« Cours constitutionnelle, suprême, procureurs ont dégradé l’image de la justice… » Manifeste 4 universitaires

Quatre professeurs d’université ont cosigné, mardi 28 février, un manifeste pour mettre à l’endroit la justice sénégalaise. El Hadj Samba Ndiaye, Sidy Anta Ndiaye, Abdou Aziz Diouf et Babacar Niang, les cosignataires, tous agrégés des facultés de droit, jettent un regard froid sur la marche de la justice et les pratiques de certains magistrats. 

L’hyperjudiciarisation de l’espace politique, la défiance des règles les plus banales de la grammaire juridique, la magistrature sénégalaise, plus un appareil au service du pouvoir politique, la banalisation du phénomène carcéral, l’affaire Ousmane Sonko-Mame Mbaye Niang, la surmobilisation du phénomène répressif, ont fini, estiment-ils, de porter un coup à notre justice.

Ces experts, en dernière analyse, invitent aussi les magistrats à réfléchir consciencieusement aux causes de la crise du pouvoir judiciaire et à la défiance du justiciable à son encontre. 

In extenso Le Maanifete

Au nom du peuple, la justice est rendue ! Cette affirmation s’imposant comme une lapalissade dans un Etat démocratique, se trouve présentement très contestée au Sénégal. Une observation des actes d’autorité émanant de l’appareil judiciaire sénégalais (procureurs, juges d’instruction…) autorise à s’interroger sur la conscience des magistrats sénégalais d’être des auxiliaires de la Loi et, par voie de conséquence, du peuple seul souverain. Les rapports de la magistrature à la chose politique (droit constitutionnel, droit électoral, droit pénal…) défient actuellement les règles les plus banales de la grammaire juridique.

L’hyperjudiciarisation de l’espace politique restera un des héritages les plus marquants de la présidence de Macky Sall. Conseil constitutionnel, Cour suprême, procureurs… ont fortement contribué, cette dernière décennie, à dégrader l’image de la justice dans l’imaginaire des Sénégalais. L’existence d’un pouvoir judiciaire au Sénégal malgré son inscription constitutionnelle, déjà très contestable du point de vue de la théorie juridique, l’est aujourd’hui davantage sous l’angle de sa prégnance sociologique.

L’histoire de la magistrature sénégalaise révèle que cette dernière est plus un appareil au service du pouvoir politique qu’une institution dévouée à sa société. La banalisation du phénomène carcéral par le Parquet est suffisamment illustrative aujourd’hui du grossissement de l’Etat-policier. Lorsqu’un emoji ou une dérision (Ousmane Diagne), une sensibilisation des populations pour une inscription sur les listes électorales (militants Pastef de Diourbel), une mobilisation de fonds via une plateforme électronique (Hannibal Djim), l’expression d’une hypothèse de meurtre commis sur une personne appartenant aux forces de défense et de sécurité (Fadilou Keïta)… peuvent valoir à leurs auteurs un emprisonnement préventif requis par des procureurs, l’appareil judiciaire se mue en une technologie de contrôle des corps. L’ignorance des travaux de Foucault (Surveiller et punir. Naissance de la prison) par les « parquetiers » est une certitude au Sénégal.

Le recours routinier au carcéral contribue à sa démythification chez les personnes détenues. La prison remplace les supplices dans l’Europe féodale, et ce, pour perpétuer cette volonté du Souverain politique de tracer et de saisir les corps des sujets. Sa fonction dissuasive n’a jamais été attestée sans controverses par la science criminelle. L’usage abusif du carcéral à des fins politiciennes a fini même de faire de la prison, dans le nouvel imaginaire de la jeunesse sénégalaise, un symbole de civisme ou de patriotisme. La sur-mobilisation du phénomène répressif dans l’espace social conduit inéluctablement la magistrature dans une perspective d’instrumentalisation. Seuls les procureurs au Sénégal ignorent que la prison n’intimide plus les populations œuvrant dans des chantiers politiques.

Dans les représentations sociales, la prison n’est plus un lieu exclusivement occupé par les déviants ; elle se transforme progressivement en un espace aussi pour de dignes personnes ayant pour seul tort de se mobiliser pour la justice sociale dans notre pays. Les érudits en sciences juridiques savent pertinemment que l’Institution en Droit procède du mythe. Son discours est de l’ordre du symbolique. Une loi, quelle que puisse être son autorité en elle-même, ne génère pas une Institution juridique. La Justice, dans sa revendication d’une nature institutionnelle, n’est jamais une ontologie. La toge du magistrat, la balance, Thémis, le gavel, la surélévation des bâtiments abritant les lieux de justice… ne sont que des rites et symboles incapables à eux-seuls d’installer chez les citoyens la croyance de l’existence d’une Institution judiciaire.

