Révélation sur des failles et des incohérences dans la condamnation pour meurtre du journaliste René Capain Bassène (CPJ)

Révélation sur des failles et des incohérences dans la condamnation pour meurtre du journaliste René Capain Bassène (CPJ)

Par Moussa Ngom

Malgré le gendarme sénégalais qui tenait un pistolet sur sa tempe, Ibou Sané a tenu bon. Il a refusé d’admettre qu’il connaissait René Capain Bassène, comme lui ordonnait l’officier – mais en fin de compte, cela n’a pas eu d’importance.

Le témoignage qu’il dit n’avoir jamais donné a été utilisé au tribunal pour aider à faire condamner Bassène, un journaliste local bien connu, dans l’affaire du massacre de 14 coupeurs de bois abattus en 2018 dans la forêt des Bayottes, dans le sud de la Casamance, au Sénégal.

Bassène a été arrêté huit jours après les meurtres et, en 2022, condamné à la prison à vie pour complicité de meurtre, de tentative de meurtre et association de malfaiteurs – des crimes qu’il n’aurait pas pu commettre, ont déclaré des témoins au CPJ.

Fin 2024, l’examen par le CPJ de documents judiciaires et des entretiens avec Bassène, ses coaccusés et des témoins a révélé que l’enquête sur le journaliste était entachée de nombreuses irrégularités. Plusieurs personnes acquittées par la suite ont déclaré au CPJ qu’elles avaient été contraintes d’impliquer le journaliste ou de signer des procès-verbaux d’interrogatoires erronés. Le CPJ a également constaté que l’enquête s’appuyait sur des preuves incohérentes concernant le lieu où se trouvait Bassène le jour des meurtres et qu’il existait des raisons de douter de l’authenticité des courriels qu’il aurait envoyés. Bassène a déclaré avoir été maltraité en détention ; des documents médicaux font état d’une blessure à l’oreille à la suite d’un « traumatisme ».

Selon Sané, secrétaire du village de Toubacouta, au sud du Sénégal, dans la ville principale de Ziguinchor, en Casamance, la seule fois où il a parlé à Bassène, c’est lorsque celui-ci l’a appelé le jour du massacre pour lui demander des informations sur les meurtres. À l’époque, Bassène était sur le point de terminer son quatrième livre sur le conflit entre les forces gouvernementales sénégalaises et le Mouvement séparatiste des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Une cour d’appel a confirmé sa peine en 2024 ; un deuxième appel de sa condamnation est actuellement devant la Cour suprême du Sénégal.

L’enquête du CPJ a également révélé de nouvelles informations liant l’emprisonnement de Bassène à son travail. En effet, des documents judiciaires montrent que les procureurs ont cité les activités journalistiques de Bassène, y compris des appels téléphoniques et des courriels, avant et après les meurtres dans leurs arguments à charge. Ces informations l’ont conduit à être le seul journaliste sénégalais à figurer dans le recensement 2024 des membres de médias emprisonnés dans le monde établi par le CPJ. Le Sénégal, qui a élu un nouveau Président et parlement se voulant réformateurs en 2024, a été classé parmi les cinq pays qui emprisonnent le plus de journalistes en Afrique dans le recensement 2023 du CPJ. 

Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, photographié à l’intérieur du palais présidentiel à Dakar le 28 novembre 2024, a promis des réformes au Sénégal, qui a été ces dernières années l’un des principaux geôliers de journalistes dans la région. (Photo : AFP/John Wessels)

Menacé en raison de son travail

Bassène avait consacré l’essentiel de ses 20 ans de carrière à couvrir le conflit entre le gouvernement sénégalais et le MFDC, qui cherche à obtenir un territoire indépendant en Casamance depuis 1982. Son intérêt est né lors de ses études supérieures, lorsqu’il a rédigé son mémoire sur les personnes déplacées par les combats. Il a publié son premier livre en 2013 sur le défunt chef rebelle l’abbé Augustin Diamacoune Senghor. Bassène avait prévu d’intituler son quatrième livre « Un conflit qui nourrit plus qu’il ne tue », dans lequel il aurait détaillé la manière dont certaines personnes ont tiré profit du conflit, y compris des dirigeants locaux, des ONG impliquées dans la négociation de la paix et les trafiquants de bois illégal. Bassène avait la réputation d’avoir un style journalistique opiniâtre qui couvrait tous les aspects du conflit, et de se rendre dans les zones tenues par les rebelles pour effectuer ses recherches. « Mon principe a toujours été d’aller chercher des informations à la source », a-t-il déclaré au CPJ lors de l’un de nombreux entretiens téléphoniques depuis la prison entre septembre et décembre 2024.

