Me Abdoulaye Wade : « Mbaye Diack, un exemple de probité, de courage frisant la témérité a disparu »

«C’est un jour de l’époque de Senghor que je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une conférence de la LD/MPT, un soir à Soumbédioune.

Je fus particulièrement impressionné par son intervention logique et pertinente. On sentait l’impact sur lui de la rigueur marxiste. Je regrettai déjà qu’il ne fût pas avec moi. Je l’aurais formé avec les autres jeunes et nul doute, pour moi, qu’il aurait été parmi mes plus proches compagnons. J’appris par la suite, qu’il enseignait les mathématiques, ce qui me confortait dans mon impression de jeune homme logique et rigoureux.

Je pris contact avec lui, mais ne réussis pas, malgré nos longues conversations, à le départir de la gangue marxiste dont on ne pouvait jamais se débarrasser, une fois qu’on était pris dans la glu.

Nous conservâmes d’excellentes relations, lui me considérant comme son grand frère et moi, comme mon petit frère. Il fut pour beaucoup dans le rapprochement PDS/LD, Abdoulaye Bathily/Abdoulaye Wade.

En dépit de nos appartenances idéologiques opposées, nous devînmes des amis. A telle enseigne qu’on se demandait  pourquoi on était dans deux partis différents. Le mimétisme de transmission automatique des idéologies occidentales, lorsque nous revenions d’Europe, avait fait beaucoup de mal, en nous divisant profondément, en nous haïssant même, bourgeoisie contre capitalisme, alors qu’en réalité, nous n’étions ni l’un ni l’autre. Nous étions tout simplement aliénés.

Nous nous retrouvâmes cependant, compagnons de lutte pendant des années et partageâmes souvent les geôles du pouvoir. Tout ceci nous rapprochait et nous fit comprendre qu’au fond, nous avions les mêmes adversaires.

Lorsque je fus absent du Sénégal pour assez longtemps, Abdoulaye Bathily était le seul à s’opposer à toute prise de décision importante, ‘’tant que Wade n’est pas là’’, disait-il. A mon retour, je fus reçu par une foule de plus de 2 millions de personnes de l’aéroport à la Permanence du PDS. J’aurais pu prendre le pouvoir, si j’étais tant soit peu putschiste. Mais mes convictions libérales m’éloignaient de tout pouvoir qui ne sortît des urnes.

Par la suite, nous nous retrouvâmes dans un même Gouvernement Diouf, grâce aux assurances que je ne cessais de donner à ce dernier que les marxistes sont, il est vrai, durs et rigoureux, mais ce sont de vrais patriotes, dont on pouvait craindre des manifestations, mais pas des coups d’Etat. Et puis, personne ne pouvait troubler la situation par des manifestations, si le PDS n’était pas dans le coup. Comme avait dit un jour, Senghor, à ses pairs qui, à Niamey, à l’occasion d’un sommet, s’étonnaient qu’il pût s’éloigner aussi longtemps à une époque où, dès qu’un chef d’Etat tournait le dos, les militaires prenaient le pouvoir : ‘’Chez moi, leur a dit Senghor, lorsque je m’absente, c’est Wade qui gère le mécontentement.’’

Abdoulaye Bathily, Mbaye Diack et Amath Dansokho se sont retrouvés dans mon Gouvernement et nous avons travaillé, du mieux que nous pûmes, pour notre pays, sans surtout chercher à nous enrichir.

Quand, suite à des divergences dans la gestion du pouvoir, la LD/MPT a quitté mon gouvernement, Mbaye Diack est resté et a travaillé jusqu’au bout avec moi au Secrétariat Général de la présidence.

Il avait même créé un parti (UFPE), très proche du Pds, membre de la CAP 21 et tenu à garder son idéologie.

Lorsque j’ai perdu le pouvoir, son parti a adhéré au FPDR, front dont je fut le Président. Même malade, Mbaye Diack faisait tout pour participer aux réunions du front. Il avait été particulièrement visible dans la bataille pour la libération de Karim Wade et avait, avec mon épouse, des relations cordiales tissées au cours des batailles d’avant 2000.

Durant tout ce temps, Abdoulaye Bathily, Mbaye Diack et moi, avons conservé nos relations d’amitié et de fraternité et j’ai toujours rêvé qu’un jour,  un après-Macky nous fasse nous retrouver…

Mbaye Diack est parti. Un grand patriote a disparu en laissant une petite famille. Que celle-ci comprenne qu’elle est maintenant ma famille et que je suis prêt à partager ses soucis. Mbaye Diack, un exemple de probité, de courage frisant la témérité a disparu. Que Dieu l’accueille en son paradis.

Qu’il serve d’exemple et de repère à notre jeunesse.»

Abdoulaye Wade

5 COMMENTAIRES
  • Penda Seck Dieng

    Merci bcp Me Abdoulaye Wade pour le témoignage.

  • Tonton Zee

    Merci président Wade de votre bel témoignage. Qu’Allah vous accorde une très longue vie . Vous avez inventé les autoroutes à péage. Les ponts …Et le président macky est sur vos pas.. Merci père Wade.

  • Sambaniakoul Gaye

    Merci , merci, merci monsieur le Président.

  • Mayou

    Beau témoignage
    Gorgui bilay ya BAKH
    Doundeul way????❤

  • Ameth Kane

    Son Excellence, Monsieur le President,vous nous avez laissé comprendre qu’un grand Coeur doit toujours transformer son passé en beaux souvenirs afin de pardonner. Me vous avez, une fois de plus, fait preuve de grandeur. Vous êtes, la générosité en toute créature, vous êtes l’incarnation de tout esprit de de lois. Me WADE,vous êtes, à la fois, la grandeur et fierté sénégalaise.
    Le feu Mbaye DIACK,un grand homme comme vous venez de souligner; nous prions que Dieu l’accueil à son plus haut paradis,Ainsi-soit-il ! Salamatan.

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