Coronavirus : En finir avec le copier-coller pour émanciper le Sénégal

Coronavirus : En finir avec le copier-coller pour émanciper le Sénégal

Face à la crise sanitaire liée au coronavirus, le Sénégal aurait-il pu enfin s’émanciper et s’engager dans une révolution culturelle qui puisse mettre en avant sa recherche scientifique ? On peut répondre par la négative, quand on voit les mesures copiées-collées que nos dirigeants ont prises et qui se sont avérées inadaptées, irréalistes, si ce n’est ridicules au regard de nos réalités.
Comment assurer un confinement, masqué dans un État d’urgence assorti d’un couvre-feu et d’une sensibilisation à « Tokk lénne séne Keur », une survie sociale et économique lorsque la majeure partie de la population vit au jour le jour au sein d’une économie largement informelle ?
Comment et pourquoi fermer les écoles comme en France, au lieu de vacations et rotations de petits groupes d’élèves, lorsqu’à la différence des Français, on ne peut assurer des enseignements à distance ?

Cette tendance à reproduire de façon frénétique et irréfléchie les solutions françaises laisse croire que le Sénégal ne saisira pas la crise du coronavirus pour enclencher sa révolution culturelle, clé de voûte de toutes les autres émancipations.
Or les exemples de jeunes artisans, de jeunes innovateurs et de jeunes ingénieurs sénégalais tendent à attester que, bien au contraire, non seulement la volonté de réfléchir par nous-mêmes existe, mais aussi que des ressources humaines de qualité existent et ne demandent qu’à être mises en avant par nous-mêmes Africains et Sénégalais.
Il n’est pas dit que ces recherches ne passeront pas par des fiascos, mais les Africains ne doivent pas être complexés par l’échec. Savons-nous combien de revers ont essuyé les Chinois, les Emiratis et les Sud-Coréens pour accomplir les avancées technologiques que le monde entier leur reconnaît aujourd’hui ? Les Occidentaux n’ont-ils pas raillé les produits chinois, traités de camelotes sans valeur et non durables, avant de faire de la Chine l’usine du monde ?

Toutefois, autant la Chine s’est modernisée et imposée, autant elle l’a fait en se centrant sur ses propres valeurs pour concurrencer l’Occident. A l’image de ces exemples, l’Afrique a des qualités propres à faire valoir pour s’imposer sur l’échiquier mondial.
Pour marcher vers l’émergence, le Sénégal doit résolument quitter les sentiers tortueux du modèle de copier-coller et engager sa propre révolution culturelle fondée sur la valorisation de ses savoirs, trouvailles et connaissances.
L’Afrique doit s’émanciper des conseils des « experts internationaux ». Elle doit soutenir efficacement les recherches engagées par ses médecins, biologistes et scientifiques. Avec une force économique et une volonté propres, les pays africains peuvent bâtir une industrie pharmaceutique capable de transformer leur système sanitaire et offrir des soins adaptés à leurs populations.
Pour une culture de la « domination ».

Soixante ans après les indépendances, il est temps de faire la rupture et de sortir des sentiers battus en transformant la médecine dite « traditionnelle » ou « indigène » en socle d’un système sanitaire moderne et enraciné dans la culture africaine.

Par exemple, la nécessité de sensibiliser les masses sur les mesures barrières liées à la pandémie a révélé l’importance des langues nationales, qui doivent être, plus que jamais, modernisées et érigées en langues officielles, au même titre que – sinon avant – les langues coloniales. Dans ce schéma, la modernité ne devrait pas être perçue comme l’adoption de la civilisation occidentale, mais comme la capacité à systématiser la rationalité des savoirs africains afin de leur donner une plus-value.

Cette rupture avec le modernisme occidental n’adviendra que si les Africains décident de développer une véritable autonomie de pensée basée surtout sur une culture de la « domination ». Il faut comprendre cette dernière notion non pas comme « menace » ou « oppression » des autres, mais comme « émergence » d’une puissance voire superpuissance idéologique. Cela suppose que l’Afrique sorte de sa position de consommatrice des cultures (politiques, économiques et technologiques) des autres pour s’engager dans la posture de la créativité et de l’invention, en transformant ses inquiétudes, ses défis et les railleries dont elle fait l’objet en dynamiques.
*Baba DIAKHATE
Juriste/Chercheur
en Environnement
Agrobiotek Ingenierie Lyon

6 COMMENTAIRES
  • Fall Ibra

    Bonsoir Monsieur Diakhaté,
    Belle réflexion…
    C’est en cette période même que nous devons nous tenir debout et montrer au monde entier que nous sommes capables.
    Nous avons quoi faire pour prendre notre destin en main mais malheureusement,nos dirigeants.
    Ils se montrent toujours incapables, aveugles, suiveurs, j’en passe.
    Aah Afrique, africains…

  • Baba DIAKHATE

    Merci monsieur Diop

  • Djibson K.

    Intéressant. Bravo

    • Baba DIAKHATE

      Merci Djibson

  • Mamadou Dieng de Mbacke à Niary bayfall tél 776405946

    Félicitations monsieur DIAKHATE. En vérité,le sénégalais est expert dans le mimétisme frisant l’acculturation. Je souhaite que les autorités vous lisent et s’approprient les belles suggestions très constructives…

    • Baba DIAKHATE

      Bonsoir monsieur, je vous remercie pour l’attention et les encouragements.
      Il est vraiment temps que l’on pose les véritables questions à mon avis
      c’est le seul procédé pour établir le bon diagnostic des maux qui gangrènent notre Etat,
      notre société, nos institutions depuis belle lurette.

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