Politiciens, Journalistes et Organisations  de la Société Civile  de l’Afrique, Où êtes-vous passés ? par Cheikh Ibra FAYE

Pour les premiers, ils sont toujours présents quant il s’agit de tripatouillage constitutionnel. Ils ont tous les mots qu’il faut pour nous expliquer le bien fondé de leurs projets de rester au pouvoir à vie, de République dynastique, de  Dévolution monarchique, de 3ème, 4ème, ou 5ème mandat. Ils peuvent nous expliquer, et si leurs explications ne sont pas acceptées par le peuple, ils ont les moyens pour s’armer et provoquer une guerre civile.  Ils ont  toujours l’énergie qu’il faut pour conquérir nos voix.

Ils peuvent passer un quinquennat à faire de la campagne électorale pour une réélection. Ils peuvent faire le plaidoyer de la transhumance pour justifier la massification de leur parti. Ce n’est plus la patrie avant le patri mais… Ils sont communistes le matin, socialistes à midi et libéraux le soir. Ils changent de doctrine politique comme les caméléons changent de couleurs. Ils  peuvent débloquer des centaines de millions pour se faire accueillir par la population lors des soi-disant tournées nationales aux allures de campagne électorale déguisée, manipulant ainsi l’opinion publique internationale. Ils peuvent débloquer des milliards pour réparer ou acheter leurs avions présidentiels.

Certains vont jusqu’à interrompre les heures de vol de leur unique aéroport international pour essayer leurs Rolls Royce, Maybach,  Ferrari, des voitures de luxe que le bas peuple a du mal à reconnaitre. Ils peuvent débourser des  milliards à la veille d’une élection pour acheter la dignité du peuple qu’ils ont bafouée. Certains se font même appeler distributeur automatique de billets. Ils sont toujours prêts à appeler les jeunes à manifester lorsqu’un des leurs est entre les mailles de la justice, criant aux arrestations politiques.

Ils peuvent  constituer un pool de 100 avocats pour défendre leurs siens et si ça ne marche pas, ils vont demander aux populations africaines de sortir revendiquer. Ils trouvent toujours les arguments et les stratégies qu’il faut pour contredire les actions du pouvoir, vice-versa. Ils ont toujours le temps de faire une interview ou de participer à un débat. Ils sont des génies dans la création des slogans pour leurs plans de développement importés. La règle est tellement générale que rares sont les exceptions qui la confirment.

 

En ce qui concerne les journalistes, ils sont moins vicieux que les premiers car parmi eux certains tentent de rester à la limite de la déontologie et de l’éthique de leur profession que je respecte beaucoup. Mais il faut le reconnaitre, il y a des comportements qui n’ont rien à voir avec cette corporation très noble. C’est d’ailleurs, ce qui m’amène à poser la question qui porte l’intitulé de cet article.

Ils sont toujours présents quant il s’agit de critiquer un pouvoir parce qu’on ne bénéficie pas des largesses de ce dernier jusqu’à le faire tomber (peu sont objectifs dans leurs critiques). Ils peuvent demander une somme allant de 300 000 à  500 000 Euros  à un putsch pour embellir son image, profiter de leur popularité et se payer de «bonnes quinzaines de minutes dans les hôtels».

Ils vont jusqu’à présenter un dictateur qui est à la tête de son pays depuis l’indépendance comme «dernier espoir» de l’Afrique, un président qui s’oppose au projet de la libre circulation de la CEMAC.  Ils peuvent falsifier les signatures de leur «ex Directeur Général» pour escroquer les gens. Ils peuvent se faire la guerre entre eux par presse interposée.

Eux, ils ne transhument pas, ce sont des joueurs professionnels comme Ibramovic, Mario Ballotelli qui changent de club comme ils changent de maillots. À la seule différence que les joueurs ne changent pas de club pour briller en critiquant leur ancien patron ou leur ancienne société. Ils ne manquent jamais d’alibi pour se justifier.

Leurs «UNES» ne trouvent plus sa logique dans le principe de l’information du public mais dans la logique de la croissance économique. Ce qui justifie les unes mensongères. Disent-ils, c’est pour vendre le journal. Lorsqu’il y a des grèves, ils courent derrière les étudiants pour  des interviews, rares sont les débats auxquels ces derniers sont invités. Comme argument, ils disent que les étudiants ne maitrisent pas la langue de Molière (Comment peuvent-ils s’exprimer s’Ils passent ¾ du quantum horaire dans les rues).