La magistrature ne devient Institution que lorsque les justiciables sont convaincus que leur devenir, en tant que société humaine, ne saurait se réaliser sans l’entremise d’organes judiciaires. Il serait très difficile de convaincre les Sénégalais de l’existence de fonctions anthropologiques dans les dynamiques contemporaines de la magistrature. L’actuel « contentieux de diffamation » opposant M. Mame Mbaye Niang à M. Ousmane Sonko est topique des dérives de l’appareil judiciaire.

La diffamation se rangeant traditionnellement dans la catégorie des délits privés, il est quasi impossible de constater l’immixtion du parquet dans ce type de contentieux par un alourdissement des charges (injures publiques, faux et usage de faux). Parce qu’elle porte atteinte à l’honorabilité d’une personne, la diffamation intéresse très peu l’intérêt général qu’un procureur est censé défendre.

En validant le postulat selon lequel l’ancien Procureur de la République, en s’introduisant dans ce contentieux purement privé opposant ces deux acteurs politiques, n’a le souci que la défense de l’intérêt de la collectivité, en toute humilité, les auteurs de cette tribune invitent son successeur à s’imprégner des nouvelles tendances de la jurisprudence française en matière de diffamation (Cour de cassation française, 11 mai 2022 et Cour de cassation 24 janvier 2023). Aujourd’hui, les juges français soucieux de pérenniser l’Etat de droit et la justice sociale sont plus enclins à présumer la bonne foi du prévenu lorsque la diffamation repose sur une « base factuelle suffisante » et porte sur un « débat d’intérêt général ».

Ces deux critères s’observent aisément dans ledit contentieux. D’abord, les propos de M. Sonko reposent sur une base factuelle suffisante en ce que l’actuel Premier ministre M. Amadou Ba a évoqué sur un plateau de télévision l’existence supposée d’un tel rapport ou pré-rapport Prodac. En sus de l’évocation dudit document administratif par M. Amadou Ba, M. Birahim Seck du Forum Civil a été l’auteur d’un ouvrage édité chez l’Harmattan mettant en cause directement la gestion problématique de M. Mame Mbaye Niang.

Eu égard à ce premier critère relatif à l’existence d’une base factuelle suffisante, la deuxième exigence formulée par la jurisprudence française ayant trait à un débat d’intérêt général objet de la diffamation se constate aussi dans l’affaire opposant M. Mame Mbaye Niang à M. Ousmane Sonko. Ce prétendu contentieux portant sur un éventuel détournement de deniers publics a, par essence, une nature d’intérêt général. La tradition prédatrice des hommes politiques africains sur les deniers publics, dans un contexte où la bonne gouvernance économique est inscrite dans l’agenda républicain, incline tout magistrat sérieux à admettre la nature de débat d’intérêt général dudit contentieux.

Même un analphabète en économie publique sait pertinemment qu’un contentieux de détournement de deniers publics portant sur une somme de vingt-neuf (29) milliards de francs CFA dans un pays très pauvre comme le Sénégal constitue naturellement un débat d’intérêt général. Et dans une telle perspective, quelle que puisse être la protection prétendue de l’honorabilité d’un homme politique, elle n’a pas plus de dignité que l’exigence d’ouvrir une enquête sérieuse par le Procureur sur l’existence éventuelle d’un détournement portant sur une telle somme d’argent dont la seule évocation dans un pays très démuni économiquement défie tout immobilisme d’une magistrature soucieuse de justice sociale. En se fondant sur l’argumentaire développé ci-dessus, M. Ousmane Sonko devrait bénéficier d’une présomption de bonne foi dans cette affaire aux atours très politiques. L’obligation de réserve, souvent prétextée, n’exonère nullement les magistrats de réfléchir consciencieusement aux causes de la crise du pouvoir judiciaire et la défiance des justiciables à son encontre.

