Afrique: Quand les vaches d’un ancien président créent la polémique

A Madagascar, la mort d’une vache laitière appartenant à l’ancien président malgache, Marc Ravalomanana, a déclenché la polémique. Depuis plus de deux semaines, cette histoire inonde les réseaux sociaux et fait les gros titres de la presse nationale.
Une vache morte couchée sur le flanc dans un enclos. Un peu plus loin, ses congénères broutent paisiblement l’herbe d’un champ. Depuis le 6 mars à Madagascar, la photo fait le tour des réseaux sociaux. L’animal serait mort de faim et de soif trois jours plus tôt. C’est en tout cas ce qu’affirment le directeur général de la société Triple A-Tiko, Lanto Rabenatoandro, et les partisans de Marc Ravalomanana, l’ancien président malgache entre 2002 et 2009.

Sa mort serait survenue après la décision des autorités locales de la ville d’Antsirabe de sceller et souder les portails de l’usine. « Depuis le 12 octobre, l’usine a dû cesser ses activités après un arrêté émanant du ministère de l’Environnement et de celui de l’Industrie ordonnant la fermeture de l’usine. Mais le 1er mars, le préfet d’Antsirabe a interdit l’accès des véhicules pour nourrir les vaches », explique l’avocat de la société Triple A-Tiko, Me Eloi Ratefimahefamijoro. Sur place, les forces de l’ordre gardent les entrées de l’usine. Les 900 employés se retrouvent au chômage technique.

Sur Facebook, les commentaires fusent : « Le pouvoir tue des animaux sans défense, tout cela pour couper les revenus de Marc Ravalomanana », « Pauvre bête. Les animaux n’ont pas à souffrir des querelles politiques », « C’est vraiment honteux de laisser mourir de faim et de soif des animaux », peut-on lire sous les photos de la vache morte.

Pour les autorités, la fermeture de l’usine est un acte purement administratif : la société n’a pas de permis environnemental. « Un document obligatoire pour toute industrie », explique la ministre de l’Environnement, Johanita Ndahimananjara. « Nous avons demandé à la société de faire ce permis environnemental depuis décembre 2016. Nous n’avons pas eu de réponse », poursuit-elle.

Derrière cette décision administrative, les partisans de Marc Ravalomanana et une partie de l’opinion publique voient une décision politique : nuire à l’ancien chef de l’Etat qui souhaite se présenter à l’élection présidentielle qui doit avoir lieu cette année en coupant ses sources de revenus. « Il y a beaucoup d’industries agroalimentaires qui n’ont pas encore ces permis environnementaux et qui fonctionnent toujours », fait remarquer le directeur général de Triple A–Tiko, Lanto Rabenatoandro, qui précise que tous les dossiers pour obtenir ce permis environnemental ont été déposés auprès des responsables des ministères concernés.

« Manipulation de l’opinion »

Pour Nalisoa Andriatomponera, la préfète du Vakinankaratra, région où se situe l’usine, cette affaire est une intox venant du camp Ravalomanana : « Cette histoire est une manipulation de l’opinion et je suis vraiment navrée de la tournure qu’a pris la situation », explique-t-elle.

« Le 1er mars nous avons interdit l’accès à la ferme aux véhicules mais la porte n’a jamais été soudée. Ce sont uniquement les portails de la partie usine qui l’ont été », assure la préfète. La nourriture pouvait donc être acheminée manuellement. La vache morte a été incinérée par le personnel de l’usine et aucun test n’a été effectué pour savoir de quoi l’animal est décédé. Selon l’avocat de l’usine Triple A-Tiko, une deuxième vache est morte de faim.

Fin communiquant, Marc Ravalomanana a-t-il monté cette histoire pour attirer la sympathie de la population et se placer en victime ? La question reste en suspens mais elle anime toujours les Malgaches. Quoi qu’il en soit, le sort des vaches de l’ancien président a même suscité l’inquiétude de l’ambassadeur des Etats-Unis, pays qui soutient de longue date Marc Ravalomanana. Dans un message sur Facebook publié le vendredi 9 mars, Robert Yamate est intervenu pour demander au préfet de la région de « mettre fin au déni d’accès du bétail à la nourriture et à l’eau, leur causant ainsi une misère et un mal injustifiés ».

Cette prise de parole inattendue n’a pas du tout été appréciée par le ministre malgache des Affaires étrangères. Henri Rabary-Njaka a convoqué l’ambassadeur des Etats-Unis lundi 12 mars. « On est un pays souverain. Il est inadmissible qu’un représentant d’un grand pays se permette de remettre en cause un tribunal malgache », a-t-il fait savoir. Évitant de peu l’incident diplomatique, Robert Yamate a présenté ses excuses.

Malgré cet accrochage, vendredi 9 mars, à 13h, l’accès de la ferme aux véhicules était rétabli et les 169 vaches de l’ancien président nourries. « Est-ce qu’on a toujours besoin d’une intervention d’un pays étranger pour trouver une solution à Madagascar ? », s’interroge Me Eloi Ratefimahefamijoro.

« Cette décision n’a rien avoir avec la déclaration de l’ambassadeur », rétorque la préfète du Vakinankaratra qui précise que celle-ci a été prise avant la publication Facebook du représentant des Etats-Unis à Madagascar. Les autres portails de l’usine, eux, restent scellés.

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