4 Mars 1932 – 4 Mars 2025: De l’Affaire Taillerie à l’Embellissement de la Grande Mosquée de Touba, Une Histoire de Résilience

Le Khalife général des Mourides a lancé un appel en faveur de la poursuite des travaux de la Grande Mosquée de Touba, invitant les fidèles à contribuer au « Diayanté (solidarité financière). Cette mobilisation reflète une tradition ancrée dans la confrérie mouride, où les disciples participent activement au développement des infrastructures religieuses.
Pendant que les Mourides répondent à cet appel, Mohamadou Manel Fall nous replonge dans l’histoire de ce lieu sacré, dont l’origine remonte à un 04 mars 1932 . C’est en effet à cette date que les premières étapes de la construction de la Grande Mosquée de Touba ont été initiées, sous l’impulsion des guides mourides. Aujourd’hui, ce monument emblématique continue d’évoluer, symbolisant la foi et la ferveur des disciples de Cheikh Ahmadou Bamba.
» Le 4 mars 1932 marque un tournant majeur dans l’histoire de la Mouridiyya avec la pose officielle de la première pierre de la Grande Mosquée de Touba. Cet acte n’était pas simplement un jalon architectural, mais le symbole d’une épreuve spirituelle et politique, un combat acharné contre les injustices coloniales et une démonstration éclatante de la résilience mouride.
Derrière cette œuvre monumentale, l’Affaire Taillerie (1926-1936) incarne la tentative de spoliation orchestrée par l’administration coloniale, une épreuve qui, loin de briser la confrérie, a renforcé son unité et sa détermination. L’Affaire Taillerie : Une Trahison Coloniale Déjouée En 1926, en réponse à l’ordre divin (ndingël) de Cheikh Ahmadou Bamba, la communauté mouride s’engage dans l’édification d’une mosquée à Touba, un projet à la hauteur de leur foi et de leur dévotion. L’administration coloniale impose alors Pierre Taillerie, un administrateur en poste à Thiès, prétendument chargé d’apporter son expertise.
Cependant, son véritable dessein se révèle rapidement : un détournement massif des fonds destinés à la construction. En moins d’un an, plus de 1,15 million de francs disparaissent, tandis que le chantier stagne. La supercherie est mise au jour grâce à la vigilance de Cheikh Anta Mbacké, frère de Cheikh Ahmadou Bamba. L’indignation s’empare de la confrérie et l’affaire prend une ampleur nationale lorsque Blaise Diagne, alors député, publie en mars 1927 un article accablant contre Taillerie et l’administration coloniale. Pris de court, l’administrateur tente une contre-attaque judiciaire en poursuivant Blaise Diagne pour diffamation, mais la justice française classe l’affaire. Malgré cela, les Mourides, refusant d’être dépouillés de leur droit, engagent une bataille judiciaire. En 1936, le verdict tombe : non seulement la communauté ne récupère pas ses fonds, mais elle est condamnée à verser 500 000 francs supplémentaires à Taillerie. Cheikh Modou Moustapha Mbacké : La Détermination Face aux Obstacles Lorsque Cheikh Ahmadou Bamba est rappelé à Dieu en 1927, son fils et premier Khalife, Cheikh Modou Moustapha Mbacké, hérite de la mission sacrée d’ériger la mosquée.
Face aux menaces du gouverneur, qui prétend exécuter quiconque parlerait encore du projet, il fait preuve d’un courage inébranlable et répond avec fermeté : « Puisque vous avez décidé de tuer tous ceux qui voudraient une mosquée, eh bien moi je suis venu pour être exécuté. » Désarçonnée par cette réponse, l’autorité coloniale, à contrecœur, finit par autoriser la reprise du projet.
