Le Conseil de sécurité de l’ONU rejette l’embargo américain sur l’Iran

Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) a rejeté, vendredi 14 août, une résolution américaine visant à prolonger l’embargo sur les ventes d’armes à l’Iran, qui expire en octobre. Un rejet qui a suscité la colère des États-Unis. Ces derniers ont dénoncé un vote « inexcusable ».

Seuls deux pays ont approuvé le projet de Washington, a annoncé l’Indonésie, qui préside cette instance. Deux autres, la Russie et la Chine, ont voté contre et les onze membres restants du Conseil se sont abstenus, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

Pour davantage information sur les arguments d’lRAN à ce propos voici une bonne lecture de monsieur zarif ministre iranien des affaires étrangères:

En Iran, qui est la cible des sanctions les plus vicieuses et aveugles–ce que nous avons observé de l’administration actuelle des USA est parfaitement claire : Ce gouvernement ne dispose d’aucuneperspective claire pour l’avenir de la communauté mondiale.

L’inflexibilité et l’imprévisibilité des USA n’ont rien à voir avec la mise en œuvre magistrale de la théorie des jeux. Qu’il s’agisse de sa mauvaise gestion du COVID-19 dans le pays ou de l’affaiblissement de la paix et de la stabilité à l’étranger, le gouvernement actuel à Washington n’a aucun véritable plan, à part de s’en prendre aveuglement à tous ceux qui défendent l’Etat de droit.

La manière dont les États-Unis ont agi par rapport à la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui a approuvé – et est indissociable – du Plan d’Action Global Conjoint, communément appelé accord nucléaire iranien (ou le JCPOA), en est un parfait exemple.

En juillet 2015, l’Iran, les États-Unis, la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne ont signé un accord historique pour répondre à toutes les préoccupations concernant le caractère exclusivement pacifique de notre programme nucléaire, tout en libérant le peuple iranien de sanctions inhumaines et injustes. Dans le cadre du JCPOA, les États-Unis et d’autres signataires ont également coparrainé conjointement la résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations Unies, dont l’accord nucléaire en est un élément indissociable, à laquelle sont jointes ses 90 pages ; inscrivant ainsi l’accord dans le droit international. Cependant, en mai 2018, l’administration américaine a déclaré qu’elle avait décidé unilatéralement de « mettre un terme à sa participation » au JCPOA. Depuis lors, l’Iran et le reste de la communauté internationale ont été laissés dans la position extraordinaire de voir les États-Unis devenir le premier Etatdans l’histoire de l’ONU à non seulement enfreindre une résolution contraignante qu’il a lui-même parrainée, mais à sanctionner également les gouvernements et les entreprises qui soutiennent le droit internationalen mettant en œuvre les dispositions de cet accord. Ainsi que j’ai prévenu le Conseil de sécurité le mois dernier, cette situation n’est ni souhaitable ni viable. Nous sommes donc à la croisée des chemins.

La campagne de désinformation de l’administration américaine – y compris des allégations fausses et falsifiées concernant un consensus régional – sur les conséquences du maintien des dispositions de l’accord par les autres signataires du JCPOA – y compris la normalisation des coopérations de l’Iran avec le Monde dans le domaine de la défense en octobre – représente une ruse pour déguiser ses motivations réelles et malveillantes: Les USA ont échoué à provoquer l’effondrement de la résolution 2231 après plus de deux ans de «pression maximale» la plus brutale jamais imposée à une nation – notamment en privant les Iraniens ordinaires d’avoir accès aux médicaments et à des équipements médicaux en période de la pandémie la plus meurtrière que le monde ait connue depuis de nombreuses décennies.Aujourd’hui, les États-Unis espèrent pouvoir enfin détruire cette même résolution qu’ils ont quitté en 2018, par une mauvaise interprétation de ses dispositifs. Ce comportement profondément malveillant des États-Unis vise la totalité de la structure de l’ONU.La méthode suivie par les USA a pour objectif d’utiliser les instruments de l’ONU elle-même pour détruire cette instance mondiale.

Il y a des problèmes et conséquences importants à considérer dans ce domaine :

D’abord et avant tout, on peut se demander pourquoi ou comment l’effondrement d’une seule résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur un sujet spécifique, pourrait entrainer des conséquences plus étendue et plus globale. Pourtant ce lien existe bel et bien. Si par l’autoritarisme de l’un de ses membres,le Conseil de sécurité était contraintde torpiller sa propre résolution, nous serons en réalité témoins d’un recul de plusieurs générations dans les acquis du multilatéralisme au niveau de la communauté mondiale. À moins que toutes les puissances ne respectent les principes pour la concrétisation desquels le Conseil a été créé pour incarner, il ne peut s’acquitter de ses devoirs et aucune nation ne peut plus reconnaître sa compétence et son autorité.

Nous ne devons pas oublier que cette même administration américaine s’est aussi retiré de manière enfantinede l’Organisation Mondiale de la Santéau moment de la pire pandémie mondiale, mais cherche maintenant à prendre en main le processus de réforme de cette même OMS, au risque demécontenter ses plus proches alliés occidentaux.

Si les États-Unis sont autorisés à continuer sur cette voie, le monde reculera vers le principe «la force fait le droit » ; et bien que cela puisse sembler attrayant pour les bellicistes de la période de la guerre froidequi recherchent de nouvelles cibles, néanmoins il faut se rendre compte que même la logique de la puissance de la guerre froide a ses limites : les deux superpuissances du siècle dernier ont vu leur influence internationale se dissiper lors de leur défaite militaire en Afghanistan, un pays dont le PIB est 14 fois inférieur au chiffre d’affaires annuel de la société Apple.

Nous avons également vu ces dernières années comment l’administration américaine – parallèlement à ses attaques contre les institutions et accords internationaux –a cherché à supplanter le droit international par ses propres lois nationales. Dans la pratique, cela signifie que désormais ce ne sont plus les gouvernements européens qui décident avec qui les entreprises européennes peuvent ou pas faire des affaires – que ce soit en vertu de la résolution 2231 ou de l’exécution de la tracée du gazoduc North Stream ; mais plutôt le Trésor américain.

Alors même que jusqu’à présent ce furent principalement les États-Unis qui ont cherché à étendre la compétence de leurs lois nationales, rien ne permet de penser qu’ils en conserveront le monopole. Avec l’ouverture de cette boîte de Pandore et avec la complaisance de certains gouvernements nationaux, il n’est pas difficile d’imaginer un avenir où les citoyens ordinaires et les entreprises privées pourraient finir par devoir faire face à des accusations extraterritorialesprovoquées par l’accroissement des lois nationales d’autres pays ; ainsi que des lois intérieures limitant les voyages, le commerce et les investissements internationaux d’autres pays. Voici un avenir rétrograde pour notre monde globalisé.

Ainsi, la communauté internationale en général – et le Conseil de sécurité de l’ONU en particulier –sont confrontés à une décision importante: maintenons-nous le respect de l’Etat de droit ou retournons-nous à la loi de la jungle?

Alors que l’Iran a prouvé sa résilience et sa capacité de rétorquer de manière décisive à l’intimidation coercitive, je suis convaincu que, dans les prochaines semaines et mois sensibles, les membres du Conseil de sécurité réfuteront les tentatives futiles et à visée électorale d’une administration américaine à bout de souffle pour détruire ce qui était la réussite diplomatique du 21èmesiècle et, ce faisant, ne permettront pas que ce qui reste du multilatéralisme et du droit international soit anéanti.