Dans son expression sénégalaise, l’obligation de réserve est devenue un instrument fécond de consolidation d’un corporatisme primaire insupportable dirigé contre le Peuple. La disgrâce de la magistrature frappera assurément de ses conséquences les hommes politiques et les magistrats à leur service mais certainement aussi les « braves et honnêtes » juges coupables de leur mutisme. Le silence des « braves et honnêtes juges » fait autant de mal à la magistrature que l’incurie des saltimbanques du corps. Et quand les dernières délibérations du Conseil supérieur de la magistrature aussi soupçonneuses que burlesques viennent accréditer au Sénégal l’idée de juges du gouvernement lorsque l’on s’inquiète ailleurs d’un gouvernement des juges, le silence des « braves et honnêtes juges » insonorise le vacarme des préteurs politiciens.

– Abdoul Aziz Diouf est Professeur titulaire, agrégé des facultés de droit (droit privé et sciences criminelles)

El Hadji Samba Ndiaye est Professeur assimilé, agrégé des facultés de droit (droit privé et sciences criminelles)

Sidy Alpha Ndiaye est Professeur assimilé, agrégé des facultés de droit (droit public)

– Babacar Niang est professeur assimilé, agrégé des facultés de droit (droit privé et sciences criminelles)

18 COMMENTAIRES
  • dégoûté

    les affidés de sonko en opération sauvetage .
    pour sauver leur mentor-gourou , ils attaquent la justice .
    c est triste et dégueulasse.
    une honte.

    • Sam le pirate

      ???????? À l’apr il n’ y a que des IMBÉCILES qui croient ferment que toute personnalité religieuse, universitaire, de la société civile…etc qui dénonce les pratiques MALSAINES de la justice et du régime de MERDE DU DOUFF TOUNN DU PALAIS c’est parce qu’elle est un Soutien de Sonko et son parti.

      Allez vous faire foutre vous tous qui n’aimez pas le DROIT, LA JUSTICE, LA VÉRITÉ, LA DIGNITÉ et L’HONNÊTETÉ. Vous souteneurs de ce DOMOUHARAM DICTATEUR vous êtes le VRAI MAL dont souffre ce Sénégal depuis l’indépendance puisque même vos grands pères haïsssaient Mamadou Dia. ????‍♂️

  • awocat

    Waaaw kay ! Pan ! Et voilà ! La messe est dite. Ngouda Mboup peut désormais se reposer et laisser la place à des collègues dont le titre et le savoir juridique sont incontestables. J’ai tellement frémi durant la lecture de ce texte que j’en suis arrivé à considérer que le Peuple sénégalais n’est pas seul dans sa quête de liberté, de justice et de démocratie. Merci , messieurs les Professeurs, de nous avoir administré cette belle leçon de lecture juridico-judiciaire et … de courage intellectuel ! Toutefois, attendez-vous à la réaction épidermique de gens qui se sentiront menacés par votre analyse profonde, érudite et sans fard des rapports entre la Magistrature et le Peuple sénégalais pour qui la justice doit être rendue d’une part, et d’autre part l’assujettissement de ce corps d’élite aux seuls intérêts du pouvoir politique. Parce qu’ils sentent que leurs intérêts sont menacés puisque les véritables éveilleurs de conscience commencent à sortir des bois ( pardon des amphithéâtres), ils chercheront à vous attaquer , non pas par des arguments mais par des insultes , des invectives et des accusations gratuites. Merci de nous avoir régalés !

  • Diarno

    Tout est mis en place pour sauver Sonko du naufrage. Même les professionnels du droit s’y mettent espérant un jour une sucette. Pauvre Sénégal.

  • Hercule

    Quand on interrogé la conscience des magistrats pour asseoir une thèse manifestement partisane,le débat est tout de suite biaisé.le Sénégal est sérieusement malade de ses intellectuels!!!

  • Nkhson

    Ces magistrats corrompus jusqu’à la moelle sont indignes de servir la justice. Il est clair que la révolution patriotique qui se profile à l’horizon les emportera tous, à travers un travail d’épuration minutieuse de dame justice. Cette dernière ne saurait être incarnée et gérée par des âmes infames. Dès lors on peut comprendre aisément le cris de dépit de ces valeureux universitaires, qui constatent avec amertume leur matière sacrée systématiquement souillée.

  • Africain en col

    Les fidèles de la nouvelle religion dont Sonko est prophète.
    Buzz ,mensonges ,diffamation,
    viols ,manipulation de la justice …
    Le peuple veille !!!

  • Danso

    Le deuxième Professeur agrégé se nomme Sidy Alpha Ndiaye et non Anta Ndiaye, veuillez corriger.

