Fatick : "De bastion de Macky Sall à fief de PASTEF : est-ce une réalité ou une ambition ?", (Coumba Ndoffène Diouf)

Diagnostic de la situation politique et socio-politique du département de Fatick

Le département de Fatick occupe une place singulière dans l’histoire politique du Sénégal. Longtemps considéré comme le bastion électoral de l’ancien président Macky Sall, il a toujours été au cœur des grandes batailles électorales nationales. Mais ces dernières années, des bouleversements majeurs se sont produits, traduisant une profonde mutation dans le comportement électoral des populations locales.

À Fatick, le vote n’est jamais neutre ni indifférent. Il est guidé par plusieurs logiques qui, combinées, expliquent les renversements récents.

– *Le vote ethnique* a longtemps dominé la scène politique, les appartenances communautaires et les proximités coutumières ayant pesé fortement sur les choix des électeurs. Cette dynamique a contribué à maintenir Macky Sall et son camp dans une position de force durant de longues années, car il bénéficiait du soutien enraciné des notabilités locales et d’une solidarité identitaire bien affirmée. Mais cette logique, bien qu’encore présente, a perdu de sa force au profit de nouvelles aspirations.

– *Le vote d’espoir* a ensuite pris forme, notamment avec la montée en puissance d’Ousmane Sonko et de PASTEF. Face aux injustices, à la marginalisation ressentie par certaines franges de la population et à l’essoufflement des modèles politiques classiques, une jeunesse fatickoise dynamique et des couches sociales fragilisées ont décidé de placer leur confiance dans un projet alternatif.

Les événements tragiques de 2021, marqués par plus de 82 morts, des centaines de blessés et des milliers d’arrestations, ont réveillé les consciences. Ils ont renforcé l’image de Sonko en résistant courageux, refusant l’injustice et défendant la dignité du peuple. Cette posture a nourri une adhésion nouvelle, qui s’est traduite par un enracinement progressif de PASTEF dans le département.

– Enfin, *le vote utile* s’est imposé avec force lors des élections législatives de 2024. Après l’élection de Bassirou Diomaye Faye à la présidence de la République, les électeurs de Fatick ont compris qu’il fallait donner au chef de l’État une majorité pour gouverner. Ce choix pragmatique a poussé nombre de leaders locaux, de mouvements citoyens et d’électeurs hésitants à soutenir PASTEF. Non pas par opportunisme pur, mais parce qu’ils ont perçu qu’il était de leur responsabilité de renforcer la gouvernabilité du pays. C’est ainsi que Fatick, après avoir été le dernier bastion de Macky Sall, a basculé du côté de PASTEF, offrant une victoire éclatante avec quatorze communes remportées sur dix-sept.

*Une trajectoire marquée par des ruptures*

Cette trajectoire traduit une évolution marquée par des ruptures. En 2019, PASTEF n’avait recueilli que 5 % des voix dans le département, perdant toutes les communes. En 2021, le complot ourdi contre Sonko a réveillé un esprit de résistance citoyenne. En 2022, malgré des avancées avec l’inter-coalition Yewwi-Wallu au niveau national, Fatick est resté difficile à conquérir, sauf Diofior qui se démarquait déjà comme une exception.

En 2024, malgré l’inéligibilité de Sonko, la coalition « Diomaye Président » a réalisé des percées significatives à Fimela, Diofior, Djilasse et Loul Sessène. Quelques mois plus tard, aux législatives anticipées, le basculement a été total : Fatick est tombé entre les mains de PASTEF, confirmant la fin d’une ère politique.

*La victoire de PASTEF : une ouverture stratégique*

La victoire de PASTEF à Fatick n’est pas seulement le fruit des calculs électoraux. Elle résulte d’une ouverture stratégique qui a permis au parti d’accueillir toutes les forces vives du département, sans renier ses valeurs ni son orthodoxie patriotique. Elle est aussi la conséquence d’un dialogue sincère et franc avec les leaders locaux, loin des promesses illusoires qui caractérisaient les pratiques anciennes.

 

Elle s’explique également par la légitimité morale de Sonko, dont l’image de résistant a transcendé les clivages, et par le besoin des électeurs de donner au président élu les moyens d’agir.

*Les leçons de l’histoire politique sénégalaise*

Toutefois, cette victoire historique ne doit pas conduire à l’autosatisfaction. L’histoire politique du Sénégal enseigne que la perte des collectivités locales fragilise tout régime. Abdoulaye Wade l’a appris en 2009 avec la vague de Benno Siggil Sénégal qui a ouvert la voie à sa défaite en 2012. Macky Sall l’a vécu en 2022 lorsque la perte de nombreuses communes a amorcé le déclin de Benno Bokk Yakaar. PASTEF doit donc tirer les leçons de ces précédents et comprendre que l’ancrage local est vital pour la consolidation du pouvoir.

*L’horizon 2026 : un test décisif*

L’enjeu de 2026 sera double. Il s’agira d’abord de contrôler les communes et le conseil départemental de Fatick pour assurer une gouvernance territoriale alignée sur les politiques publiques nationales. Mais il s’agira aussi de préparer l’avenir : les municipales de 2026 seront un test grandeur nature pour 2029, et un jalon essentiel dans l’agenda 2050 que s’est fixé le mouvement, avec une vision sur cinq mandats.

*Conclusion : unité et vigilance*

Dans ce contexte, l’appel à la cohésion, à la solidarité et à l’ouverture prend tout son sens. Fatick a besoin d’unir ses forces au-delà des clivages politiques pour accompagner les efforts de développement. Les leaders doivent rester fidèles aux valeurs de sincérité, de justice et de patriotisme qui fondent PASTEF, tout en cultivant le dialogue et l’inclusion.

L’intérêt supérieur du département doit primer sur les ambitions personnelles. Car si Fatick reste uni et ouvert, il ne sera pas seulement un bastion électoral, mais un moteur du changement national et un modèle de gouvernance démocratique.

*Coumba Ndoffène Diouf*
Coordonnateur départemental de la JPS Fatick, Vice-Coordonnateur PASTEF Ngayokhème, Militant de PASTEF depuis 2016
📧 dioufcoumbalatyr40@gmail.com

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