SIKILO : « Réinventons une mobilité responsable et sénégalaise… »
Tout d’abord, je prie pour le repos en paix de nos morts par accident. Mes sincères condoléances aux familles des victimes et prompt rétablissement aux blessés, que notre seigneur atténue leurs souffrances et nos peines. A toutes les victimes et à leurs familles, je leur souhaite le courage de vivre avec ce traumatisme.
Le dimanche 8 janvier 2023, en pleine saison de vœux, nous assistons encore une fois de plus à un terrible accident. Près de 150 personnes se trouvaient à bord des bus, donc 150 familles sinon plus traversent cette épreuve au moment où je vous écris. Ce sont des pères, des mères, des fils, des filles, des beaux-parents, des grands-parents, des frères, des sœurs, des époux, des épouses, ils s’appelaient Mame Cheikh, Moussa, Adriana, Mariama, Kaba, Adama, Alassane, Fina, Ouley, Awa Loum… Ils avaient 6 mois, 4 ans, 18 ans, 60 ans…Ils quittaient un endroit pour aller à un autre, ils quittaient une famille pour en rejoindre une autre…
Ils voyageaient cette nuit pour le travail, la famille, les amis, les obligations de la vie…Ils avaient des rêves… Comment ne pas se rappeler du Bateau Joola ? Comment ne pas se sentir triste et perdu ? Comment ne pas se dire : pourtant, nous aurions pu l’éviter ? Certainement, cet accident est moins mortel que le naufrage du bateau Joola mais leurs causes restent malheureusement identiques : une indiscipline citoyenne, une absence caractérisée de l’état, la rigueur et la prévention abonnées absentes, l’ancrage permanent du fatalisme, et tant d’autres raisons.
En 2019, la mortalité par accident de la route au Sénégal est de 24 morts pour 100.000 habitants. C’est le même ratio qu’on retrouve presque dans la sous-région. Pour la même année, la Chine affiche 17 morts pour 100.000 habitants, pour une population qui dépasse le milliard, malgré leur système très rigoureux et disciplinaire. Donc atteindre un objectif zéro accident est une utopie dans la pratique, par contre sauver des vies grâce à une vraie politique routière préventive et rigoureuse reste à notre portée.
Cet accident met en exergue une gestion sans cap de la sécurité routière par l’État, justifiée par des sorties médiatiques, analyses déphasées et les 23 mesures disproportionnées. On peut simplement deviner que les enjeux électoraux imminents en valent la chandelle.
A mon avis, les premières mesures à prendre sont d’abord le respect des règlements existants bafoués, à savoir : l’audit des auto-écoles, la délivrance et l’octroi des permis de conduite, le respect de la limitation des vitesses et du code, la mise en pratique des sanctions sans complaisance. Ensuite, la prévention, mère de la sécurité, est à enseigner et à marteler par tous les moyens et activement à tous (conducteurs, piétons et passagers) grâce à une bonne politique de sensibilisation.
En effet, nous devons sans cesse rappeler les conséquences sociétales des accidents aux différents endroits stratégiques, le long des routes, dans les gares routières. Par exemple, on pourrait afficher le nombre de morts sur chaque tronçon accidentogène. Pourquoi ne pas créer des cimetières factices le long des routes : « ici reposent tant de morts par accident ». Ou encore, on pourrait afficher les photos chocs de vrais blessés et d’orphelins dus aux accidents.
En mettant en contribution nos artistes et sociologues, un plan de prévention efficace pourrait être établi dans les prochains jours. L’objectif est de responsabiliser par les faits réels.
Mieux, Le code de la route doit être réinventé suivant nos réalités socio-culturelles, pourquoi pas créer un code de la route « Mademba » remplaçant celui de « Rousseau ». Nous savons l’histoire mythique des routes hantées racontées de génération en génération, pourquoi pas l’intégrer dans notre code de la route « Mademba ». Ce dernier décortique les précautions à prendre suite au passage des animaux traversant la route, le message de la mère nature. Le code « Mademba » partage et explique les prières préventives léguées par nos religions aux conducteurs et voyageurs.
D’ailleurs, avec une population qui double presque tous les 20 ans, les initiatives mises en œuvre sont disproportionnées par rapport aux besoins de la génération actuelle et future.
Notre salut réside dans notre capacité à travailler ensemble et trouver des solutions efficaces, duplicables et surtout frugales. Les idéologies politiques et l’égocentrisme sont à inhiber, car les sacrifices à faire sont incommensurables, nous sommes en guerre latente. Dans la foulée, je propose le retour en force et plus évolué du transport ferroviaire qui jadis desservait (Thiès- Diourbel – Touba- Louga -Saint Louis -Kaolack-Tambacounda-Kidira) le siècle dernier. Le chemin de fer est une solution économique et sécuritaire pour assurer le transport Interurbains des biens et personnes. Il dégorge les routes d’une manière significative tout en créant des emplois.
Avec près de 60% de citadins à l’horizon 2030, le Sénégal présente un taux d’urbanisation au-dessus de la moyenne africaine. La région de Dakar tire à elle seule 55% du PIB et abrite 50% de la population urbaine. Pas besoin d’être un expert pour comprendre la météo du transport sur notre sol. Tous quittent l’est, le nord, le sud, le centre pour aller en direction de Dakar et vice versa à la recherche de biens, de savoir ou tout simplement de meilleures conditions de vie. Ce qui veut dire qu’opérer une transformation structurelle de l’économie et de l’administration devient une urgence obligatoire dont la finalité sera la décentralisation et la congestion totale de la capitale. Le redéploiement du transport ferroviaire peut jouer un rôle catalyseur pour l’équité territoriale.
Le Sénégal, un pays 100% numérique est possible. En effet, après la mise en place de l’Université Virtuelle du Sénégal (UVS), rien ne nous empêche de créer HVS (Hôpitaux Virtuels du Sénégal), EVS (Emplois Virtuels du Sénégal), AVS (Administration Virtuel du Sénégal). L’HVS, grâce à la télémédecine, combinée avec des hôpitaux modernes mobiles qui sillonnent les territoires pour le bien des citoyens.
L’AVS accessible par tous et partout réduira considérablement l’absence de l’État et restaurera l’égalité entre les citoyens. Avec l’EVS, l’emploi de demain sera virtuel, suite logique du présent télétravail. Le monde du travail de demain est en route pour devenir virtuel dans plusieurs corps de métiers. Vivre et habiter à Bignona et travailler à Sidney ou Kigali sera le tableau du monde actif de demain.
Ainsi préparons nos élèves dès le bas âge, nos étudiants à assimiler le réel africain dans un monde virtuel. TOUT est à réinventer et l’audace étatique décomplexée est la clé de voûte pour cette transformation du Sénégal.
* Par LY Moustapha
Ingénieur génie civil CHEC – Manager d’entreprise
moustafaly221@gmail.com