Cependant, un problème logistique de taille se pose : comment acheminer les matériaux jusqu’à Touba, une ville enclavée et difficile d’accès ? La Construction du Chemin de Fer Diourbel-Touba : Une Mobilisation Historique Le 21 novembre 1929, dans un élan de mobilisation sans précédent, Cheikh Modou Moustapha initie la construction d’un chemin de fer reliant Diourbel à Touba. Cette infrastructure, cruciale pour la poursuite des travaux, nécessite : • 1 500 ouvriers, • Un investissement colossal de 10 millions de francs or. La réponse des Mourides est immédiate. • Mame Cheikh Ibrahima Fall mobilise 700 disciples. • Serigne Ndame Abdou Rahmane Lo et Serigne Modou Ndoumbe fournissent chacun 100 hommes. • D’autres figures influentes complètent les effectifs. Chaque ouvrier perçoit un salaire de 1,3 franc par jour, les chefs d’équipe 2 francs et les surveillants généraux 5 francs. À cette époque, 1 franc or équivalait à 17 kg de riz, soulignant l’ampleur du sacrifice consenti. L’organisation est exemplaire, chaque équipe de 45 hommes étant encadrée par un chef, un convoyeur, un gardien, un planton et un cuisinier. En février 1931, après des mois d’efforts intenses, le chemin de fer est achevé, ouvrant la voie au transport des matériaux nécessaires à la construction de la mosquée.
Le 4 Mars 1932 : La Pose de la Première Pierre Le 4 mars 1932, Cheikh Modou Moustapha Mbacké pose officiellement la première pierre de la Grande Mosquée de Touba. Ce jour marque le début d’une nouvelle ère pour la confrérie. L’administration coloniale, fidèle à sa volonté d’entraver le projet, soulève une nouvelle difficulté : le terrain sur lequel repose la mosquée ne leur appartiendrait pas. Face à cette tentative de blocage, Cheikh Modou Moustapha négocie un bail emphytéotique de 99 ans, qu’il règle comptant à hauteur de 5 millions de francs. Ce geste, déterminant, assure à jamais la possession du site sacré par la communauté mouride. Les travaux se poursuivent sans interruption de 1932 à 1939. Finalement, en 1963, la Grande Mosquée de Touba est inaugurée pour un coût total de 838 648 677 francs CFA par Cheikh Mouhamadou Fadel ,un exploit monumental témoignant de la ténacité et du sacrifice des Mourides. Cheikh Ahmadou Bamba, dans Matlabul Fawzayni, avait déjà anticipé cette œuvre en ces termes : « Absous les volontaires qui ont bâti l’édifice si élevé de ma demeure, la cité bénite de Touba, de leurs péchés du passé et de l’avenir. » Aujourd’hui : La Poursuite de l’Héritage sous Serigne Mountakha Mbacké Aujourd’hui, l’histoire se poursuit sous l’impulsion de Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des Mourides. Après avoir fondé l’Université de Touba, il a lancé un vaste programme d’embellissement de la Grande Mosquée, perpétuant ainsi l’œuvre de ses prédécesseurs. Fidèles à la tradition de solidarité, les Mourides se sont à nouveau mobilisés pour financer ce projet ambitieux. • La famille de Mame Cheikh Ibrahima Fall, sous l’égide de Serigne Amdy Khady, a récemment offert 410 millions de francs CFA. • Serigne Cheikh, fils de Serigne Saliou, a apporté une contribution significative de 1 milliard 100 millions de francs CFA. • Les dahiras, tant au Sénégal que dans la diaspora, poursuivent cet effort en collectant des fonds pour l’entretien et le développement de la mosquée.
Les Leçons de Mobilisation et de Financement Participatif En pleine crise économique mondiale, Serigne Modou Moustapha Mbacké a su fédérer la communauté autour d’un modèle de crowdfunding avant l’heure. Plutôt que de s’endetter, il a instauré un système de contribution volontaire, où chacun donnait selon ses moyens, en argent, en récoltes ou en bétail. Aujourd’hui encore, l’histoire se répète, témoignant d’une leçon intemporelle de foi, de résilience et de solidarité. L’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba continue de rayonner et la mobilisation de toute une communauté en est la preuve vivante. «
Mohamadou Manel Fall www.fallonline.net politiquementmouride@gmail.co
Dieureudieuf Serigne Touba
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