Libye: Entre complexité et lueur d’espoir dans sa mission, Abdoulaye Bathily raconte le « pire job du monde… »

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« J’ai hérité du pire job du monde…« , a soutenu Abdoulaye Bathily. Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye s’entretenait avec « Jeune Afrique ». Il est revenu sur sa mission complexe en Libye, que l’éclatement du conflit Israélo-Palestinien a rendu plus délicate.

Plus d’un an qu’il a été nommé à ce poste, Abdoulaye Bathily tente de ramener à la table des négociations les chefs des différentes factions libyennes, dans le but de mettre fin au règne des milices, mais aussi organiser des élections libres et transparentes que le pays attend depuis 2021. Une tache qui s’avère quasi impossible. Et le conflit entre le Hamas et Israël est venu compliquer, davantage les choses.

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye parle d’évidence, à cet effet. Non sans rappeler « que quelques semaines avant l’attaque du Hamas, la ministre libyenne des Affaires étrangères a été démise de ses fonctions à la suite d’une rencontre avec son homologue israélien, à Rome. Les problèmes existaient donc avant le déclenchement de la guerre. Et bien sûr, aujourd’hui, la situation à Gaza a des conséquences en Libye, comme elle en a dans toute la région« .

Parvenir à organiser des élections…

D’après M. Bathily, la priorité c’est l’organisation des élections. Car, rappelle-t-il que « depuis 2011, la Libye n’a pas connu de gouvernement stable, légitime. On se retrouve avec deux gouvernements rivaux, un Parlement dont le mandat a expiré. Les autorités de Tripoli, avec lesquelles les instances internationales sont en contact, devaient organiser des élections en 2021, mais celles-ci n’ont jamais eu lieu. Il faut des élections pour désigner une autorité unifiée, un président, un parlement dont le mandat est renouvelé. Sans cela le pays ira vers toujours plus de fragmentation« .

Un accord qui semble insuffisant…

« Nous avons mis sur pieds un comité interparlementaire, dit ‘6+6’, qui s’est réuni au Maroc et a adopté des lois électorales. Le problème c’est que ces lois étaient insuffisantes, voire inapplicables. En septembre, on a abouti à une nouvelle version, mais celle-ci pose encore des problèmes… La loi prévoit par exemple que pour l’élection présidentielle, un deuxième tour est obligatoire quels que soient les scores du premier tour. Imaginez : même si un candidat réunit 60 % au premier tour, il y en aurait un second ! C’est juste un signe du manque de confiance entre les différents acteurs. La loi dit aussi que la présidentielle et les législatives doivent avoir lieu en même temps et que si, quel qu’en soit le motif, la présidentielle n’a pas lieu, les législatives seront annulées. Là encore, c’est en raison de la défiance entre les parties« , a-t-il regretté.

Une lueur d’espoir…

Toutefois, il reste optimiste quant à la progression des discussions : « Le 23 novembre, après des échanges très approfondis avec toutes les parties en présence, nous avons formulé une nouvelle proposition. Nous avons demandé à tous les responsables de désigner des représentants qui seront chargés de participer en leur nom à une réunion préparatoire dont l’objet sera de passer en revue tous les points d’achoppement qui empêchent encore la mise en place d’un processus électoral. Le but de cette réunion sera de discuter d’un calendrier électoral et des points qui restent à régler, afin de préparer une conférence à laquelle participeront les dirigeants eux-mêmes« .

Un progrès d’après lui, « car c’est la première fois, depuis l’échec du scrutin de décembre 2021, qu’un cadre constitutionnel et légal est mis en place pour organiser des élections. Et pour que ce processus demeure aussi inclusif que possible, je vais, parallèlement, mener des entretiens avec d’autres membres influents de la société libyenne pour m’assurer que leurs propositions soient bien prises en compte. Nous parlons ici de représentants des partis politiques, d’acteurs militaires et sécuritaires, de notables et de chefs traditionnels, d’universitaires, mais aussi de représentants de la société civile, en particulier les femmes et les jeunes« .

Le « pire » job du monde…

« C’est extrêmement difficile. Mes prédécesseurs ont fait ce qu’ils ont pu et moi-même je ferai au mieux. Aujourd’hui nous tentons d’organiser des élections, mais les Nations unies ne veulent surtout pas que ce processus crée encore plus d’instabilité ou fasse couler plus de sang. La volonté des Libyens doit pouvoir s’exprimer, mais pour cela il faut que les leaders de ce pays décident de prendre leurs responsabilités. C’est cela, et non, comme ils répètent à l’envi, des interventions extérieures, qui empêche la Libye de sortir de la crise dans laquelle elle se débat depuis douze ans« , conclut Abdoulaye Bathily.

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