« Les risques de l’engagement politique: Au camarade Ousmane Sonko »

Idrissa Seck

L’Égypte est la patrie par excellence de la violence, le pays des plaies béantes des injustices les plus cruelles. Elle est le haut lieu de l’esclavage et de l’oppression, des travailleurs asservis et des tribus à la solde d’un homme au pouvoir absolu. C’est le pays de la négation de la vie, car les garçons y sont enterrés vivants. En Égypte, le Pharaon s’est donné un pouvoir divin ; il donne la vie et ôte la vie à qui il veut. Les Hébreux sont réduits à des esclaves à la merci de ses désirs les plus obscurs.

L’Égypte est une histoire qui nous est racontée dans le Coran et l’Ancien Testament. C’est aussi une métaphore qui désigne tout système bâti sur l’oppression et la domination, la violence et la corruption. Historiquement, c’est la monarchie corrompue d’Israël face à ses prophètes, le royaume de Judée devant Jésus, le pouvoir tyrannique de La Mecque vis-à-vis du prophète Mahomet. La même dialectique symbolise aussi le pouvoir de l’Empire romain face aux chrétiens persécutés, la cité corrompue d’Athènes contre Socrate, l’empire colonial face aux peuples colonisés, l’Amérique esclavagiste face à John Brown. Et encore, cette même logique prévaut quand le capitalisme fait face aux travailleurs opprimés et exploités ou quand la tyrannie fait face aux hommes et femmes qui luttent pour la liberté et la dignité, la justice et la démocratie.

Ainsi, l’Égypte manifeste toujours sa face hideuse avec la violence qu’elle exerce sur les humiliés, les persécutés et les dominés. Elle représente toutes les terres où règnent l’injustice, l’inégalité et l’iniquité. Elle est le visage de tout système totalitaire où un pouvoir corrompu réduit le peuple à l’esclavage et à la servitude. C’est un ordre politique oppressif fondé sur la domination, l’exclusion et l’oppression.

Cependant, quelle qu’en soit la durée, il y aura tôt ou tard des gens de volonté qui, tenant à la dignité humaine, se rebelleront pour mettre fin à la souffrance des opprimés. C’est pourquoi, bien que l’Égypte soit une société cruelle qui ensevelit ses propres enfants, un garçon échappe à la violence du Pharaon. Son nom est Moïse : le révolté des quartiers populaires et pauvres. Moïse matérialise la résistance face à la toute-puissance du Pharaon. Sans armées et sans moyens, il se dresse contre la force aveugle et brutale pour dénoncer les conditions misérables du peuple hébreu. Mais le changement a un coût, et ceux qui s’engagent dans la voie de la justice en paient souvent le prix. Moïse sera expulsé du palais royal et condamné à quitter l’Égypte pour s’installer dans le désert afin de sauver sa vie. Toutefois, l’exilé abandonnera la tranquillité et la sécurité du désert pour revenir en Égypte dans le but de libérer son peuple enchaîné dans les prisons du Pharaon. La décision de revenir en Égypte est une aventure à haut risque. Moïse expose sa propre vie, celle de sa famille et de ses proches pour la liberté des opprimés. L’homme a reçu un appel qui lui enjoint de retourner auprès de son peuple.

La politique est une vocation : un appel intérieur qui commande de se mettre au service du peuple (les pauvres, les opprimés et les persécutés). Moïse est la voix des pauvres contre la force aveugle du Pharaon : sa mission est de briser les chaînes de la servitude. Cette grande leçon de vie nous enseigne que la liberté peut coûter la vie à ses défenseurs. Toute personne qui s’attaque à l’Égypte fait face à la toute-puissance du Pharaon et s’expose dangereusement à ses courroux. Ceux qui s’engagent en politique et nourrissent une révolution contre un ordre politique injuste et inégalitaire courent de grands dangers : ils risquent l’exil, la prison, la calomnie, la persécution, la solitude et la torture.

Mais l’homme politique qui remplit sa fonction comme un sacerdoce affronte les dangers sans trembler. Il est prêt à se sacrifier pour défendre la dignité humaine, car donner sa vie pour la libération de son peuple est la manifestation du plus grand acte d’amour. Ainsi, tout au long de l’histoire, les détenteurs de pouvoir absolu se sont montrés féroces et cruels à l’endroit de ceux qui résistent à l’oppression. Les félons ne reculent devant aucune honte pour maintenir le peuple dans la domination et la violence. Ils tuent des innocents, envoient des victimes à l’exil et emprisonnent des résistants.

En vérité, l’Égypte est la cathédrale de la violence et de l’injustice. Moïse représente la lumière de la libération. Ainsi, la lutte qui oppose Moïse à l’Égypte est celle de l’esprit contre la force, de l’égalité contre la domination, de la volonté contre la fatalité, de la liberté contre la servitude. La victoire de Moïse sur le Pharaon est celle de l’intelligence sur la force brutale, de la justice sur la violence. Elle rappelle aussi la lutte de David contre Goliath.