« C’était un livre assez explosif dans lequel il mentionnait les organisations par leur nom et évoquait le problème de la coupe du bois », a déclaré au CPJ Xavier Diatta, un ami de Bassène.   

Bassène savait que ses reportages comportaient des risques. Dans la préface de son troisième livre publié en janvier 2017, il rappelle avoir reçu des menaces de la part de combattants des deux camps et que les critiques l’avaient qualifié « de rebelle, ou d’espion à la solde de l’État du Sénégal ou du MFDC ». L’épouse de Bassène, Odette Victorine Coly, a déclaré au CPJ : « Il ne prenait plus les appels d’un numéro qu’il ne connaissait pas parce qu’il recevait tellement de menaces. » En septembre 2017, Bassène a dit à Diatta dans un message que le CPJ a pu se procurer : « Je boucle mes recherches d’ici mai [2018] pour achever mon travail sur la crise et me concentrer sur ma famille parce que je suis aussi menacé. »  Bassène n’était pas le seul journaliste qui était scruté de très près pour avoir couvert l’actualité du mouvement rebelle. En 2005, les autorités ont arrêté l’ensemble du personnel de la station de radio privée Sud FM dans la capitale, Dakar, ainsi que son correspondant Ibrahima Gassama à Ziguinchor pour avoir interviewé le chef rebelle d’une faction du MFDC. D’autres journalistes ont également été expulsés ou intimidés pour avoir couvert un conflit qui a fait des milliers de morts et demeure un sujet sensible au Sénégal.

Des membres des forces armées sénégalaises inspectent des roquettes abandonnées sur une base rebelle capturée qui appartenait au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) à Blaze Forest le 9 février 2021. Le journaliste René Capain Bassène était bien informé sur les rebelles et le gouvernement, et des appels téléphoniques aux rebelles ont été utilisés pour l’incriminer dans un massacre en 2018. (Photo: AFP/John Wessels)

Violence dans la forêt

Fin 2017, Bassène a commencé à s’inquiéter du risque d’augmentation de la violence liée à l’exploitation forestière illégale dans la forêt, dont profitaient depuis des années les autorités et les rebelles. Une faction locale du MFDC avait promis de « s’occuper de la protection des ressources naturelles de la Casamance », accusant les autorités sénégalaises d’encourager la « dilapidation » de la forêt. La branche armée du groupe, « Atika », a quant à elle déclaré qu’elle « sévirait face à tout coupeur de bois qui s’aventurerait dans la forêt de Boffa Bayotte ». Ces déclarations faisaient suite à l‘arrestation, en novembre 2017, par les autorités sénégalaises, de quatre habitants de Toubacouta, membres d’un comité inter-villageois indépendant pour la protection de la forêt, après une altercation avec des coupeurs de bois clandestins.

« Les déclarations [du MFDC] devenaient de plus en plus menaçantes », a déclaré Bassène au CPJ, ajoutant que des hommes armés attaquaient souvent les coupeurs de bois dans la forêt et que 10 personnes avaient été tuées en 2011.

Des séparatistes appartenant au Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) assistent à la libération de soldats sénégalais en Gambie, le 14 février 2022. Le journaliste René Capain Bassène couvre le mouvement rebelle et son conflit avec le gouvernement depuis des décennies. (Photo: AFP/Muhamadou Bittaye)

Avant le massacre, Bassène a fait part de son inquiétude concernant l’escalade des tensions dans la forêt à plusieurs personnes proches du gouvernement, dont Diatta, conseiller du défunt Premier ministre sénégalais Mahammed Boun Abdallah Dionne, Bachir Ba, alors directeur régional du radiodiffuseur public, la RTS, et Jean-Marie François Biagui, ancien secrétaire général du MFDC qui est retourné à la vie civile tout en restant actif dans la politique sénégalaise, ont déclaré les trois hommes au CPJ lors d’entretiens. Diatta a ajouté qu’il avait informé la gendarmerie des avertissements de Bassène lorsqu’il a été détenu pour ses liens avec le journaliste et interrogé pendant trois jours. Mais les efforts de Bassène ne sont pas mentionnés dans les documents judiciaires.

