Document : en 1957, dans la Sierra Maestra, avec Fidel Castro

Document : en 1957, dans la Sierra Maestra, avec Fidel Castro

Deux ans avant la prise de La Havane, le New York Times est le premier à rencontrer Fidel Castro et ses guérilleros. Un texte historique.

Fidel Castro, le chef rebelle de la jeunesse cubaine, est bien vivant et continue de livrer un âpre et victorieux combat des sommets presque impénétrables de la Sierra Maestra, dans l’extrême sud de l’île. Le président cubain, Fulgencio Batista, a déployé dans la zone la crème de son armée, mais c’est une lutte jusqu’ici bien vaine que mènent ses troupes face à l’homme le plus dangereux que le général ait affronté au cours de sa carrière longue et mouvementée de chef d’État et de dictateur.

Briser la censure
Ce document est le premier témoignage attestant que Fidel Castro est toujours vivant, et toujours à Cuba. Hormis l’auteur de ces lignes, personne de l’extérieur, et moins encore de la presse, n’a rencontré le Señor Castro. Avant la publication de cet article, personne à La Havane, pas même à l’ambassade des États-Unis, pourtant bien armée pour obtenir des renseignements, ne sait que Fidel Castro se trouve effectivement dans la Sierra Maestra. Entre autres vertus, ces pages auront celle de briser la censure la plus dure qu’ait jamais connue la République cubaine. La province de l’Oriente, avec ses 2 millions d’habitants et ses cités florissantes que sont Santiago, Holguín et Manzanillo, est coupée de La Havane tout autant que pourrait l’être un autre pays. La Havane ne sait pas, et ne peut pas savoir, que des milliers d’hommes et de femmes se sont ralliés corps et âme à Fidel Castro et à la nouvelle donne qu’il incarne à leurs yeux. La Havane ignore que des centaines de citoyens éminemment respectés viennent en aide au Señor Castro, que les bombes et les sabotages sont constants (18 bombes ont explosé à Santiago le 15 février dernier) et que les terribles opérations antiterroristes du gouvernement en place n’ont fait que radicaliser un peu plus la population contre le président Batista.

Rebelles bloqués
Partout dans l’île se développe un formidable mouvement d’opposition au général-président. Il est cependant encore loin d’avoir atteint un stade explosif. Les rebelles de la Sierra Maestra sont bloqués dans leurs montagnes. La situation économique est favorable. Le président Batista, soutenu par les plus hauts gradés de l’armée et de la police, devrait pouvoir se maintenir pour les deux années de mandat qui lui restent. Cependant, des points noirs existent dans l’économie, en particulier en matière budgétaire. Le chômage est élevé, la corruption est endémique. Personne ne peut prédire l’avenir avec certitude, mais une chose est sûre : une période trouble s’annonce pour Cuba. Fidel Castro et son mouvement du 26-Juillet sont la fougueuse incarnation de l’opposition au régime. Ce mouvement révolutionnaire, qui se dit socialiste, se distingue de l’opposition estudiantine [particulièrement active contre Batista], mais rassemble des jeunes de toutes origines. C’est aussi un mouvement nationaliste, ce qui, en Amérique latine, veut souvent dire aussi “antiyankee”. Son programme est vague et assis sur des généralités, mais il promet à Cuba une nouvelle donne radicale, démocratique et donc anticommuniste. Sa force essentielle, il la tire de sa lutte contre la dictature militaire du président Batista. Fidel Castro, le leader “aimé et détesté” à la fois

Pour me faire entrer dans la Sierra Maestra et me permettre de rencontrer Fidel Castro, des dizaines d’hommes et de femmes, à La Havane et dans l’Oriente, ont pris des risques réels et terribles. Leur identité doit évidemment être protégée avec le plus grand soin : s’ils étaient identifiés, ils le paieraient inéluctablement de leur vie – non sans avoir été soumis aux séances de torture dont le régime est coutumier. Dans ces pages, aucun nom n’est cité, la géographie des lieux est maquillée et nombre de détails concernant la piste complexe et dangereuse qui permet d’entrer et de ressortir de la Sierra Maestra ont volontairement été omis.

Fils d’un Espagnol

A priori, le général Batista n’a aucun espoir de mater la révolte castriste. Tout juste peut-il espérer qu’une colonne de son armée tombera sur le jeune chef rebelle et son équipe et qu’elle les rayera de la carte. En tout état de cause, il n’est guère vraisemblable qu’ils y parviennent avant le 1er mars prochain, date fixée pour le rétablissement des garanties constitutionnelles. Fidel Castro est le fils d’un Espagnol originaire de Galice, un Gallego – comme le generalísimo Francisco Franco.

Avec courrierinternational.com

1 COMMENTAIRES
  • afro

    si c’était un dirigeant africain qui avait fait cette révolution, les américain et ses alliés allaient lui tuer.

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