L’Afrique face au retour de Donald Trump (Par Cheikh NIANG*
Le retour de Donald Trump à la tête des États-Unis, qu’il soit envisagé comme un tournant ou un recommencement, s’inscrit dans un contexte géopolitique en pleine mutation. Si le monde occidental s’apprête à redécouvrir une version réinventée du “trumpisme”, l’Afrique, elle, se trouve à un carrefour crucial où se dessinent à la fois des opportunités et des défis stratégiques.
Logiquement, si l’on s’en tient aux enseignements de sa présidence antérieure, il est peu probable que l’on assiste à des bouleversements majeurs dans la conduite de la politique extérieure américaine à l’égard de l’Afrique. En effet, les canaux de coopération sont huilés et devraient fonctionner sans heurt. Même si , à l’instar de ses prédécesseurs, Trump a toujours démontré un intérêt intermittent pour le continent, souvent dicté par des impératifs sécuritaires ou économiques immédiats.
Pour le continent africain comme pour le reste du monde, un retour de Trump à la Maison-Blanche n’est pas qu’une simple question de politique étrangère américaine. C’est un phénomène à la fois complexe et multidimensionnel qui pourrait redéfinir les relations internationales, les priorités géostratégiques et les dynamiques économiques mondiales.
Sous la première présidence Trump, l’Afrique, toujours reléguée à la périphérie des préoccupations de Washington, a vu ses enjeux traités en termes souvent utilitaristes. Trump, en mettant l’accent sur une politique de réciprocité et de maximisation des intérêts stratégiques immédiats, avait souvent opté pour une diplomatie pragmatique où l’Afrique apparaissait comme un terrain secondaire, sous l’angle de la lutte contre le terrorisme ou de la gestion des flux migratoires. Cependant, avec ce retour, il ne fait aucun doute que l’approche de Trump vis-à-vis du continent africain restera marquée par une logique transactionnelle, dans laquelle l’asymétrie des relations sera exacerbée par une quête de rentabilité. La question qui se pose alors n’est pas celle de ce que Trump fera pour l’Afrique, mais bien ce que l’Afrique choisira de faire de cette dynamique mondiale qui s’annonce.
La première leçon que le continent doit tirer de cette période est qu’il doit se libérer de la logique de dépendance et de soumission à des puissances extérieures. Les relations avec les États-Unis, sous Trump ou ses successeurs, ne doivent plus être gouvernées par l’illusion d’une bienveillance désintéressée. Il convient que l’Afrique réexamine sa position géostratégique à l’aune des nouvelles réalités de l’ordre mondial, et qu’elle forge des alliances fondées sur des intérêts mutuellement bénéfiques et non sur de simples accords ponctuels. L’Afrique doit ainsi se préparer à interagir avec les grandes puissances tout en gardant le contrôle de son destin.
Ce défi, loin d’être une fatalité, ouvre la voie à une opportunité majeure : l’impératif d’un renouveau économique et géopolitique. L’Afrique doit impérativement investir dans une véritable souveraineté économique, cimentée par des bases solides d’indépendance industrielle, énergétique et financière. L’autosuffisance, si longtemps ignorée ou reléguée au second plan, doit devenir une priorité stratégique. Face à un Trump qui pourrait accentuer ses politiques protectionnistes et ses choix économiques axés sur les seules priorités nationales, l’Afrique, riche de ses ressources naturelles et humaines, doit impérativement accélérer sa transformation interne. La diversification de ses partenariats devient non seulement une nécessité, mais une exigence pour sa survie économique.
Dans cette dynamique, l’industrie africaine, l’innovation technologique et la transformation locale des ressources doivent occuper le devant de la scène. L’autonomie énergétique, en particulier, s’avère un chantier incontournable. Les initiatives en matière d’énergie, d’agriculture durable et de technologies de l’information doivent être portées par des politiques publiques ambitieuses, soutenues par une gouvernance moderne et un système éducatif de qualité, afin de permettre à l’Afrique de s’affranchir des rapports de domination extérieurs. L’Afrique doit ainsi se doter de l’infrastructure nécessaire pour transformer ses ressources brutes en valeurs ajoutées, et ce, dans le respect d’un développement durable qui tirera parti de ses atouts tout en minimisant les effets pervers d’une mondialisation qui, souvent, n’a pas tenu compte des particularités africaines.
