L’Afrique face à elle-même : entre solidarité internationale et cécité locale

J’admire la capacité d’indignation et le soutien indéfectible que manifestent de nombreux jeunes Africains, notamment sur les réseaux sociaux, à l’égard de l’État iranien, souvent illustrés par des vidéos de propagande diffusées lors d’événements comme le salon des drones à Dubaï.
Cependant, je serais encore plus admiratif de leur sensibilité au sort du monde si cette même détermination se manifestait lorsqu’il s’agit des crimes perpétrés contre leurs propres frères Africains, tant sur le continent qu’à travers le monde.
De l’esclavage qui perdure dans certains pays aux atrocités infligées à des populations entières par des dictateurs qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, cherchent surtout à préserver des privilèges issus d’un pouvoir illégitime, aucun de ces enjeux profondément africains ne suscite une mobilisation à la hauteur. Et pour cause : ceux qui sont les premiers concernés n’en font pas une priorité, ce qui n’incite guère la communauté internationale à s’en préoccuper.
Nous devrions prendre du recul face à la complexité des relations internationales et engager une véritable introspection continentale, afin de mieux nous orienter collectivement.
Pour ce faire, il est impératif de disposer de dirigeants à la hauteur des défis mondiaux, prêts à faire les sacrifices nécessaires au service d’un intérêt commun.
Or, ce leadership fait actuellement défaut sur notre continent. C’est précisément ici que des organisations continentales comme l’Union africaine, ou régionales comme la CEDEAO, devraient pleinement jouer leur rôle — y compris sur le terrain stratégique de la communication et de la propagande à l’échelle mondiale.
Le nouveau type d’Africain doit s’affirmer selon une vision fondée sur l’intérêt commun, sans se laisser guider par des influences extérieures.
Comment comprendre, par exemple, la position de la Turquie qui condamne l’État israélien tout en maintenant une étroite collaboration avec les États-Unis dans les domaines de l’armement et de l’énergie, deux secteurs alimentés par une économie de guerre au service des grandes puissances industrielles ?
Comment saisir la posture de certains pays arabes qui, tout en affichant leur soutien à l’Iran, redoutent en réalité sa victoire, de peur qu’elle n’entraîne l’émancipation de la communauté chiite au détriment de la suprématie d’un ordre mondial largement favorable à la sphère sunnite ?
Dans cet imbroglio géopolitique, la France, autrefois équilibreur, semble désormais chercher à préserver le statu quo historique des puissances dominantes.
Nous, peuple africain, il n’est pas trop tard pour nous ressaisir et prendre en main notre destin — à condition de nous soucier davantage de notre propre sort, souvent relégué au second plan.
Dr Madior Ly