« Naufrage de jeunes africains en Méditerranée : Et si Sarkozy avait raison ? », Par Mamadou Bamba Ndiaye

Le 19 avril 2015, une embarcation qui serait partie d’Afrique, provoqua l’hécatombe en échouant aux larges de la Méditerranée. Près d’un millier de jeunes Africains, garçons et filles, y ont laissé leur vie ! Le Jeudi 23 avril 2015, les 28 pays de l’Union européenne tiennent une réunion d’urgence des ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères à Luxembourg, pour « éviter que des gens continuent à mettre leurs vies en péril ». Ils envisagent de convoquer un sommet extraordinaire où l’Union africaine serait conviée !

Pendant ce temps, ni l’Union africaine, ni la CEDEAO, la CEMAC, la Ligue arabe ou l’OCI, n’ont rien fait ou envisagé face au drame qui a frappé des jeunes Africains.

Pourtant, lors qu’en Janvier 2015, quelque 12 Européens ont été tués, au siège du Magazine satirique Charlie Hebdo, six chefs d’Etat Africains se sont déplacés pour aller présenter des condoléances à la France et à participer à la marche républicaine, à Paris…

Les chefs d’Etat africains, comme toujours, ont encore fonctionné comme des chefs de canton du temps colonial. Ils attendent des ordres venants d’Europe ou des Etats-Unis pour bouger. N’est-ce pas que le 11 janvier 2015, c’est bien François Hollande qui les avaient convoqués pour prendre part à la marche républicaine?

Plus grave, la prétendue société civile africaine n’a pas remué ciel et terre, comme elle l’aurait fait si une seule ONG occidentale avait levé le petit doigt pour dénoncer ! Ou sont les intellectuels africains et autres artistes du continent qui prêchent la bonne parole à travers le monde ? Ou sont nos braves femmes, qui, depuis leur émancipation, attestée par leurs sœurs d’Europe, d’Asie et d’Amérique, clament leur leadership de Beijing à Mexico ? Ou sont les jeunes d’Afrique, si prompts à répondre à l’invitation de Barak Obama, pour dénoncer et décrier la mal gouvernance de leurs dirigeants politiques?

Le drame, en fin de compte, c’est moins l’embarcation qui a péri, le 19 avril dernier, en pleine Méditerranée, emportant avec elle, plus de 900 jeunes Africains, que le silence coupable des différentes couches d’élites africaines, face à ce malheur, qui traduit le désespoir suprême de nos jeunesses à l’égard des plans de développement « concoctés », je ne sais d’où et comment, par nos pauvres gouvernants ! Devant une telle inertie de nos élites intellectuelles et politiques, on ne peut s’empêcher de se demander, si Sarkozy n’avait pas raison de tenir son fameux discours le 26 juillet 2007, à l’Université Cheikh Anta Diop, de Dakar, devant un parterre d’intellectuels africains, composé d’hommes et de femmes politiques, d’étudiants, de professeurs et de chercheurs universitaires ?

Méditons, sans rancœur quelques extraits de ce fameux discours :

« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance.

Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison
qu’il n’a jamais existé ».

Nicolas Sarkozy, débutait alors, une tournée africaine, dont la première étape a commencé avec la Libye, où il était accompagné des ministres Bernard Kouchner, Jean-Marie Bockel et Rama Yade. Il est utile de rappeler que la délégation française était venue en Lybie le 25 juillet 2007, pour remercier le Guide libyen, Mouammar Kadhafi d’avoir rendu possible la libération des infirmières bulgares!

Dakar, qui fut la 2 ème étape de cette tournée, a marqué les esprits, à cause de ce discours, qui résonne encore dans les tympans de l’intelligentsia africaine…

Ce drame humanitaire, comme tant d’autres qui l’ont précédé, montre combien nos chefs d’Etat sont insensibles aux malheurs qui frappent leurs peuples.

Ni l’épidémie d’Ebola, ni les exactions de Boko Haram, encore moins les gesticulations honteuses de xénophobie qui viennent de se dérouler dans le pays de Nelson Mandela, n’ont été assez fortes pour arracher les décideurs africains de « leur immobilisme au milieu d’un ordre immuable où tout semble écrit d’avance », comme le disait-fort justement- Sarkozy.

Au moment où nos contemporains de ce 3ème millénaire luttent inlassablement contre les défis de la nature, de Katmandou au Népal à Tchernobyl, en Ukraine ; nous nous contentons souvent, de nous lamenter face aux inondations saisonnières de Wakhinane (Banlieue de Dakar) ou les vents de sable passagers de Bogué (en Mauritanie). Nous agissons comme dans « un univers où la nature commande tout » et nous nous enfermons dans « un imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès »…

En dépit des immenses ressources naturelles que renferme le continent africain (Pétrole, Or, Diamant, Fer, Manganèse, Bois, etc.), « Jamais il ne (nous) vient à l’idée de sortir de la répétition pour (nous) inventer un destin ».

