Projet de révision constitutionnelle ou coup d’Etat constitutionnel ? Par Cheikh Sadibou DOUCOURE

Projet de révision constitutionnelle ou coup d’Etat constitutionnel ? Par   Cheikh Sadibou DOUCOURE

La publication  de l’intégralité du projet de révision de la constitution laisse apparaitre des incohérences qui frisent l’hérésie ou l’impertinence.  Pour éviter de tomber sous le coup d’un jugement vicié  par une quelconque reproduction biaisée ou tronquée,  nous avons pris la précaution de  visiter  le site du gouvernement pour vérifier l’exactitude, l’authenticité et la conformité  du texte publié  par certains journaux de la place. Le constat confirme une reproduction conforme. Les incohérences relevées sur le présent projet de révision constitutionnelle ont été, donc,  corroborées par cette vérification substantielle.

Nous ne reviendrons pas sur le débat suscité par  la réduction de la  durée du mandat présidentiel en cours, pour laquelle nous avons déjà donné notre  point de vue, au travers d’une contribution intitulée « Promesse de réduction de la durée du mandat présidentiel ou l’autorité de la parole donnée ». Cependant, nous attendons de voir, comme beaucoup de sénégalais, l’effectivité de sa matérialisation. Nous nous interdisons, en outre, de lui consacrer  le moindre commentaire supplémentaire, malgré l’entrée en lice des constitutionnalistes. Nous préférons partager la posture d’un certain journal dont les responsables attendent la décision des 5 sages du conseil constitutionnel. Détiendraient-ils des informations qui leur permettent de ne pas s’enthousiasmer comme ceux parmi  leurs confrères qui annoncent la fin du débat ? Même si, par ailleurs, il n’est point besoin d’être devin pour présager que le  débat est simplement suspendu et qu’il va se poursuivre  après l’avis du conseil constitutionnel (…). Quelque soit la nature de l’avis motivé.

Aussi est-il important de rappeler, avec force, l’impérieuse nécessité, comme disait l’éminent juriste, Maitre Doudou Ndoye, « de faire une constitution à la seule mesure de la Nation ». Dès lors, la solution ne devrait pas découler « d’un coup d’état constitutionnel », encore moins d’une constitution taillée sur mesure ou de règlement de compte. Les incohérences qui émaillent le présent  projet de révision constitutionnelle ne rassurent point, à cet égard.

Nous  pouvons retenir parmi celles-ci :

Sur la forme :

  • L’exposé des motifs, comme son nom l’indique, est le condensé des motifs de l’opportunité et de la légalité du  projet de révision constitutionnelle. Il doit donc faire l’économie de celui-ci ; ce qui n’est pas le cas. Il est exhaustif et très long. Les rédacteurs du projet lui ont consacré plus d’intérêt au détriment du projet de texte. Par ailleurs, les dix titres  annoncés dans l’exposé des motifs ne sont pas pour autant  visibles dans le  projet  de révision constitutionnelle.
  • Le choix méthodologique de mettre des articles sous des articles pour indiquer qu’ils font l’objet de modification ou de remplacement ne parait pas   Le procédé consacré, en la matière, invite à  mentionner l’article considéré suivi du qualificatif « nouveau ».  A titre d’exemple au lieu de, comme il est mentionné dans le texte : « Article premier : L’article 4 de  la constitution est remplacé par les dispositions suivantes », il est plus simple de mettre : « Article 4 nouveau ».

             Sur le fond :

  • Article 27, alinéa 2 nouveau dispose : « Cette disposition s’applique au mandat en cours». La disposition susvisée devrait figurer dans les dispositions transitoires, étant entendu qu’elle va disparaitre de facto avec la fin du mandat en cours, après l’adoption de la constitution comme telle.
  • Article 89, alinéa 2 nouveau dispose : « Le président de la république nomme les membres du conseil constitutionnel dont deux sur une liste de quatre personnalités proposées par le président de l’assemblée nationale».  L’évidence montre que le choix définitif et la nomination des deux (02) personnalités parmi les quatre (04) revient aussi  au président de la république. Dés lors, il est clair de constater que c’est le président de la république qui choisit et nomme les sept (07) membres. La proposition, en l’espèce, du président de l’assemblée, est purement formelle ; il peut ne pas savoir  les deux (02) personnalités qui seront retenues, en déposant sa liste.

Ces incohérences montrent, du reste, que le président de la république ne tient pas un orfèvre en son conseiller juridique attitré. Le débat doctrinal auquel l’ont convié ses pairs est plus qu’édifiant.

La grande question qu’on peut aussi se poser, en substance, pour conclure : Le secrétariat général du gouvernement joue-t-il  pleinement son rôle d’examen et de correction, le cas échéant, des actes majeurs élaborés par les différents services de l’Etat ?

Nous souhaitons vivement avoir une « constitution à la  mesure de la Nation».

Cheikh Sadibou Doucouré

Spécialiste des droits de l’homme

et des questions pénitentiaires

e-mail : doucourec111@yahoo.fr

 

 

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