Assane Guèye sur la situation politique : « Comme en 2011, la cacophonie fera siffler les oreilles »

Assane Guèye sur la situation politique : « Comme en 2011, la cacophonie fera siffler les oreilles »

« La démocratie n’est pas le consensus mais l’art de gérer les différends sans conflits et de manière civilisée ». Le philosophe Jankélévitch poursuit ici un idéal de plus en plus illusoire. Dans un monde qui bascule dans l’irrationnel, ce qu’on définit par « gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple » vire à la caricature du totalitarisme.

Pire encore, telle qu’elle est pratiquée dans de nombreuses contrées, cette démocratie n’est plus qu’un gadget. Les projets de braquage qui fusent de toutes parts la rapetissent sans cesse. Pour ce qui nous touche plus directement, la réputation d’exception sénégalaise n’est certes pas usurpée. Mais ce n’est pas demain la veille l’âge d’or pour notre modèle démocratique. Loin s’en faut, celui-ci traverse une fort mauvaise période qui est le résultat du manque de probité et d’hygiène morale. Il est commode de brandir des slogans et des mots-valises. Patrie avant le parti, patriotes, libéraux, socialistes et consorts ne sont plus que tromperie sur la marchandise. Ceux qui les portent n’ont pas de dilection particulière pour le pays.

Candidature à dose homéopathique
La douche froide est terrible suite à la candidature insinuée, expresse et à dose homéopathique dans un hebdomadaire français. C’est un pas dans la mauvaise direction. Loin de nous l’idée de jouer au juge des élégances. Gardons-nous donc de délivrer la moindre leçon. Le bon sens fera la suite. On ne peut être plus royaliste que le roi ni vouloir le bien d’autrui contre son propre gré. Le refus d’entrer dans la légende, le rejet du panthéon national, c’est aussi une liberté. On va seulement déplorer que le recul de la raison ait globalement pignon sur rue. Il ne restera alors plus qu’une issue. C’est de se préparer à une levée de boucliers qui va tourner en boucle. Comme en 2011, la cacophonie fera siffler les oreilles. Comme il y a dix ans, on pourrait être la risée du monde.

Des gélules pour la démocratie
Beaucoup en rient et pointent une simulation sanitaire et une maladie diplomatique. De l’autre côté, les symptômes sont tout aussi délirants. Il faut des gélules pour les soigner. L’hypocondrie est venue s’ajouter au mal de dos. À force de vouloir monopoliser la douleur, on peut finir comme un légume ou une salade fatiguée. Quant à cette histoire d’évacuation ou de tourisme sanitaire, il semble bien que ce soit une automutilation générale et un aveu d’échec cuisant.

Les soins médicaux dépaysés dans les hôpitaux parisiens et marocains ont une signification toute simple. Ça veut dire que l’on vit dans un désert médical où il vaut mieux ne pas tomber malade. Ils sont de plus en plus nombreux ces compatriotes qui traînent des pathologies qu’ils ont du mal à soigner faute de moyens. Et dire que les premiers médecins africains étaient d’abord Sénégalais rend notre cas encore plus désespérant. C’est donc en auscultant nos politiciens remplis de rouerie et d’amateurisme qu’on cerne le mieux l’obscurité de l’âme humaine. Leurs calculs médiocres font des prouesses en matière de transformation de larges franges de concitoyens en gueux.

Les Sénégalais dénaturés
D’habitude si jovial et épris de paix, le Sénégalais est tenaillé par le pessimisme et la colère. Il n’est pas besoin d’aller loin pour comprendre le pourquoi on en est arrivés là. Aucune pilule du bonheur ne peut enrayer le trop-plein de stress. Qui est donc capable de placer le bonheur collectif au-dessus de tout ? Un tunnel interminable s’ouvre devant nous tous. C’est la cohue. Le panel des candidats potentiels n’est guère enthousiasmant. Il y a du tout dans les cortèges. On voit les arrogants, les bretteurs, les incompétents, les prétentieux, les inconséquents, les figurants et une flopée de saltimbanques. La panne de la démocratie nous dit que le pays est en panne de leaders charismatiques et méthodiques. L’anarchie qu’on confond avec la démocratie balaie tout sur son passage.

Assane GUÈYE

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