Face à cet immobilisme des gouvernants et des couches intellectuelles, aggravé par une mal gouvernance quasi –endémique, une confiscation des libertés fondamentales, un amoncellement de vagues de chômeurs, un mimétisme politique qui traduit le manque de confiance en soi, une école en panne d’un système d’enseignement innovant et adapté à nos réalités, la jeunesse africaine a fini par perdre espoir, d’autant que ceux qui devaient les rassurer, continuent d’envoyer leurs propres enfant étudier au Canada, en Europe ou aux Etats-Unis ; transfèrent leurs parents malades dans les hôpitaux de ces mêmes pays et, comble d’ironie, dès que leurs conjointes se sentent à terme, ils leurs payent le billet d’avion, pour aller accoucher à New York ou à Atlanta, afin que leurs progénitures puissent échapper, demain, aux affres du continent noir !

Nos anciens chefs d’Etat, préfèrent passer leurs vacances et retraites en Normandie ou à Versailles plutôt que dans nos Savanes et forêts, qu’ils aimaient pourtant évoquer dans leurs poèmes des temps perdus ! Ils achètent des appartements à Houston, à Paris ou à Londres et non à Matam, à Conakry ou Grand Bassam.

A l’image de leurs aînés, la jeunesse africaine rêve d’un eldorado, qui, dans leur imaginaire, pourrait se situer, partout sauf en Afrique ! Ainsi, elle est prête à arpenter les embarcations de fortune pour se rendre en Europe ou mourir, en pleine mer, dans les côtes européennes. Certains s’approprient le titre du livre du Pr Howard Storm : « Voir Paris et mourir », alors d’autres se donnent comme devise le fameux : Barça ou Barzakh (Barzakh, signifiant l’au-delà, dans la langue wolof ou arabe) !

Africains, Africaines, nous devons réinventer notre présent pour construire notre futur, à partir de matériaux venant d’Afrique.

Nous devons être plus exigeants à l’égard de nous-mêmes et de nos chefs de canton new look, du 3ème millénaire !
Mais avant tout, nous avons besoin, non pas seulement d’une reconversion des mentalités, comme disait Léopold Sedar Senghor, mais plutôt de nous départir de notre esprit de colonisabilité pour comprendre que l’Afrique a tout le potentiel qu’il faut, pour devenir le continent de l’avenir, comme le disaient Malek Bennabi, Frantz Fanon et Cheikh Anta Diop…

Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien Ministre
Bambandia49@yahoo.fr

10 COMMENTAIRES
  • Yes we can but we never try to do it

    Parfaitement d'accord de la contribution. Au moins, il y a des gens comme vous qui sont conscients que seul l'africain peut se faire sorti soi-même de cette misère. Pour cela, une révolution intellectuelle et comportementale de l'africain est nécessaire.

  • lune

    Sarko : avait tort , l'homme africain est rentré dans l'histoire de l'humanité , le seul problème c'est qu'on l' y'a fait rentrer , et l'y'a fait sortir depuis .

  • insaciss

    Lune je suis souvent vos pertinents comnentaires mais issu j'aimerai bien que vous nous expliquez ce que vous voulez dire par là.

  • lune

    Insaciss: c'est clair , mais merçi de ton interpellation , ce que je veux dire c'est que notre histoire a été écrite et enseigné par les sarkozy et autres conquérants , tout ce que nous croyons être de notre histoire vient d'eux donc ils peuvent penser qu'ils peuvent nous en sortir comme ils veulent, je rappelle que le discours a été tenue à l'université de Dakar au Sénégal, en face il y'a l'île de Gorée , l'histoire y est écrite il y'a thiaroye c'est aussi l'histoire et pourtant nos dirigeants de l'époque n'avaient rien dit . C'est pour ça que Sarko nous en a sorti alors refaisons l'histoire la notre qui nous y fera rentrer à jamais et enseignons le leurs.

  • Yes we can it but we never try to do

    Il faut qu'on essaie d'oublier une histoire qui ne nous fera jamais avancé. Tous les peuples sont passés par des histoires tragiques mais la plus d'entre eux a pu se rattrapée en se reposant sur elle-même. Tant qu'on l'africain ne reste pas soi-même et ne cherchera pas à résoudre ses propres maux. Il restera toujours derrière. Regardons devant pour voir ce que l'on veut pour nous-même au lieu d'indexer toujours la responsabilité de l'autre.

  • citoyen

    rien à ajouter vraiment. le défaut commun aux aigris et attardés sociaux d'habitude c'est leur propension à blâmer autrui pour leur infortune.toutefois lire vos commentaires me redonnent beaucoup de courage.tout n'est pas perdu.et encore merci pour cet article !!

  • kupukala

    Les ASSASSINATS de Charlie Hebdo, c'était pas un accident, mais un programme, un projet, un objectif précis. Dans les drames en méditerranée, ce sont malheureusement des gens (inconscients ou suicidaires?) qui ont VOLONTAIREMENT pris un risque trop grand, malheureusement.

  • nala

    Concernant ton 2éme paragraphe Je suis d'accord avec toi kupukala c dure certes mais c'est la vérité. A quoi bon mes cher( e)s

  • amilcar cabral

    Merci monsieur Mamadou Bamba N'diaye, c'est clair et nette, il n'y a rien à rajouter.

  • karim2

    daccord avec vous bamba mais sachez que tant que l'afrique est gouvernee par ces sois disants intellectuels nous irons nuls part.nous aussi citoyens nous avons notre part de responsabilite car nous les choisissons.certes c est de notre devoir mais revoyons les criteres de preselections.:qui choisir tous sauf des politiciens connus qui ont font toujours retourner du temps d apres la colonisations.

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