À l’occasion de l’ouverture de la session ordinaire unique 2025-2026, l’Assemblée nationale s’apprête à renouveler son bureau. Dans une analyse relayée par Sud Quotidien, le spécialiste du droit parlementaire Alioune Souare met en lumière les enjeux cruciaux liés au choix des vice-présidents, notamment leur rôle potentiel dans la suppléance du Président de la République.
Selon ses explications, la Constitution sénégalaise, en son article 39, place les vice-présidents de l’Assemblée dans l’ordre de succession au sommet de l’État. En cas de démission, d’empêchement ou de décès simultanés du chef de l’État et du président de l’Assemblée nationale, la suppléance est assurée par l’un des vice-présidents, suivant un ordre de préséance. Ce remplaçant temporaire est alors investi de la quasi-totalité des pouvoirs présidentiels, à l’exception de la nomination d’un Premier ministre, de la convocation d’un référendum, de la dissolution de l’Assemblée ou de la révision constitutionnelle.
Alioune Souare rappelle qu’historiquement, la sélection pour ces postes était encadrée par des mécanismes plus stricts. La loi organique de 1963 imposait un scrutin uninominal pour les deux premiers vice-présidents et prévoyait une commission spéciale chargée de vérifier l’éligibilité et la probité des députés. Cependant, une réforme intervenue en 1978 a modifié ces dispositions, augmentant le nombre de vice-présidents de quatre à huit et supprimant le scrutin uninominal pour les postes clés du bureau.
D’après l’analyse du spécialiste, ces changements ont eu des « conséquences néfastes », ouvrant la voie au « favoritisme, à la complaisance et à la sinécure ». Il déplore que les choix soient souvent dénués d’objectivité et relèvent davantage de la récompense politique. Alioune Souare s’inquiète de voir des postes aussi stratégiques occupés par des élus dont les compétences pourraient être remises en question, soulignant le paradoxe de présider des séances régies par un règlement en français. Il pose ainsi la question : « si on n’a pas les aptitudes de comprendre les textes qui régissent le fonctionnement de l’institution parlementaire, comment pourrait-on alors assumer la suppléance à la tête de l’Etat ? »
À titre de comparaison, l’auteur évoque d’autres modèles de succession. En France, c’est le président du Sénat qui assure l’intérim, comme ce fut le cas en 1969 et 1974. Au Bénin et en Côte d’Ivoire, des postes de vice-présidents sont intégrés à l’exécutif pour assurer la continuité. Il rappelle également qu’au Sénégal, en 1981, c’est le Premier ministre Abdou Diouf qui avait succédé au président Senghor en vertu des dispositions constitutionnelles de l’époque.
En conclusion de sa tribune, Alioune Souare estime que la question de la suppléance, bien que la vacance du pouvoir soit rare, ne doit pas être traitée à la légère. Il appelle à être « plus regardant sur les profils de certains postes à attribuer » au sein de l’Assemblée nationale afin de préserver la crédibilité des institutions de la République.
Belle réflexion très pertinente. Le débat doit évoluer…