Réuni ce mardi face à la presse, le Cadre de Réflexion et d’Action sur le Foncier au Sénégal (CRAFS) a restitué la déclaration issue de son Assemblée générale tenue à Thiès le 15 mai 2025. Si l’organisation salue les efforts récents de l’État en matière de gouvernance foncière, elle n’en reste pas moins vigilante face à certaines orientations jugées préoccupantes.
Dans sa déclaration, le CRAFS note « une volonté politique manifeste d’instaurer une gouvernance transparente du foncier, aussi bien en milieu urbain que rural ». Une reconnaissance notamment fondée sur la suspension des opérations foncières sur le littoral et dans les zones de litiges, ainsi que sur les engagements du président de la République lors du Conseil des ministres du 18 juin.
Mais derrière ces avancées, le CRAFS voit poindre des signaux inquiétants. « Nous exprimons nos préoccupations concernant les intentions du gouvernement de créer une Agence nationale des Domaines et du Foncier », a déclaré un porte-parole de l’organisation. Cette agence, censée moderniser la gestion foncière, pourrait selon le CRAFS recentraliser le pouvoir aux dépens des collectivités territoriales.
L’inquiétude s’est accrue après les propos du Premier ministre lors de sa Déclaration de politique générale du 27 décembre 2025, et la proposition du député Amadou Ba, vice-président de l’Assemblée nationale, visant à suspendre les compétences foncières des collectivités locales. Pour le CRAFS, de telles mesures constituent une menace directe contre la décentralisation et la loi sur le domaine national.
« Il serait dangereux de remettre en cause les acquis de la décentralisation. Le foncier rural appartient d’abord aux communautés qui le vivent et le valorisent », insiste le CRAFS.
Au-delà de l’alerte, l’organisation avance des propositions concrètes. Issues de longues concertations communautaires dans les six zones agroécologiques du pays, ces recommandations sont regroupées dans un Document de position validé en 2016.
Le CRAFS rejette toute politique d’immatriculation systématique, qu’il assimile à une « privatisation déguisée du foncier », et plaide pour le maintien de l’esprit de la loi sur le domaine national. Il appelle à la reconnaissance des droits coutumiers, à la création de comités villageois inclusifs, à l’encadrement strict de la mobilité foncière, ainsi qu’à la protection des espaces collectifs – terres agricoles, forêts, zones pastorales et halieutiques.
« La souveraineté foncière ne peut se construire sans les communautés rurales. Elles doivent être au cœur des décisions qui les concernent », soutient l’organisation.
Enfin, le CRAFS réaffirme son engagement à accompagner l’État vers une réforme foncière « juste, inclusive, participative et durable », appelant à une réelle co-construction de la politique foncière nationale.
« Il ne s’agit pas seulement de gérer des terres, mais de garantir la paix sociale et la souveraineté alimentaire du Sénégal », conclut la déclaration.
Il faut tout centraliser pour mieux surveiller les vautours.