Loi contre le séparatisme : le texte adopté par le Parlement

Cette fois, c’est la bonne. Le Parlement a mis un point final vendredi au projet de loi de lutte contre le séparatisme, adopté définitivement via un ultime vote de l’Assemblée et vivement critiqué par la gauche comme la droite. Après sept mois d’allers et retours entre le Palais-Bourbon et le Sénat, le texte « Respect des principes de la République », présenté comme un remède à « l’OPA islamiste », a été validé par les députés par 49 voix pour, 19 contre et 5 abstentions. Dans un baroud d’honneur, Jean-Luc Mélenchon a défendu en vain une dernière motion de rejet préalable contre une « loi antirépublicaine » à « vocation antimusulmane », selon lui.

Mais le texte est « de portée générale » et « ne traite pas des rapports avec une seule religion », a assuré le président de la commission spéciale, François de Rugy (LREM). Porté par le ministre Gérald Darmanin, il contient une batterie de mesures sur la neutralité du service public, la lutte contre la haine en ligne, la protection des fonctionnaires et des enseignants, l’encadrement de l’instruction en famille, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence des cultes et de leur financement, et encore la lutte contre les certificats de virginité, la polygamie ou les mariages forcés.

 

« Faire reculer les islamistes »
Les députés LFI, PCF, PS et LR ont voté contre, pour des raisons différentes. Les socialistes, notamment, y voient un « rendez-vous manqué avec la République » et une marque de « défiance à l’égard des associations », quand la droite le résume à « une addition de mesurettes » sans « ambition » pour « faire reculer les islamistes ». Droite et gauche s’accordent cependant sur les risques pour la liberté d’association, qui motivent des recours respectifs auprès du Conseil constitutionnel.

Seuls les trois groupes du bloc majoritaire, LREM et ses partenaires MoDem et Agir, se sont prononcés pour. Isabelle Florennes (MoDem) a toutefois exprimé « quelques bémols », déplorant l’absence finale de mesures sur la neutralité au sein des bureaux de vote ou dans les universités. Le RN s’est abstenu, comme les élus du groupe Libertés et territoires et également deux Marcheuses de l’aile gauche, Sonia Krimi et Sandrine Mörch. Cette adoption est intervenue après celle jeudi du projet de loi « prévention d’actes de terrorisme et renseignement », qui prévoit la pérennisation dans le droit commun de dispositifs issus de l’état d’urgence expérimentés depuis 2017 via la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt).

 

Nombreux mécontentements
Pour le gouvernement, les deux textes régaliens s’articulent comme une double lame face à la « menace ». De nouvelles « lois liberticides » qui participent à « l’emballement sécuritaire », dénoncent avec force les défenseurs des libertés publiques. Au Palais-Bourbon, la majorité a recentré un texte fortement droitisé par le Sénat avec des mesures contre le port du voile ou renforçant la « neutralité » à l’université. Les sénateurs avaient également assoupli les règles de l’instruction à domicile. L’ultime échange à la Haute Assemblée dominée par l’opposition de droite s’est soldé mardi par l’adoption d’une motion de rejet des rapporteuses Jacqueline Eustache-Brinio (LR) et Dominique Vérien (centriste), par 205 voix contre 115.

 

Les rapporteuses ont regretté que « la majorité des députés n’entende pas trouver avec le Sénat le moyen de progresser sur les sujets graves que sont la neutralité de l’État, la laïcité et le vivre ensemble ». Rapporteur général du projet de la loi à l’Assemblée, Florent Boudié (LREM) avait, lui, dénoncé « l’obsession pathologique » des sénateurs sur la question sensible du voile. Le projet de loi s’attaque par petites touches aux équilibres de la loi de 1905, aux libertés de culte, d’association et d’enseignement. Société civile, associations, certains cultes : les mécontentements se sont multipliés sans jamais s’agréger. Et les aléas de la crise sanitaire ont relégué au second plan les débats.

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Pour son adoption définitive, retardée de 24 heures en raison du nouveau projet de loi anti-Covid, le texte est encore éclipsé par le pass sanitaire et l’explosion de contaminations liées au variant Delta. Le texte a cependant fait l’objet de vives attaques de la part de certains dirigeants et mouvements islamistes à travers le monde, en particulier la Turquie de Recep Tayyip Erdogan, provoquant au milieu d’autres frictions géopolitiques des mois de tensions entre Paris et Ankara.

Le Point

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