  • discovery

    regarde moi ses pauvres repondeurs automatiques tout cela = interet personnel bilahiii votre page va tourner par la force et votre mentor sera arreté et cloué espece de voleur , mytomane , expert en empoisonement , framaçon , chef de gang milices et s’il est homme il n’a qu’à prononcer le petit chiffre 3 seulement 3 jai dit il quittera le pouvoir les jours qui suivent imbecile.

  • Diallo

    C est toujours ces memes noms cites qui accusent Macky son gouvernement et les magistrats pourqoui ne portent ils pas plainte conte ceux qui les accusent de corompus ?comment des intellectuels peuvent ils se permette d accuser la justice?entre Mbaye Mamam Niang et sonko c est quoi le probléme? Sonko accuse le ministre de detournement ce dernier porte plainte c est quoi le probléme?il doit alle justifie ses dires monsieur vous vous fatiguez pensez pas termine avec Macky s il renonce a se presenter demendez au bon Dieu qu il ne batte pas campagne pour un candidat si jamais il le fait vous aurez le meme scenario que l Amerique entre Jeo Baden et Trump c est grace a Obama que Trump est tombe sera grace a Macky que celui que vous prenez pour un petit dieu perdura les elections niane lene Yalla bou Macky campagnal benne candidat comme on dit on n est pas sorti de l auberge

  • jean

    Ils n’arrivent pas à la cheville en termes de sciences juridiques et de vécus des gens qu’ils critiquent… C’est pas les titres de Pr assimilés ou agrégé qui font de vous les détenteurs de la vérité. de simples politiciens

  • Diallo

    C est toujours ces memes noms cites qui accusent Macky son gouvernement et les magistrats pourqoui ne portent ils pas plainte conte ceux qui les accusent de corompus ?comment des intellectuels peuvent ils se permette d accuser la justice?entre Mbaye Mamam Niang et sonko c est quoi le probléme? Sonko accuse le ministre de detournement ce dernier porte plainte c est quoi le probléme?il doit alle justifie ses dires monsieur vous vous fatiguez pensez pas termine avec Macky s il renonce a se presenter demendez au bon Dieu qu il ne batte pas campagne pour un candidat si jamais il le fait vous aurez le meme scenario que l Amerique entre Jeo Baden et Trump c est grace a Obama que Trump est tombe sera grace a Macky que celui que vous prenez pour un petit dieu perdra les elections niane lene Yalla bou Macky campagnal benne candidat comme on dit on n est pas sorti de l auberge

  • Sénégal

    ibou ndafa utilise la justice pour s’accrocher au pouvoir…

  • Abdoulaye

    Respectez es magistrats, car vous n’êtes pas plus conscients qu’eux. Vous n’êtes pas non plus plus instruits qu’eux.
    Svp conviez les à un débat ouvert et donnez leur la chance de vous répondre directement en lieu et place de vous cacher derrière une feuille de papier.
    L’égo et l’insulte sont les deux signes d’un mécréant et vous les portez en bandoulière.

  • Abou

    Sokhna batore Sall nakhamni mom AK loumou yakaar ne peut arrêter sonko mou sélami kouy khar lolou demal sawi sa teud banga tokhou guéna Sénégal

  • boff

    que ceux ui soutiennet macky osent se prononcer après qu’on l’ai renvoyé et condamné. Bou boba yen niepay daw pask vous etes des chiens tous comme vos grands parents des traitres honnis partout ou ils sont

  • Diallo

    C’est votre dieu terrestre qui est plus proche de la prison boff en tant que être humain comme Dieu respecte l être humain je ne vais pas vous traité de chien Dieu ai pitié de tes grands parents je leur souhaite longue vie sociale ils sont vivants nous Macky nous a demandé de ne jamais insulté c est pas responsable

  • T

    Les gens du camp présidentiel comme le président lui même ont peur de la compétence , de la connaissance et de la dignité et de la personnalité . Je crois que le président Sall est un dictateur par nature . Il en a toutes les caractéristiques. C’est pourquoi je crains fort bien qu’il va sortir par la plus petite des portes . Mais ce que je crains le plus c’est que la situation évolue dramatiquement au point que tous ces gens arrogants , voleurs , insulteurs soient soumis tôt ou tard à la furie d’une population en colère . Un tel scénario avait commencé à se dessiner en mars 2021 . Dieu nous en préserve mais il être faut vraiment aveuglé par le pouvoir pour ne pas voir que nous allons droit vers la catastrophe.demain personne ne pourra dire : je ne savais pas car tout le monde aura suffisamment averti le président sur des dérives qui le mènent vers le mur

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