Le 18 heures de la VDN de Dakar ! (Cheikh Ahmed Fadel)

Les bouchons aux heures de pointe, du centre-ville au Pont 26, constituent aujourd’hui la forme de congestion urbaine la plus critique au Sénégal, avec des conséquences multiples : stress urbain, pollution et pertes économiques. Selon le Dr Thierno Brahim Aw, ancien Directeur général du CETUD en 2023, les Sénégalais perdent en moyenne 40 heures par an dans les embouteillages. Il ajoute que la congestion routière représente la deuxième externalité négative la plus importante. Les pertes économiques qui en résultent sont estimées à 235 milliards de FCFA, soit 26 % de l’ensemble des externalités négatives.

Pourquoi la VDN, qui s’inscrivait dans le cadre des politiques de décongestion urbaine de Dakar, devient-elle de plus en plus la voie la plus saturée parmi celles qui mènent vers le centre-ville ?
En effet, le trafic en provenance de la Petite-Côte de Dakar est partiellement absorbé par le TER reliant Bargny au centre-ville. La voie de la banlieue, quant à elle, bénéficie du service du BRT. En revanche, la VDN se situe à la croisée des chemins, sans véritable système de transport en commun ni mesures de régulation urbaine adaptées. Cette route traverse non seulement plusieurs communes dont les populations ont généralement des besoins commerciaux ou administratifs en ville, mais constitue également l’une des principales issues pour sortir de Dakar vers Saint-Louis, Thiès ou Mbour. Parmi les communes traversées par ce trajet, on peut citer : Dakar-Plateau, Médina, Fass-Gueule Tapée, Fann-Point E-Amitié, Sacré-Cœur-Mermoz, Sicap-Liberté, Yoff et Parcelles Assainies jusqu’au fond de la périphérie urbaine.

Diagnostic du bouchon à l’entrée des véhicules en ville jusqu’à la sortie au Pont 26 des Parcelles Assainies.

Tronçon I : Place de l’Indépendance – Sandaga – Tilène – Sam
Sur cet axe, le véritable problème réside dans l’occupation anarchique de la voirie et les stationnements gratuits qui rétrécissent la route et ralentissent le trafic.

Tronçon II : Sam – Fann – UCAD – Rond-Point École Normale
Sur cet axe, la principale difficulté réside dans la multitude d’arrêts de bus qui s’accostent directement sur la chaussée et ralentissent considérablement la circulation.

Tronçon III : Pont École Normale – Pont 26 (Parcelles Assainies)
La géographie de ce tronçon est marquée par une bétonisation croissante, matérialisée par huit ponts et ronds-points : Pont 26, Foire, Sipres, Saint-Lazare, Ancienne Piste, OFNAC et École Normale. Le rond-point le plus critique se situe également sur ce tronçon, entre Foire et Cité Damel, là où les deux voies se séparent, créant un goulot d’étranglement.

Pistes d’aménagement et de réglementation urbaine.

Tronçon I
La première mesure à adopter est le courage et la fermeté. L’aménagement de cet axe commercial, qui traverse deux grands marchés (Tilène et Sandaga), nécessite une véritable détermination. L’occupation anarchique et gratuite de la voirie urbaine par les commerçants doit être définitivement interdite par décret ou par loi dans le centre-ville et appliquée avec rigueur. Cette mesure doit se faire en parfaite collaboration avec les différents acteurs concernés (État, collectivités locales, chambres de commerce et commerçants) afin d’identifier et d’aménager des sites alternatifs plus appropriés pour le stationnement et les petits commerces.

Tronçon II
Il est nécessaire de mettre en place des mesures de régulation urbaine et d’adopter un nouveau plan de transport urbain, avec un respect scrupuleux des arrêts de bus. L’axe Sam – Fann – Rond-Point École Normale compte environ six arrêts de bus AFTU sur une distance d’environ 2 km, sans bordures ni quais réglementaires permettant aux bus de s’accoster convenablement sans perturber la circulation. Dans ce cas, les services de mobilité de l’État doivent non seulement inciter les entreprises de transport au respect strict des arrêts, mais également élaborer un plan de transport cohérent prenant en compte la distance entre les arrêts, afin d’améliorer la fluidité du trafic et la régularité de la desserte.

Tronçon III : Transport collectif moderne et durable – Téléphérique urbain
Ce tronçon ne souffre apparemment ni d’occupation anarchique ni de dérèglement urbain, car il constitue principalement une voie de continuité. L’idée d’un téléphérique urbain se présente comme une solution innovante pour desservir les populations, notamment pour traverser des collines, des cours d’eau, mais aussi pour survoler des infrastructures saturées comme la VDN. D’ailleurs, dans la planification de la VDN, un espace est réservé entre les deux voies afin de permettre l’implantation de ce type d’infrastructure à l’avenir. Un téléphérique urbain, équipé d’une vingtaine de cabines pouvant transporter chacune jusqu’à 30 passagers, pourrait acheminer environ 10 000 usagers entre 17 h et 19 h, en un temps record, reliant ainsi le centre-ville à la nouvelle banlieue.

Quatrième et dernière proposition globale : Diversification des horaires de travail
Les gros embouteillages sur cet axe se concentrent essentiellement pendant les heures de pointe, avant et après les heures de travail. La ville du Caire, en Égypte, a déjà expérimenté un réaménagement des horaires, et d’autres villes comme Shanghai ont également mis en place des mesures pour décourager l’usage des véhicules individuels en appliquant des taxes dissuasives, incitant ainsi les populations à utiliser les transports en commun.

Pourquoi ne pas envisager une telle mesure au Sénégal ?
Par exemple, il serait possible d’adopter des horaires différenciés : un premier groupe travaillant de 07 h à 16 h et un second de 08 h à 17 h, afin de réduire la concentration du trafic à certaines heures et d’améliorer la fluidité de la circulation.


Géographe et formateur en aménagement du territoire.

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Un commentaire

  1. Big man

    Analyse très pertinente. On ne peut pas continuer sur ce modèle de transport un peu désuet. À un certain moment il faut avoir le courage d’innover créer d’autres moyens de transport moderne à l’image des pays développés. Comme le disait si bien le Président Wade »il ne faut pas limiter nos ambitions « .Esperons que les nouvelles autorités s’engagent sur cette voie


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