Bassène est derrière les barreaux depuis son arrestation en 2018 par des gendarmes masqués qui ont escaladé les murs de sa maison. La quasi-totalité des 25 autres coaccusés ont été acquittés. Le CPJ a parcouru près de 500 kilomètres au sud de la capitale sénégalaise, Dakar, pour se rendre dans des villages de la région, dont Toubacouta et Bourofaye Diola, et parler à des accusés et à d’autres personnes proches du dossier. Sept des coaccusés ont déclaré au CPJ qu’alors que l’accusation les a présentés comme des complices de Bassène, ils ont été interrogés sous la contrainte et les autorités leur ont attribué de faux témoignages.

Supposées réunions

Les procureurs sénégalais ont déclaré qu’Ibou Sané, Abdoulaye Diédhiou et Abdou Karim Sagna (photo de gauche à droite) avaient participé à des réunions au cours desquelles le massacre avait été planifié. Ils ont déclaré au CPJ qu’ils n’étaient pas au courant de telles réunions et qu’ils avaient été forcés de signer des transcriptions d’entretiens modifiées pour inclure des informations inexactes. (Photo: CPJ/Moussa Ngom)

Au cours du procès, l’accusation a allégué que Bassène avait planifié les meurtres, l’accusant d’avoir participé à deux réunions avec des villageois et des représentants du village le 22 décembre 2017 et le 3 janvier 2018. Lors de ces réunions, les autorités ont affirmé que Bassène aurait promis de « gérer » le problème de la forêt en appelant les rebelles à la défendre. Une troisième réunion aurait également eu lieu en l’absence de Bassène le 5 janvier 2018, au cours de laquelle le massacre aurait été coordonné selon ses plans. Mais neuf des participants présumés à ces réunions ont déclaré au CPJ qu’ils n’étaient pas au courant de tels rassemblements et qu’ils n’avaient jamais entendu Bassène parler de la sorte.

Ces personnes – Maurice Badji, oncle de Bassène et chef du village de Bourofaye Diola, Ibou Sané, Abdou Sané, Jean Christophe Diatta, Abdoulaye Diédhiou, Abdou Karim Sagna, Alassane Badji, Alphousseyni Badji et Dou Sagna – ont également déclaré au CPJ qu’elles avaient été contraintes par les autorités de signer des procès-verbaux d’interrogatoire qui avaient été modifiés pour inclure des informations inexactes. Tous sauf trois – Maurice Badji, Dou Sagna et Abdou Sané – ont ajouté n’avoir jamais rencontré Bassène. Selon les documents judiciaires, quatre autres accusés – Papya Sané, Nfally Diémé, Cheikh Oumar Diédhiou et Lansana Badji – ont déclaré n’avoir jamais participé à ces supposées réunions.

Un autre accusé, Jean Baptiste Badji, a déclaré lors d’un interrogatoire qu’il avait entendu Bassène dire lors de l’une des réunions que « le sang va couler », avant de se rétracter au tribunal. Jean Baptiste Badji est décédé après le procès. « En prison, quand j’ai demandé à Jean pourquoi il avait dit ces choses fausses, il a pleuré et a dit qu’il avait eu peur, et que les gendarmes l’avaient brutalisé », a déclaré Dou Sagna au CPJ.

Preuves contradictoires

D’après les documents judiciaires, la gendarmerie a affirmé que le téléphone de Bassène avait été géolocalisé dans la forêt de Boffa Bayotte, aux côtés des téléphones de plusieurs de ses coaccusés. Mais le CPJ s’est entretenu avec quatre personnes qui ont déclaré avoir été en compagnie de Bassène dans le quartier de Kandialang à Ziguinchor au moment des meurtres. Coly, l’épouse de Bassène, et deux autres personnes de la région, qui ont demandé à ne pas être nommées pour des raisons de sécurité, ont confirmé qu’elles avaient vu Bassène et lui avaient parlé l’après-midi du 6 janvier 2018, date à laquelle le massacre aurait eu lieu. Alain Diédhiou, le voisin du journaliste, a déclaré au CPJ qu’il était avec Bassène à un match de football local à ce moment-là.

Bassène a déclaré au CPJ qu’il avait appris la tragédie à la radio alors qu’il était au terrain de football avec Diédhiou, puis qu’il s’était entretenu au téléphone avec des membres du MFDC pour essayer de savoir ce qui s’était passé. Ces appels ont ensuite été utilisés pour étayer les accusations selon lesquelles il aurait planifié et fomenté les meurtres.

