Senghor a abdiqué parce que ses forces le quittaient. Le réveil a été brutal pour Diouf après être resté longtemps coupé de la réalité. Après s’être entêté, Wade a été battu à plate couture par son ancien Premier ministre. L’humiliation était si grande pour lui qu’il est le seul à avoir été évincé par un collaborateur déchu. L’ascension de Macky Sall a été fulgurante. La courte traversée du désert qui était la sienne a rendu son parcours encore plus net. Une bonne étoile a tissé son destin. Il est aujourd’hui adulé par les grands de ce monde. Il peut toutefois tout gâcher avec la tentation du mandat de trop.
À un an de l’élection présidentielle, le Président garde un silence énigmatique et stratégique sur ses intentions. Pour ne pas semer la zizanie dans son parti où la discipline n’est pas la principale force, il donne du temps au temps. Tout doit être mûrement réfléchi. Avec l’expérience accumulée, il sait qu’une maladie honteuse abîme la démocratie et ravage la société. L’absence de convictions et de colonne vertébrale est un symptôme bien sénégalais. Pour avoir lui aussi instrumentalisé la peste de la transhumance politique, il sait qu’il en sera un jour victime. On a beau être entouré de personnages vertueux comme de gens opportunistes, le jour où cet entourage insincère voit le premier orage arrivé, il n’aura aucun scrupule à tourner le dos. Le téléphone qui sonnait toutes les secondes le fera moins d’un coup. Les invitations sur fond de tapis rouge seront de plus en plus rares. En vérité, dans l’exercice du pouvoir, on est un homme seul en dépit des convois quotidiens qu’on voit défiler. « Il faut se méfier de ceux qu’on croise en montant, ce sont les mêmes qu’on croise en redescendant », dit la formule.
Ils n’aiment que les places, les commodités, les petits fours
Ceux qui s’agitent aujourd’hui à vouloir valider un non-respect de la parole donnée sont les ennemis de celui qu’ils prétendent défendre. Ils ne l’aiment pas. Ils n’aiment que les places, les commodités, les petits fours. Une sortie ratée et mal maîtrisée de leur champion ne les troublerait pas outre mesure car bien souvent personne ne sait quel type de sang chuchote dans leurs veines. Ils n’ont pas eu de veine non plus ceux qui se voyaient en recours au sein de l’Apr. Toute tête qui a essayé de dépasser a été aussitôt tranchée. Personne d’autre ne s’impose ou n’a été préparé. Nul signal n’est émis en ce sens. C’est le sentiment dominant. Il y a une forme de manque de générosité à la lecture des événements. Il ne faut pas que triomphe en fin de compte la sinistre phrase du « après moi, le déluge ». Le contexte est sans précédent. Il rend les choses plus complexes. Il n’est pas du tout facile de tourner le dos au pétrole et au gaz. On pèse très lourd à diriger un pays qui va figurer dans le gotha des producteurs d’hydrocarbures.
Face à cette perspective, le dilemme peut être grand. Mais l’homme d’Etat doit être capable de s’élever en empruntant les chemins les plus lumineux. C’est faire preuve de modernité en faisant ce qu’on a dit. « Ma parole est la lumière de mes pas », disent les textes sacrés. Ceux qui s’excitent ont mieux à faire que de gesticuler. On pense d’abord au ministre de la Justice à qui il faut rappeler que le Sénégal ne dispose pas d’un ministère de l’injustice. Le conseil le plus avisé est qu’il y en a pour qui il sera difficile de s’approcher de l’autorité constitutionnelle. Après avoir bâti des ponts, la sagesse veut plutôt qu’on lui aménage un pont de douceur pour la sortie en fanfare comme il était entré. La gestion est humaine. On arrive à un point où les idées ne sont plus claires. Où la lassitude et l’usure font qu’on est moins flamboyant. Le Président Macky Sall a positivement surpris son monde. Il a été plus compétent que prévu. Il va laisser un pays plus que jamais stable s’il part en bon ordre. Il a réussi à se débarrasser d’un voisin peu commode qui s’appelle Jammeh. Sous son magistère, les Sénégalais ont oublié les coupures de courant. Il y a une vie après l’exercice du pouvoir et son nom doit rester dans l’histoire.
Dans un an, les concitoyens espèrent une alternative et pas seulement une alternance qui depuis 2000 est synonyme de changement dans la continuité. L’élection à venir devra être inclusive. Ceux qui avaient perdu leurs droits civils devront être réhabilités au plus vite. Ceux qui l’ont encore ne doivent pas être l’objet d’épuration politique. Le dernier grand chantier, c’est de travailler à la commune volonté de vie commune en rassemblant tous les Sénégalais.
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