Sur le plateau de Seneweb avec notre ami Diallo, le célèbre chroniqueur et analyste politique Mody Niang a annoncé qu’il arrêtera le combat qu’il a entamé depuis longtemps, celui de dire à haute voix ses vérités sur la marche du pays. Il dit être peiné de cette résolution mais qu’il s’agit d’une forte demande de sa famille qui désespère de voir que ses sorties ne servent à rien parce que ‘’les Sénégalais ne vont pas changer’’.
En clair, il faudra se passer désormais de ses décryptages de l’actualité, de ses chroniques, de ses critiques sur la gestion du pays, de ses suggestions. En somme, le Sénégal perd justement, dans une certaine mesure, un intellectuel de valeur qui a ainsi décidé de casser sa plume.
Dans un contexte d’immigration clandestine, de paupérisation galopante et surtout de dérèglement du paysage politique, cette annonce sonne mal. Car, contrairement à ce que pensent les fils de Mody Niang, ses remarques et suggestions ont toujours servi de boussoles à nombre d’hommes et de femmes dans ce pays y compris parmi ceux qui sont chargés de prendre les décisions.
Mais, c’est cela le paradoxe de la communication. Contrairement aux autres ouvrages, il n’est pas visible, il s’inscrit durablement dans les cœurs et amorce un travail souterrain efficace dont les effets ne sont pas forcément directement visibles.
C’est pour cela que nombre de personnalités pensent, parfois, que leurs conseillers en communication ne leur servent pas à grand-chose. Grosse erreur, l’effet est beaucoup plus fort qu’on ne le pense.
Qu’à cela ne tienne, d’autres vont encore continuer à essayer de ‘’faire le job’’. Même si, par ailleurs, Niang avait une forme de pugnacité et de courage intellectuelle rares. Et c’est peut-être ce qui est regrettable.
Mais, dans tous les cas, c’est ‘’le Macky’’ qui s’enrichit. Ne plus avoir à ses trousses un intellectuel de cet acabit, c’est une sacrée chance. ‘’Fagne, Fagne, Fagne…’’.
D’ailleurs, cette perte de la plume de Mody intervient dans un contexte fait aussi de ralliements spectaculaires de pontes de l’opposition. Le lien n’est pas directement établi, mais cela traduit la volonté du régime de Macky de faire l’unanimité autour de son mentor et d’annihiler toute velléité d’opposition ou de contestation. Et pour cela, les méthodes classiques sont usitées : la carotte et le bâton.
Pour les membres de la classe politique, les arguments sont certes importants, mais le portefeuille aussi. Macky négocie tenant le portefeuille entre ses bras, prêt à payer le prix de la course. Et peu de gens sont insensibles à ses arguments : Travailler pour le Sénégal et gagner fortement en retour.
Mais, pour Mody Niang, nous avons eu le sentiment que sa condamnation dans le procès qui les opposait Pape Alé et lui à l’ancien Directeur du Coud devenu Ministre a pesé sur la balance.
Rien d’étonnant que sa famille soit agacée par ‘’un combat qui ne lui rapporte rien’’ et qui lui fait prendre des risques énormes au nom d’un peuple prêt à retourner sa veste et à soutenir celui qui est supposé être le bourreau.
Bien sûr, il pouvait encore refuser et tenir tête à sa famille. Il en a le cran et l’intelligence.
Mais, il ne nous démentira pas sans doute lorsque nous écrirons, sans sa permission, que la forte déception née du ralliement d’un homme comme Idrissa Seck a également pesé dans la balance.
Cette situation a créé les conditions d’une onde de choc avec un traumatisme chez beaucoup y compris parmi les cadres les plus préparés, psychologiquement.
Du coup, il est facile, pour beaucoup, de se dire ‘’à quoi bon’’ et de baisser les bras.
La vérité est que le dégoût et le découragement gagnent beaucoup de sénégalais. Et il ne faudra pas s’étonner que nombre d’entre eux fassent exactement comme Mody Niang an allant entretenir leurs vergers pour justement se faire oublier.
Le fossé se creuse entre l’élite et les populations. Nous avons importé et assimilé des valeurs étrangères dont certaines ne sont pas adaptées à notre contexte. Et nous en payons le prix fort avec, entre autres exemples, le départ de nos jeunes vers une Europe qui les a rejetés d’emblée et dans un océan qui en engloutit beaucoup.
* Assane Samb