Le complot de Ouagadougou : écran de fumée ou menace réelle ?

Alors que le Burkina Faso, sous la férule du capitaine Ibrahim Traoré, affirme avoir déjoué un « grand complot » orchestré depuis Abidjan, l’accusation laisse songeur. Derrière les mots forts et la rhétorique martiale, une interrogation s’impose : assiste-t-on à une manœuvre sécuritaire justifiant la répression interne, ou à une fuite en avant diplomatique maquillant les échecs de la gouvernance actuelle ?
Le gouvernement burkinabè dénonce un vaste réseau « de déstabilisation », prétendument activé depuis la Côte d’Ivoire, impliquant des tentatives d’assaut sur la présidence, des connexions avec des attaques jihadistes, et une prétendue complicité de soldats enrôlés à dessein. Une accusation grave, dans une région où les mots peuvent être aussi explosifs que les balles.
Or, face à ce discours martial, la Côte d’Ivoire oppose une posture mesurée, presque diplomatique. Le porte-parole du gouvernement, Amadou Coulibaly, a sèchement récusé les accusations, rappelant que son pays n’a jamais œuvré à la déstabilisation d’un voisin. Et pour cause : la Côte d’Ivoire accueille plus de 60 000 réfugiés burkinabè, fuyant non seulement l’insécurité terroriste, mais aussi une dérive autoritaire désormais palpable à Ouagadougou. Il est difficilement concevable que l’on abrite les victimes d’un régime tout en ourdissant un complot pour le renverser.
L’éternel complot extérieur : une stratégie éprouvée
Le recours à l’ennemi extérieur n’est pas nouveau. Hier, c’était la France, accusée de tous les maux , du soutien aux groupes armés à la manipulation politique. Aujourd’hui, les regards se tournent vers d’autres voisins, dans un mimétisme idéologique qui gangrène les régimes de transition de l’ Alliance des États du Sahel ( AES ). Il y a là un glissement dangereux : celui d’un pouvoir qui, incapable de sécuriser ses frontières ou de redresser son économie, cherche à se légitimer par l’affrontement permanent.
Dans cette dynamique, la Côte d’Ivoire paie peut-être le prix de sa relative stabilité, de son ouverture économique, et de son refus de verser dans l’autoritarisme militaire. En se posant comme refuge pour les exilés burkinabè, Abidjan devient à la fois un miroir et un contre-modèle pour les régimes de Ouagadougou, Bamako ou Niamey. Une position qui dérange, surtout lorsque les échecs militaires et sociaux deviennent indéfendables.
Répression sous prétexte de sécurité
Dans la foulée de l’annonce du complot, les autorités burkinabè ont gelé les avoirs de plus d’une centaine de militaires et d’opposants, dont l’ancien président Damiba. Le tout sur fond d’arrestations, d’exécutions sommaires présumées et de contrôle accru de l’opinion. Le discours sécuritaire, instrumentalisé, devient alors le paravent d’une répression silencieuse.
En réalité, ce que vivent aujourd’hui les États de l’AES n’est pas une guerre idéologique ou une simple croisade contre le terrorisme. C’est une recomposition du pouvoir par la peur. Dans cette perspective, accuser ses voisins devient un réflexe de survie politique.
Vers une crise régionale ?
La multiplication de ces accusations pourrait compromettre la coopération régionale, déjà minée par les tensions diplomatiques et les replis souverainistes. Une telle fracture affaiblit non seulement la lutte contre le terrorisme, mais compromet aussi les dynamiques de développement et de mobilité, essentielles pour l’avenir du Sahel.
À l’heure où l’Afrique de l’Ouest aurait besoin d’unité, d’intelligence collective et de leadership visionnaire, certains préfèrent ressusciter les vieux démons du complotisme pour masquer leurs propres défaillances.
Le danger n’est pas à Abidjan. Il est dans la tentation d’ériger la paranoïa en gouvernance.
Mamadou Cissé
Journaliste-Spécialiste des idées populistes
Oui c’est une menace réelle et présente de fumée noire pour masquer le réel.
Bravo très beau texte, malheureusement le peuple burkinabe tout comme celui malien se rendront compte de cette incapacité et de la faiblesse de leurs états seulement trop tard. Ces règimes militaires auront eu le temps de voler les derniers publics tout en réprimant toute volonté de contrôle de leurs actions. Demain ce sera trop tard
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