Bras de fer feutré entre Paris et le Vatican après la nomination d’un homo au poste d’ambassadeur

Bras de fer feutré entre Paris et le Vatican après la nomination d’un homo au poste d’ambassadeur

La Curie n’a pas donné depuis trois mois son assentiment à la nomination par Paris de Laurent Stefanini au poste d’ambassadeur. Ce diplomate aux compétences reconnues est homosexuel, un détail épineux pour le Vatican.

Sa nomination est à la fois naturelle et problématique. Laurent Stefanini, 55 ans, a été désigné début janvier par la France comme ambassadeur au Vatican. « Catholique pratiquant, très cultivé, d’une discrétion absolue », selon le quotidien « Il Messaggero », il était très apprécié à la Curie lorsqu’il a été numéro deux de l’ambassade de France au Vatican entre 2001 et 2005. Mais il est aussi homosexuel, ce qui est encore difficilement admis dans les hautes sphères catholiques.

Cela fait trois mois que Paris et le Saint-Siège sont dans un bras de fer feutré autour de ce choix de l’Élysée, où l’intéressé occupe depuis 2010 le poste de chef du protocole, après avoir été conseiller au ministère français des Affaires étrangères pour les questions religieuses.

« Le Vatican ne formule pas de refus. C’est au pays concerné d’interpréter cette absence de réponse »

Sa nomination n’a toujours pas reçu l’agrément du Vatican. « La réponse ne prend en principe pas plus d’un mois, un mois et demi », indique-t-on de source informée à Rome. « Le Vatican ne formule pas de refus. Il ne répond pas (…) et c’est au pays concerné d’interpréter cette absence de réponse. »

En 2007, la France avait déjà nommé un ambassadeur homosexuel au Vatican. À l’époque, la demande d’agrément n’avait pas reçu de réponse et Paris avait finalement proposé un autre nom. Mais ce premier diplomate était pacsé, alors que Laurent Stefanini est célibataire et extrêmement discret sur sa vie privée.

Selon un bon connaisseur des arcanes diplomatiques entre la France et le Vatican, la hiérarchie de la Curie apprécie M. Stefanini depuis son passage à Rome et s’est montrée favorable à sa nomination, de même que la conférence des évêques de France. Mais le pape François s’y oppose pour des motifs de doctrine, assure cette source.

Un soutien public au mariage homosexuel qui passerait mal

Selon le blog spécialisé « Vatican Insider » du quotidien « La Stampa », des sources au sein de la Curie estiment que le problème ne vient pas tant de l’orientation sexuelle de Laurent Stefanini que de son soutien public au mariage homosexuel, adopté en France en 2013 malgré la ferme opposition de l’Église catholique. Le site rapporte la décision n’est pas encore prise, en particulier parce que le nouveau ministre des Affaires étrangères, Mgr Paul Richard Gallagher, a pris ses fonctions il y a deux mois et n’a pas encore pu approfondir tous les dossiers.

« Le dernier mot reviendra au pape [… mais] la diplomatie pontificale espère aussi qu’un autre nom puisse arriver de Paris », écrit Giacomo Galeazzi sur le blog « Vatican Insider ».

Selon plusieurs médias français, le bureau du Premier ministre Manuel Valls a fait circuler les noms d’autres diplomates, mais l’Élysée refuse de céder. « Laurent Stefanini est l’un de nos meilleurs diplomates, c’est la raison de sa nomination. Nous attendons la réponse à la demande d’agrément », a indiqué l’Elysée jeudi à l’AFP.

Le pape François s’était pourtant distingué depuis son élection il y a deux ans par des déclarations plutôt ouvertes à l’encontre des homosexuels. « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? », avait-il assuré en juillet 2013.

Ce désaccord diplomatique pourrait nuire à son image de pape réformateur. Flavio Romani, président de l’association homosexuelle italienne Arcigay, a exprimé vendredi à Rome sa « colère », assurant que le Vatican se comportait « comme l’Ouganda » face à l’homosexualité. « Au Vatican, les personnes homosexuelles sont rejetées, en dépit de leurs mérites et de leurs indiscutables qualités, et surtout, en dépit des paroles qui prêchent l’accueil », a-t-il ajouté. « À l’épreuve des faits, les hauts prélats ont montré leur vrai visage. »

sOURCE: AFP via France 24

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