Les mots sont des actes et les actes sont des mots. Regarder quelqu’un du bout de l’œil est un langage, sourire en est un autre, de même que crier, se dépêcher, serrer les lèvres, pleurer, etc. Tout parle en nous, mais le problème, c’est la polysémie des mots et la duplicité dans et par le langage.
Macky Sall : une troublante opération de charme
Macky Sall a davantage fait une opération de charme qu’un discours à la nation. La nation doit être sublimée en cette circonstance, elle doit être apaisée, réconciliée avec elle-même. J’attendais du Président qu’il chante la grandeur de la nation en insistant davantage sur les sacrifices consentis ensemble et les défis que nous devons relever dans un monde de plus en plus impitoyable. Nous sommes sortis d’un hivernage pluvieux avec des inondations qui ne devraient normalement pas avoir lieu au regard des montants prétendument investis pour les éradiquer.
Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Sur le rapport de la cour des comptes, le quasi « silence » du Président n’est pas pour apaiser les Sénégalais. En revanche, je ne suis pas de ceux qui attendaient du Président qu’il se prononce sur la 3e candidature : ce n’était pas le moment. De toute façon la clarté de la Constitution est telle qu’on ne voit pas ce que pourrait encore dire Macky. En plus Macky Sall sait que le plus grand legs politique qu’il peut nous donner, c’est le respect de son serment.
Il ne peut pas nous léguer des infrastructures capables de nous épater. Les gesticulations de ses partisans et les récriminations de ses adversaires ne peuvent pas justifier sa prise de parole là-dessus ; ce serait même trahir l’esprit du discours. L’état de la nation a été par contre très peu servi par le discours de Macky Sall : où en sommes-nous avec le processus de la paix en Casamance ? Rien ou presque sur les graves problèmes de sécurité qui nous empêchent de dormir. Bref, Macky parlait aux Sénégalais, mais sous la forme d’une séance de rattrapage après les grandes désillusions nées de la maltraitance politique qu’il a fait subir à notre démocratie.
Sonko et ses casseroles : quand contester devient tester sa popularité et son bouclier insurrectionnel
Un langage a un contexte, un paratexte. Le contexte désigne l’ensemble des circonstances qui entourent (ou président à) la production d’un texte (acte). La période de l’auteur de l’acte-texte, sa position sociale, sa vie personnelle, les mouvements littéraires, scientifiques ou politiques qui l’ont inspiré. Quant au paratexte, il renvoie à l’introduction (au préambule), à la personnalité de l’auteur et à divers autres renseignements relatifs au texte.
Par ce concert de casseroles, Sonko s’est davantage adressé au juge Maham Diallo qu’à ses militants : « regardez combien les jeunes me suivent malgré mes ennuis judiciaires », « vous êtes donc averti », « j’ai déjà l’immunité populaire », « je suis blanchi par les miens ». Organiser un concert de casserole le 31 décembre, un jour de message de nouvel an communément délivré par le Président, et à la même heure, ce n’est pas une provocation, c’est une déclaration de « guerre ».
Au-delà de la question de savoir qui a tort et qui a raison (de toute façon en politique tout le monde a finalement raison parce qu’ils ont leurs partisans), il y a le message sous-jacent qui est délivré entre les deux parties (émetteur, récepteur). Le langage d’un homme politique est comme une œuvre d’art : l’interprétation qu’on en fait est tributaire de la position politique ou socio-économique qu’on occupe, et à partir de laquelle ont la perçoit.
Kim Jong-Un est un grand stratège en matière de diplomatie par les armes. Il s’adresse constamment aux occidentaux par ses parades militaires rythmées par une batterie de missiles. Savoir faire parler sa force dissuasive est une pratique aussi vieille que la politique et plus ancienne que toutes les Républiques.
* Par Alassane K. KITANE