslim, le coprésident du PYD, a vivement dénoncé l’opération sur son compte Twitter: « La Turquie dans le bourbier syrien, sera vaincue comme Daech ».

« Après le départ d’Ahmet Davutoglu (ancien Premier ministre), l’architecte de la politique étrangère turque cette dernière décennie, Ankara a recalibré sa politique syrienne en empêchant l’avancée du PYD kurde », a estimé Soner Cagaptay, analyste pour la Turquie au Washington Institute.

– Eradiquer l’EI –

Lundi soir le Premier ministre turc Binali Yildirim avait exhorté les pays impliqués dans la crise syrienne dont la Russie, les Etats-Unis et l’Iran à unir leur forces pour « ouvrir une nouvelle page » en Syrie.

M. Yildirim avait déclaré le week-end dernier que son pays allait avoir un rôle plus actif dans le conflit syrien.

Après avoir été longtemps accusée de complaisance à l’égard des combattants jihadistes, la Turquie affirme désormais qu’elle a pour objectif d’éradiquer l’EI.

Un nouvel attentat samedi dans la ville turque de Gaziantep, près de la frontière, a tué 54 convives d’un mariage kurde. Tout semble indiquer que l’attaque porte la marque du groupe jihadiste.

La situation en Syrie, comme la question de l’extradition de l’ex-imam Fethullah Gülen, exilé aux Etat-Unis, que les autorités turques désignent comme le cerveau du putsch avorté du 15 juillet en Turquie, seront à l’ordre du jour des discussions du vice-président américain à Ankara.

Photo fournie par le service de presse de la présidence le 23 août 2016 montrant le président turc Recep Tayyip Erdogan (d) et le président du gouvernement régional du Kurdistan irakien Massoud Barzani à Ankara
Frappes turques
Le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlut Cavusoglu, à Ankara le 12 août 2016
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