Mic-mac électoral au Parti socialiste, Par Jeune Afrique

Alors qu’une élection interne devait désigner dimanche le nouveau secrétaire général du parti socialiste sénégalais, la candidature d’Aissata Tall Sall a été écartée in extremis, laissant le champ libre à Ousmane Tanor Dieng, qui brigue sa propre succession. Une décision opaque, qui provoque critiques et soupçons au sein même du PS.

« C’est un crime contre les intérêts du parti et je me demande à qui ce crime profite ! » Vendredi matin, Abdoulaye Wilane, porte-parole du parti socialiste, ne décolérait pas, s’estimant placé devant le fait accompli par « une instance qui n’est pas décisionnaire ».

La veille au soir, le maire de Dakar, Khalifa Sall, au nom du Comité national de pilotage et d’évaluation (CNPE) des renouvellements du PS, qu’il préside, avait diffusé un communiqué annonçant « l’arrêt de la compétition électorale » qui devait permettre de désigner le nouveau secrétaire général. Entamé le 24 mai, le processus de vote des 27 000 délégués était censé se prolonger jusqu’au 31 mai, avec deux candidats en lice : l’avocate Aissata Tall Sall, 56 ans, députée et maire de Podor (Nord) ; et l’inamovible Ousmane Tanor Dieng, 67 ans, qui dirige le PS depuis 1996. La décision annoncée par Khalifa Sall a provoqué l’incompréhension jusque dans les rangs socialistes. D’abord parce que la méthode avait de quoi surprendre.

C’est en effet par le biais de la Radio municipale de Dakar qu’un communiqué annonçant l’éviction d’Aissata Tall Sall – « dans l’intérêt supérieur du parti socialiste » – a été rendu public jeudi soir, peu avant le bouclage des quotidiens. Un premier acte qui allait laisser la place à une véritable cacophonie jusque tard dans la nuit. Un peu après 22 heures, un deuxième communiqué était en effet diffusé par Aissata Tall Sall : « Je prends acte de cette décision qui en aucune façon ne saurait être prise pour un désistement de ma part », faisait savoir la maire de Podor.

Puis, quelques minutes après minuit, un nouveau communiqué du parti socialiste, signé cette fois du ministre Serigne Mbaye Thiam, secrétaire national aux élections et aux affaires juridiques, annonçait que « le retrait ou non d’une candidature n’a aucune incidence sur le déroulement du processus […]. En conséquence, le calendrier des réunions des commissions administratives et le vote à bulletin secret se poursuivent dans toutes les coordinations ». Une mise au point pas franchement de nature à clarifier la situation, les uns l’interprétant comme une confirmation et les autres comme un désaveu de la déclaration de Khalifa Sall.
Embarras

Vendredi, le CNPE se réunissait au siège du parti socialiste. Allait-on enfin obtenir des réponses aux principales questions en suspend : pour quelles raisons le processus électoral a-t-il été interrompu de manière abrupte ? en quoi « l’intérêt supérieur du parti » était-il menacé ? pourquoi est-ce la candidature d’Aissata Tall Sall qui a été écartée et non celle de son adversaire ? en vertu de quel processus interne cette décision a-t-elle été prise ?…

Au sortir de la réunion, l’embarras était palpable parmi les cadres socialistes présents sur les lieux. Face aux rares journalistes présents, Khalifa Sall a systématiquement botté en touche, renvoyant les intéressés aux communiqués publiés la veille et aux circulaires internes.

Selon le maire, « le premier mode de décision dans le parti, c’est le consensus ». Un concentré de langue de bois qui ne permettait pas de savoir pourquoi le consensus n’avait pas été recherché avant de lancer l’élection du nouveau secrétaire général, au risque de donner l’impression d’un sabotage démocratique ? Après le départ de Khalifa Sall, l’incompréhension régnait parmi les quelques socialistes présents, incapables d’expliquer les tenants et aboutissants de l’affaire et livrant des interprétations invérifiables et mutuellement contradictoires.

Seule précision d’importance fournie par Khalifa Sall, Aissata Tall Sall aurait donné son accord préalable à un retrait de sa candidature. Selon nos informations, le maire de Dakar, accompagné d’un membre du bureau politique proche de la maire de Podor, serait en effet allé à la rencontre de sa « camarade », laquelle aurait d’elle-même pris la décision de se retirer de la course dans l’intérêt du parti. Un scénario qui semble pourtant contredit par le communiqué que celle-ci à diffusé jeudi soir. Mais pour l’heure, Aissata Tall Sall et Ousmane Tanor Dieng observant un strict silence radio, il est bien difficile de comprendre ce qui s’est joué entre le 24 et le 29 mai, et qui en tire profit.

Au final, une ambiance poisseuse régnait au parti socialiste à la veille de la désignation de son nouveau leader, entre accusations de putsch préventif d’un côté et déclarations rassurantes mais embrouillées de l’autre. D’autant que dans certaines coordinations, le vote se poursuivait comme si de rien n’était, avec deux bulletins concurrents.

Jeune Afrique

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