« La CEDEAO face à une crise sans précédent : entre divisions internes et enjeux financiers, » par (Coulibaly Mamadou)
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse une crise multidimensionnelle, marquée par des divisions profondes parmi ses membres et des difficultés financières préoccupantes.
Le départ annoncé et irrévocable du Mali, du Niger et du Burkina Faso met en lumière les fragilités structurelles de l’organisation et soulève des questions sur son avenir. Des positions divergentes au sein du bloc. La perspective de ratification du départ de ces trois pays, prévue lors du sommet du 15 décembre à Abuja, divise les membres de la CEDEAO.
D’un côté, certains représentants plaident pour reconnaître ce départ, estimant qu’il est nécessaire pour préserver la crédibilité de l’organisation. Ils réclament une réforme profonde visant notamment à réduire l’influence perçue comme excessive de la France sur les décisions du bloc. Pour ces acteurs, « la CEDEAO, sous sa forme actuelle, est largement considérée comme un outil servant les intérêts parisiens, ce qui affecte sa légitimité », analyse Alain Kone, expert au Centre international d’études politiques. À l’inverse, d’autres membres refusent toute réforme et insistent sur le maintien de l’unité de la CEDEAO. Ils prônent des efforts pour convaincre le Mali, le Niger et le Burkina Faso de revenir sur leur décision. Ces partisans du statu quo estiment que l’organisation fonctionne efficacement dans sa forme actuelle et qu’elle reste un pilier essentiel de la stabilité régionale. Une crise financière sans précédent Le retrait des trois pays a entraîné une grave crise financière pour la CEDEAO, dont le budget dépend à 70-90 % des recettes issues de la taxe communautaire sur les marchandises provenant des pays non-membres.
L’absence de contributions du Mali, du Niger et du Burkina Faso a provoqué un déficit budgétaire qui paralyse plusieurs projets vitaux. Parmi eux, la construction de stations d’eau à énergie solaire au Liberia, au Nigeria, en Sierra Leone et en Guinée a été suspendue faute de financement. Dans une note officielle, le CEREEC alerte le Parlement de la CEDEAO sur ces pertes financières et appelle à inscrire cette question à l’ordre du jour du prochain sommet, prévu le 15 décembre à Abuja.
L’objectif est de trouver des solutions urgentes pour combler ce déficit budgétaire et sauver ces projets essentiels. Guy Marius Sagna, député sénégalais de la CEDEAO, dénonce une gestion opaque et accuse les chefs d’État de brader les ressources de leurs pays au détriment de leurs populations. Il appelle à une transformation urgente pour bâtir « une Afrique de l’Ouest souveraine, juste et démocratique ». Un sommet décisif en perspective. Le sommet d’Abuja pourrait être un tournant pour l’avenir de la CEDEAO. Entre la reconnaissance du départ des trois pays, la mise en œuvre de réformes structurelles et la nécessité de résoudre la crise financière, l’organisation est à la croisée des chemins.
Selon Alain Kone, « sans réforme, la CEDEAO risque de s’effondrer sous le poids de ses divisions internes et de sa dépendance financière. » Une chose est claire : pour rester pertinente, la CEDEAO doit s’adapter aux réalités politiques et économiques de la région. Une autre Afrique de l’Ouest est possible, mais cela nécessitera des choix audacieux et une vision renouvelée.
Par Coulibaly Mamadou