Rapatriement des dépouilles : éclairage sur les décisions de la cour suprême et du chef de l’Etat

Le 7 mai 2020, la Chambre administrative de la Cour suprême rejetait la requête en référé-liberté introduite par Nicolas Mendy et 10 autres, contre la décision du ministère des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur d’interdire le rapatriement des dépouilles des Sénégalais décédés à l’étranger de la Covid-19.

Motif…

Le président de ladite Chambre motivait sa décision par le fait que, d’après lui, le risque de contagion liée à la manipulation des dépouilles des personnes décédées de la Covid-19 fait l’objet de controverses dans les milieux médicaux. Et qu’il n’appartient pas à la Cour suprême, encore moins au juge des référés de trancher une telle controverse. « Dès lors que le risque est plausible, l’autorité administrative sur qui pèse l’obligation de protection de la santé prévue à l’article 8 de la Constitution et qui en période d’état d’urgence, s’est fondée sur l’avis du CNLES, a légalement justifiée sa décision », a souligné, sur dakarmatin, le président avant de rejeter le recours.

Le contre-pied  du Président Sall…

Cependant, rappellent nos confrères, quatre jours après la décision rendue par la chambre administrative de la Cour suprême, le président de la République, s’adressant à la Nation, a pris le contre-pied de cette juridiction. « En tenant compte de la forte demande de rapatriement des corps de nos compatriotes décédés du Covid-19 à l’étranger et sur la base d’avis motivés que nous avons recueillis en ce qui concerne les conditions sanitaires, il sera désormais possible de procéder à ces rapatriements », a déclaré le chef de l’Etat.

Ainsi, certains se sont demandés si l’application de cette décision administrative, contraire à l’arrêt rendu par la Cour suprême ne posera pas problème.

« Il n’y aucune contradiction entre les deux décisions »

Selon des juristes interrogés par Emedia.sn, « il n’y a aucune contradiction entre ces deux décisions ». Ce, parce que devant la Cour suprême, le débat a porté sur une question de légalité d’une mesure administrative et, elle a répondu en droit. Or, la décision présidentielle reste dans le domaine que lui a conféré la loi d’habilitation et, elle peut s’analyser comme le retrait d’un acte administratif non créateur de droit par son auteur. « Le président de la République peut parfaitement prendre cette décision d’autant plus que la loi lui permet cela. On est en état d’urgence donc, le président est habilité à prendre cette décision. C’est l’intérêt national et la raison d’état qui pourrait justifier la décision prise par le président de la République », a expliqué Me Aboubacary Barro, joint au téléphone.

Selon l’avocat, si le président de la République estime qu’il n’y a aucun risque de contamination, il peut prendre cette décision. « La loi le lui permet surtout qu’on est en état d’urgence où l’Assemblée nationale l’a habilité à prendre des ordonnances en toute matière. Il n’y a rien d’illégal », a ajouté Me Barro.

« Le droit administratif n’est pas le droit pénal judiciaire »

Son confrère Me Ousmane Diagne, lui aussi joint au téléphone, abonde dans le même sens. D’emblée, il a laissé entendre que les deux décisions (la décision de la Cour suprême et celle du président de la République) ne sont pas contradictoires. A son avis, ce sont des situations qui s’apprécient à un moment donné.

« Peut-être au moment de la saisine de la Cour suprême, la pandémie était à un niveau tel en Europe que c’était risqué de rapatrier les corps des Sénégalais décédés du Covid-19 à l’étranger. En matière de procédure d’urgence, ce qui est jugé c’est l’état du moment. Peut-être, le président de la République a eu des éléments postérieurs à l’arrêt de la Cour suprême de la chambre administrative qui peuvent justifier la décision contraire. En matière d’état d’urgence l’essentiel du pouvoir législatif est réglementé et, est dévolu au président de la République. Il a la compétence pour prendre la décision si l’évolution de la situation le lui permet », a expliqué Me Ousmane Diagne.

Poursuivant, il rappelle que le droit administratif n’est pas la même chose que le droit pénal judiciaire. Autrement dit, si on était en matière pénale, le président de la République ne pourrait pas prendre une telle décision après celle rendue par la Cour suprême.

« Là, on est en matière administrative et ce sont des situations qui se jugent en urgence au jour le jour. Par exemple la décision sur la réouverture des mosquées. Dans une situation d’état d’urgence, les décisions peuvent varier selon l’urgence. L’autorité administrative est obligée de s’adapter », souligne-t-il. Avant d’ajouter : « L’arrêt de la Cour suprême ne réglait qu’un cas d’espèce. Ce n’est pas un cas de principe général du droit ».

Il convient de rappeler que la Chambre administrative de la Cour suprême est compétente pour connaitre les affaires relatives au recours pour excès de pouvoir. Elle statue sur tous les recours contre les actes administratifs, c’est-à-dire les actes de l’Etat ou de ses démembrements.

1 COMMENTAIRE
  • Omar Top

    wayady molène dal macky ak gouvernement

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