La sortie d’Égypte est un processus révolutionnaire de libération pour une patrie nouvelle, c’est-à-dire la construction de nouvelles institutions afin de permettre aux esclaves de recouvrer leur dignité. Le passage par le désert des esclaves est un mouvement de libération avec ses tensions, ses inquiétudes et ses embuches. Le chemin qui mène vers la Terre promise est parsemé d’obstacles. Dans le désert, souvent, le peuple se révolte contre Moïse et préfère même retourner en Égypte. La servitude est plus confortable à l’épreuve de la libération, car l’esclave nouvellement libéré souhaite retourner à la maison du maître. Les chemins de la liberté sont toujours difficiles à parcourir.

L’histoire nous enseigne que les peuples opprimés ont toujours la force de briser les chaînes de la servitude. Lorsqu’ils s’organisent et osent, ils gagnent leur propre libération et leur dignité propre. C’est pourquoi les esclaves d’Égypte qui ont affronté la toute-puissance du Pharaon restent une source d’inspiration inépuisable pour tous ceux qui luttent pour la dignité et la liberté, la démocratie et la justice. Aujourd’hui comme par le passé, les humiliés luttent pour leur liberté et pour la vie, tandis que les oppresseurs se battent pour conserver leur domination sur les pauvres et les opprimés. Ils ont compris que le destin de tout ordre injuste et inégalitaire est de s’écrouler inévitablement, et nous devons tous être conscients de cela et faire partie de ceux qui luttent pour briser les chaînes de la servitude.

Mais nous devons garder à l’esprit que les hommes et les femmes engagés dans la lutte pour la liberté et la dignité subissent la violence de la tyrannie. Ils laissent leur jeunesse, leur santé et leur vie dans cette entreprise de libération. Comme des météores, ils acceptent de se brûler pour éclairer leur siècle. Des noms héroïques défilent sur le cadran de l’histoire : Salvador Allende, Nelson Mandela, Abraham Lincoln, Umar ibn Abd al-Azîz, Che Guevara, Martin L. King, Patrice Lumumba, Thomas Sankara, Ruben Um Nyobe et Mamadou Dia. Ils ont consenti des sacrifices surhumains et payé un lourd tribut pour la dignité de leur peuple. Aujourd’hui, ces hommes sont les maîtres qui inspirent la jeunesse des patries nouvelles, ils sont célébrés à jamais comme les éclaireurs d’une conscience nouvelle. Le souvenir de ces héros de l’espoir est conservé pieusement dans le grand cœur de la jeunesse universelle.

Pour conclure, tous les gens de volonté qui se rebellent contre l’Égypte et les régimes tyranniques qui lui ressemblent, c’est-à-dire contre l’ordre injuste et inégalitaire, sont en sursis. Mais chaque épreuve apporte plus de détermination et de foi dans leur lutte acharnée contre l’oppression et la domination.

Que les tyrans et oppresseurs comprennent que la dignité du peuple, celle de ses héros et martyrs, n’est pas matière à commerce !

* Dr Babacar DIOP, Leader du Fds-Les Guelwaars
De la Maison d’arrêt de Rebeuss, le 14 décembre 2019

9 COMMENTAIRES
  • Malick Diallo

    cher babacar bien dit ont meur une fois pas deux fois il lont fait a mamadou Dia il croit que ces la meme chose pres a mourir des vraies martyrs seule la verite trionpheras ont meurt une fois pas deux fois vive le senegal .

  • Paps

    Wow quelle belle plume. Rien aajouter!

  • Deug rek

    Bayilene leep yi on parle d une affaire de mœurs entre 2 citoyens égaux devant la Loi: Sonko reconnaît y être allé aux jours et heures mentionnés par la partie plaignante ngay andi Mandela ak nienene di tawwi!
    Pas d amalgame,politicien eupoul droits simple citoyen,et la plainte doit être instruite pour rechercher ou se trouve la vérité

  • phata

    en résumé lo beug wakh j ai pas eu le temps de lire ton texte ??

  • Quintessence

    He oui j’ pas lu le texte trop onéreux il parle de néolithique Égypte ancienne et l’ère Méroé je ne me retrouve plus .Mr le professeur soit conci svp

  • Le sénégalais

    Quel est ce galimatias de désespéré ?
    Quel rapport entre la tyrannie dans l’Egypte antique et les résistances anti coloniales ou anti néocoloniales de certains leaders patriotes ?
    Le problème de Sonko est un problème de droit commun .
    S’il y a dictature ou manque de démocratie ou de liberté c’est possible mais pas sur ce dossier où Sonko s’est livré pieds et poings liés

  • Assane

    Ceux qui demandent un résumé montrent que le sérieux ne les intéresse pas. Ceux qui ne voient pas de rapports entre l’Égypte en tant que symbole de violence et d’injustice et les résistances patriotiques manquent simplement de science.
    Le texte est concis et clair pour toute personne éclairée.

    • Djibson

      Saa waay, fii il est surtout question de l’Égypte telle que racontée par des textes religieux ( Bible et Coran), c’est pas l’Égypte en tant que telle. Il n y a rien d’historique ici. Moom sakh, il évoque une parabole. Waaye souci bi, moy daniouy faatte que parabole au vérité historique c’est pas pareil.

  • Mboup

    Le texte est , à mon avis , bien écrit et les héros qui y sont cités méritent respect et reconnaissance . Toutefois je ne vois pas de rapport avec l affaire.  » Ousmane Sonko- Adja Sarr «  » qui convoque une question de mœurs impliquant deux personnes

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