Appels téléphoniques « incriminants »

Le journaliste a déclaré au CPJ qu’il avait commencé ses recherches sur les meurtres en passant des appels téléphoniques dès qu’il en a eu connaissance. « Un événement de cette ampleur ne pouvait manquer de figurer dans ce livre, d’autant plus que je suivais l’affaire avant le massacre », a-t-il ajouté. L’un des appels était destiné à César Atoute Badiate, chef de la faction locale du MFDC, qui a été condamné par contumace à la prison à vie pour complicité avec Bassène. « Je lui ai demandé si ses hommes étaient impliqués et apparemment, il n’était pas encore au courant ; il avait promis de me revenir », a ajouté Bassène. L’accusation a également mentionné l’appel, après les meurtres, entre Bassène et Oumar Ampoi Bodian, un représentant du MFDC condamné pour complicité dans les meurtres puis acquitté en appel en août 2024. Bodian a déclaré au CPJ qu’il avait appelé le journaliste, supposant que Bassène serait sur le terrain pour enquêter.

Selon l’accusation, ces appels ont été passés dans le cadre de la participation de Bassène aux meurtres, mais les transcriptions de ces appels n’ont jamais été produites au tribunal, malgré les demandes de l’équipe juridique du journaliste.

Faux témoignage sous la contrainte

Les documents judiciaires du procès révèlent une tendance saisissante: les accusés dans l’affaire ont contesté à plusieurs reprises et vigoureusement les déclarations qui leur ont été attribuées dans les procès-verbaux de leurs interrogatoires et ont insisté sur le fait qu’ils avaient « fait des aveux » après avoir été soumis à des « actes de torture » sans la présence d’un avocat. En plus de Sané, qui a été interrogé sous la menace d’une arme, au moins quatre autres accusés dans l’affaire ont déclaré au CPJ qu’ils avaient été violemment interrogés sur l’implication présumée de Bassène dans les meurtres, et que les faux témoignages qui leur avaient été attribués au sujet de Bassène avaient été présentés plus tard au procès.

Abdou Karim Sagna, résident de Toubacouta et l’un des principaux coaccusés de Bassène, qui a été décrit comme l’exécuteur des meurtres avant d’être ensuite acquitté, a déclaré au CPJ qu’il ne connaissait pas Bassène avant sa détention. Sagna a décrit son arrestation et la perquisition de son domicile, qui a été menée au milieu de la nuit par des gendarmes armés et masqués. Il a également ajouté que les policiers l’avaient interrogé sur Bassène et l’affaire tout en le giflant et en le frappant, en le soumettant à un harcèlement verbal et physique humiliant et en lui administrant des décharges électriques avec une matraque. « Nous avons été appelés un à un pour nous contraindre à signer, puis renvoyés au bureau du procureur sans connaître le contenu du procès-verbal d’interrogatoire », a déclaré Sagna.

Jean Christophe, un autre accusé, a déclaré au CPJ qu’il avait été frappé et soumis à d’autres mauvais traitements pendant que des gendarmes lui demandaient s’il se trouvait dans la forêt avec Bassène le jour des meurtres. Il a déclaré avoir dit aux gendarmes qu’il ne connaissait pas Bassène, mais son témoignage a été modifié lorsqu’il a été présenté au cours du procès. Deux autres accusés, les frères Alassane et Alphousseyni Badji, ont déclaré au CPJ que les autorités les avaient également violemment interrogés et avaient déformé leur témoignage au tribunal.

Interrogatoires brutaux

Bassène a également confié au CPJ qu’il avait été soumis à un traitement brutal. Après son arrestation, les gendarmes ont retardé son interrogatoire de quatre jours, affirmant qu’il était              « encore lucide » ou pas suffisamment épuisé pour divulguer des informationscléslors de l’interrogatoire. Bassène a été détenu nu, menotté aux pieds et aux mains pendant ces quatre jours, a déclaré au CPJ Yama Diédhiou, une autre suspecte dans l’affaire, qui a vu le journaliste en garde à vue.

Lorsque l’interrogatoire a finalement commencé, les coups se sont succédé rapidement. « Ils me battaient constamment, me déshabillaient et utilisaient une matraque électrique sur mes parties génitales quand ils n’aimaient pas mes réponses », a déclaré Bassène. « Lorsqu’ils ont interrompu l’interrogatoire pendant la nuit, un gendarme faisait en sorte… que je ne puisse pas dormir en frappant à la porte chaque fois que je m’assoupissais ». Diédhiou et Omar Sané, interpellé dans le cadre d’une autre affaire, tous deux détenus avec Bassène, ont déclaré qu’au lieu d’une cellule de prison, le journaliste était enfermé dans une toilette sans lumière, infestée de moustiques et autres insectes.

