Le Professeur Mbaye Thiam, historien, archiviste, enseignant à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar était l’invité, ce dimanche, de l’émission JDD sur IRadio. Il a donné son avis sur le déroulement du scrutin de ce 24 mars 2024.
« Dimanche dernier, dans une ferveur extraordinaire, le peuple sénégalais s’est levé, a élu de manière très claire, sans équivoque, un nouveau président de la République, dont l’une des particularités est qu’il est le plus jeune président élu depuis l’indépendance de notre pays. Autre particularité très marquante pour un historien, c’est qu’il est sorti de prison dix jours avant, même s’il était candidat en prison…« , a rappelé le Pr Mbaye Thiam.
Qui poursuit : « Mais la première des observations que l’on peut tirer de cela, c’est un hommage qu’il faut qu’on rende au peuple sénégalais. Le peuple sénégalais a montré, malgré tout ce qu’on a dit dans les quatre dernières années, que c’est un peuple majeur. C’est un peuple profondément attaché à la démocratie. C’est un peuple qui s’intéresse à ce qui se passe politiquement dans son espace. C’est surtout un peuple de citoyens aux valeurs républicaines et aux valeurs sociales… »
« Personne n’aurait pu imaginer, il y a trois mois, avec tout ce qui s’est passé au Sénégal, qu’on allait traverser un dimanche aussi calme, un dimanche aussi décisif, au sortir duquel, dès les premières escarmouches à la fermeture des bureaux de vote, on sentait l’acte… Et ça, c’est d’abord et avant tout la mobilisation du peuple sénégalais souverain qui nous a permis d’arriver à cela. Évidemment, une des choses essentielles qu’on aura à noter c’est que, alors qu’on nous promettait un scrutin serré, parce qu’il y avait beaucoup de candidats, 19 candidats, alors qu’on nous promettait un scrutin violent, parce que les frontières entre les différentes parties étaient extrêmement tracées, alors qu’on nous promettait tout et son contraire, les Sénégalais ont surpris le monde en votant. En votant calmement, en votant librement, sans aucune violence, sinon quelques escarmouches ici et là, et effectivement, on plébiscitait quelqu’un dont le mérite aura été de remporter les élections pour la première fois en sortant de prison, mais au premier tour« , s’est félicité l’historien.
D’habitude, renchérit-il, « dans nos contrées, c’est le candidat du pouvoir qui arrive en première position, même s’il ne gagne pas, et qui est en deuxième tour. Ici, c’est le candidat sorti de l’opposition avec des limites objectives liées à un contexte extrêmement complexe, mais qui se retrouve au premier tour et qui bat le candidat de la majorité avec quand même un score assez appréciable, 54 et quelques pourcents. C’est tout à fait important. Parce qu’en réalité, ça ne peut plus être la réussite d’un homme. Ce n’est plus la réussite d’un parti, d’une coalition, mais c’est la réussite d’un peuple qui a dirigé sa vision sur un homme en lui faisant confiance« .