Il conviendra de décrypter au plus tôt les signaux d’un engagement ou d’un désengagement de Donald Trump à l’égard de l’Afrique, car de cette dynamique dépendra la posture à adopter par le continent. Le retour de l’ex-président à la tête des États-Unis s’inscrit ainsi dans un contexte mondial incertain, où les relations internationales sont déjà marquées par un éclatement des alliances et des stratégies nationales, de plus en plus axées sur des intérêts immédiats. En ce sens, la lecture des intentions de Trump vis-à-vis de l’Afrique est cruciale pour déterminer la manière dont le continent devra naviguer entre ses relations traditionnelles et ses aspirations à une autonomie géopolitique affirmée.
Dans un contexte où la Chine et la Russie cherchent à renforcer leur influence sur le continent, Trump pourrait envisager l’Afrique à travers une lentille pragmatique et transactionnelle, accentuant l’isolement des États-Unis tout en privilégiant des alliances ponctuelles fondées sur des intérêts réciproques. Cette configuration géopolitique appelle à une relecture des rapports diplomatiques du continent, exigeant des dirigeants africains une vigilance accrue pour éviter que leurs pays ne deviennent des pions dans ce grand jeu des puissances mondiales.
L’Afrique, loin d’être une simple spectatrice dans ce jeu de forces internationales, doit impérativement développer une diplomatie proactive, qui ne se limite pas à une gestion défensive de ses relations avec les puissances extérieures, mais qui se projette dans une logique d’émancipation. Il ne s’agit pas uniquement de répondre aux attentes des grandes puissances, mais de façonner un dialogue global où les priorités africaines, notamment en matière de développement durable, d’industrialisation et de gouvernance, soient clairement établies et pas seulement négociées en fonction des besoins immédiats de puissances étrangères.
Une telle approche nécessite une réflexion approfondie sur des alliances stratégiques alternatives, non seulement avec les pays occidentaux, mais aussi avec des partenaires émergents, en particulier dans le domaine économique et technologique. L’Afrique, forte de son potentiel humain, naturel et technologique, doit se tourner vers des collaborations non seulement rentables, mais aussi respectueuses des principes de souveraineté et de développement endogène. La diaspora africaine, souvent négligée dans les équations géopolitiques, constitue un levier stratégique considérable, qu’il convient de valoriser davantage. En connectant les talents et les investissements des africains de la diaspora avec les besoins locaux, l’Afrique pourrait se doter d’un atout considérable pour faire face aux défis de l’avenir tout en assurant une certaine indépendance vis-à-vis des influences extérieures.
Dans cette dynamique, l’Afrique se doit d’être à la fois audacieuse et pragmatique, pour ne pas sombrer dans le piège de la dépendance économique. La force réside dans la capacité à se saisir des opportunités tout en mettant en place des stratégies d’autonomie vis-à-vis des rapports de pouvoir mondiaux.
En définitive, le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis n’est pas un simple épiphénomène politique. Il s’agit d’une fenêtre d’opportunité pour l’Afrique, une invitation à transcender ses dépendances passées pour construire un avenir souverain, autonome et dynamique. L’Afrique, loin d’être une simple périphérie dans ce grand jeu mondial, doit prendre sa place au centre de l’échiquier des puissances mondiales. Le défi qui se présente à elle est de taille, mais il n’est pas insurmontable. Il dépend avant tout de la capacité du continent à se redéfinir dans une logique de souveraineté retrouvée, où la diplomatie, l’économie et les ressources humaines et naturelles se conjuguent pour offrir une vision ambitieuse de l’Afrique de demain.
*Ambassadeur du Sénégal à la retraite
Cela ne sert à rien d’essayer de changer la donne.
Les toubabs ont leurs priorités ailleurs.
Rien que les sommes démentielles remises à l’Ukraine auraient pu sortir a jamais l’Afrique du sous développement à jamais.
Le salut viendra de nous et de nous seuls.
Le plus vite on le comprendra le mieux on se portera.