Bassène a raconté que lorsqu’il a refusé de « signer un autographe » sur le procès-verbal de l’enquête, l’un des gendarmes l’a giflé, ce qui lui a provoqué un saignement de l’oreille droite. Après s’être plaint de douleurs et d’une perte auditive, Bassène a été vu par un médecin en 2019 et a reçu des soins pour une « perforation du tympan droit à la suite d’un traumatisme », selon les documents médicaux examinés par le CPJ. Ces documents confirment également la perte d’audition de son oreille droite et une grave détérioration de sa vue, qui, selon Bassène, était due au bandage serré placé de force sur son visage pendant près d’une journée après son arrestation. Bassène a également déclaré qu’il n’avait pas été autorisé à consulter un avocat pendant l’interrogatoire, bien qu’il en ait obtenu un plus tard au tribunal.

En décembre 2024, le CPJ a adressé une lettre à la gendarmerie sénégalaise pour demander des commentaires sur les conditions de l’interrogatoire de Bassène, mais n’a reçu aucune réponse. En janvier 2025, des gendarmes ont appelé l’épouse de Bassène pour l’interroger sur les allégations de torture, a-t-elle confié au CPJ.

Courriels douteux

Dans le cadre de son dossier, l’accusation a également allégué que Bassène était membre de l’équipe de communication du MFDC et qu’il avait, à ce titre, envoyé environ 21 courriels à Ousmane Tamba, membre en exil de l’aile politique du MFDC, propriétaire du site d’information Journal du Pays et proche du leader du MFDC, Badiate.

Bassène a déclaré au CPJ que sa dernière discussion par courriel avec Tamba remonte à l’époque où il écrivait son deuxième livre, publié en 2015, documentant l’origine du conflit. Tamba a refusé de répondre à la demande écrite de commentaires du CPJ, envoyée par l’intermédiaire de Bodian, le représentant du MFDC, affirmant en novembre 2024 qu’il « n’était impliqué ni de près ni de loin » dans l’affaire.

Dans l’un des courriels versés au dossier, il apparait que Bassène se serait identifié comme faisant partie de l’équipe du MFDC dans des réponses écrites à des questions du Journal du Pays sur le conflit, datées du 4 décembre 2017. Le CPJ, à l’aide de l’outil d’archivage numérique Wayback Machine, a révélé que l’interview avait été publiée au moins trois mois plus tôt et que Bassène était identifié comme journaliste-écrivain et observateur du conflit.

Le Journal du Pays a déclaré au CPJ via son adresse électronique officielle en 2018 que Bassène était un journaliste expérimenté et un spécialiste du conflit en Casamance qui a accordé « des dizaines d’interviews » à leur média.

Bassène a nié avoir envoyé les courriels et être membre de l’équipe de communication du MFDC. Au tribunal, l’équipe juridique de Bassène a également remis en question l’authenticité d’un courriel adressé uniquement à « @/ » et d’un autre qui aurait été envoyé en février 2018, un mois après la détention de Bassène pendant laquelle il n’avait accès à aucun téléphone ni à aucune messagerie électronique.

Ciré Clédor Ly, l’un des avocats de Bassène dans l’affaire, a déclaré dans une interview accordée à un média local que Bassène – qui a été contraint de donner aux autorités l’accès à son compte de messagerie – a demandé à plusieurs reprises l’avis d’un expert pour déterminer si les messages provenaient directement de son compte. Le tribunal a refusé.

À la prison de Ziguinchor, où il passe ses journées à lire, à écrire et à aider les infirmiers à s’occuper des autres détenus, Bassène attend que son appel devant la Cour suprême soit examiné. « Je suis prêt à passer ma vie en prison, mais ce que je ne supporte pas, c’est l’injustice de m’entendre dire que je n’ai pas été arrêté à cause de mon travail de journaliste », a-t-il déclaré.

Par Comité pour la Protection des Journalistes

Moussa Ngom a rejoint le Comité pour la Protection des Journalistes en 2023 en tant que correspondant couvrant l’Afrique francophone. Il a été nommé représentant pour l’Afrique francophone en janvier 2025. Depuis 2019, Moussa Ngom coordonne le média collaboratif d’investigation indépendant, primé et financé par le public, La Maison Des Reporters. Il est également formateur en fact-checking à l’institut universitaire de journalisme de Dakar, le CESTI (Centre d’étude des sciences et techniques de l’information). 

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