Le paysage politique sénégalais est actuellement secoué par une initiative parlementaire rare visant à renverser le gouvernement dirigé par Ousmane Sonko. Le 2 septembre 2024, Abdou Mbow, président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (BBY), a annoncé le dépôt imminent d’une motion de censure contre le gouvernement. Cette procédure, rarissime dans l’histoire politique récente du Sénégal, est enclenchée pour protester contre ce que l’opposition considère comme une incapacité du gouvernement à gouverner efficacement, notamment en raison du manque de respect envers les institutions étatiques.
Une procédure constitutionnelle encadrée
La motion de censure est régie par l’article 86 de la Constitution sénégalaise. Ce texte stipule que l’Assemblée nationale peut exiger la démission du gouvernement si une motion, signée par au moins un dixième des députés, est adoptée par la majorité absolue. Cette motion doit être examinée au plus tard 48 heures après son dépôt. Si elle est approuvée, le Premier ministre est tenu de remettre la démission de son gouvernement au président de la République. Toutefois, si elle est rejetée, le gouvernement reste en place, renforçant ainsi potentiellement sa légitimité face à l’opposition.
Ce cadre juridique est particulièrement important dans le contexte actuel, où l’opposition parlementaire tente de bloquer les initiatives du gouvernement et où la gestion politique du président Diomaye Faye est vivement critiquée.
Les tensions autour de la gestion gouvernementale
Les désaccords entre les camps politiques ne sont pas nouveaux, mais ils atteignent aujourd’hui un niveau de tension rarement observé. Lors d’une session parlementaire récente, le projet de suppression du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été rejeté de justesse par un vote serré : 83 députés contre 80. Ce résultat montre la fragilité de la majorité gouvernementale, et le même seuil de 83 voix sera nécessaire pour faire adopter la motion de censure.
Dans ce contexte, l’opposition espère rallier toutes les voix possibles de son camp. Si un seul député venait à manquer lors du vote, l’initiative pourrait échouer et renforcer la position du gouvernement Sonko.
Scénarios possibles : instabilité ou renforcement
Deux issues principales se dessinent pour le Sénégal à l’issue de ce processus. Si la motion de censure est adoptée, le gouvernement d’Ousmane Sonko sera contraint de démissionner immédiatement, ce qui entraînera la nomination d’un nouveau Premier ministre par le président Bassirou Diomaye Faye, il peut également conduire le même gouvernement sans en modifier aucun poste. Cette décision pourrait plonger le pays dans une période d’incertitude, marquée par de possibles élections législatives anticipées et une instabilité politique accrue.
À l’inverse, si la motion échoue, le gouvernement en place pourrait sortir renforcé de cet épisode. Cependant, les tensions entre le pouvoir et l’opposition risquent de perdurer, augmentant les risques d’un blocage institutionnel à long terme.
Le risque de paralysie politique
Un scénario de paralysie pourrait émerger si l’opposition continue de bloquer systématiquement les initiatives gouvernementales sans réussir à renverser le gouvernement. Dans ce cas, l’article 87 de la Constitution permet au président de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer de nouvelles élections. Cependant, cette option est actuellement limitée par la législation : le président ne peut dissoudre l’Assemblée que si elle a siégé au moins deux ans.
Le mandat actuel de l’Assemblée nationale n’ayant pas encore atteint cette échéance, le président Bassirou Diomaye Faye devra attendre le 12 septembre 2024 avant de pouvoir envisager une dissolution. C’est donc dans une fenêtre de huit jours que l’opposition devra tenter de faire voter cette motion de censure.
Une période décisive pour le Sénégal
Les jours à venir seront cruciaux pour l’avenir politique du Sénégal. Le gouvernement d’Ousmane Sonko pourrait être renversé par un vote parlementaire.
Au Sénégal, il est généralement observé que le président élu bénéficie d’une majorité parlementaire, permettant une gouvernance plus fluide. Historiquement, même lorsqu’un nouveau président est élu, la majorité parlementaire issue de l’ancien régime reste en place jusqu’à l’organisation de nouvelles élections législatives, généralement dans un climat de sérénité. Cependant, la situation actuelle au Sénégal est inédite : l’opposition semble déterminée à empêcher le nouveau gouvernement de mettre en œuvre sa politique, allant jusqu’à envisager une motion de censure pour le renverser.
Le 12 septembre, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, pourrait disposer de deux raisons légitimes pour dissoudre l’Assemblée nationale. D’une part, il fait face à une situation de blocage institutionnel. D’autre part, l’opposition parlementaire l’empêche de mettre en œuvre les réformes pour lesquelles il a été élu lors de l’élection présidentielle du 24 mars 2024.