Les journalistes d’aujourd’hui sont champions en diffamation ou en publication d’informations erronées. Faites le tour des juridictions pour constater le nombre de citations directes servies à ces derniers. Et lorsqu’on les attaque en justice, ils brandissent le délit de presse comme argument. Ils sont prêts à tout pour dépénaliser cette infraction. Eux, ils ne vont pas à la quête de l’information mais c’est l’information qui va à leur quête.

Quant aux organisations de la société civile, j’avoue qu’elles sont les plus perverties dans ce fourretout. Certes certaines organisations ou certains leaders de la société civile sont restés dans la logique de leur rôle de «sentinelles de la République». Mais force est de constater que nombreux sont des personnes qui s’en ont servi comme raccourci pour se trouver où manger tranquillement dans le dos des citoyens.

Ces soi-disant leaders de la société civile combattent un régime donné sous prétexte de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la transparence, des droits de l’homme, des libertés fondamentales.  Ils font croire à l’opinion nationale et internationale, qu’ils défendent les intérêts du peuple. Ils multiplient les sorties médiatiques, organisent des manifestations qui dérangent le plus souvent la quiétude du bas peuple, bradent l’autorité de la loi et lorsqu’ils sont mis aux arrêts, ils incarnent l’héroïsme.

En réalité tout comme les politiciens qui mettent des stratégies pour conquérir le pouvoir, les journalistes  qui cherchent à vendre leurs produits, eux aussi ils cherchent à se faire caser. L’histoire a montré que des leaders de la Société civile, après avoir réussi à faire chuter ce régime combattu, se voient soit nommer conseiller spécial du Président nouvellement élu, soit faire du lobbying et accéder à certaines sphères. Dans les deux cas, privilèges et prestiges sont assurés. Paradoxalement, après une courte période d’observation, le nouveau régime, reprend les mêmes erreurs ou pire que le régime chassé. Paradoxalement, à la surprise générale, ils jouent à l’avocat du diable et essayent de défendre l’indéfendable. C’est triste mais c’est la réalité. Il faudra les renommer, car ce ne sont pas  des organisations de la Société Civile  mais des « entreprises » de la Société Civile. Quant on sait que le but d’une entreprise est la recherche du profit.

Les politiciens, les journalistes et les leaders des organisations de la société civile, à l’origine, ont la même vocation sinon la même  mission : «servir le peuple, donner sa vie au peuple». Ce sont des nobles, ils méritent respect et considération, s’ils font les choses telles qu’elles sont. Madiba disait, « Il ne peut y avoir aucun don plus grand que celui de donner de son temps et énergie pour aider les autres sans rien attendre en retour». Mais malheureusement, cette mission très noble a été dénaturée.

Et si la question posée à l’entame de mon propos, taraude mon esprit c’est parce que  tout récemment, des milliers de jeunes africains sont morts dans la mer méditerranéenne. Pendant la même période, le Pays de Mandela  retournait  dans l’apartheid. Cette fois-ci pas l’apartheid des blancs contre les noirs mais l’apartheid des sud-africains contre les étrangers. Rares sont les rédactions  qui ont jugé utile de relayer ces informations au premier rang. Et même si elles en parlent, c’est de façon brève. Elles sont préoccupées  par des informations qui ont peu d’importance pour cette jeunesse, des informations accessoires. Or une large publication de ces actualités peut décourager les jeunes à quitter leur pays pour aller se faire tuer ailleurs. Une presse qui désinforme plus qu’elle n’informe.

Dans un article récent, un grand patron de presse sénégalais qui fait l’exception et qui se préoccupe de ce drame suicidaire (sa rédaction est l’une des rares à avoir érigé les informations sur le naufrage à la une), écrivait que ces jeunes qui quittent leur pays sont «des suicidaires». Dans le même article, ce patron de presse citait un autre journaliste d’une grande radio de Dakar, qui à son tour disait qu’«’ils ont choisi leur mort». Ces éminents journalistes ont peut être raison car quand on choisit sa mort, on ne peut qu’être appelé suicidaire.

Cependant ces jeunes ne se sont pas suicidés mais ont été victimes d’homicide involontaire. Oui je ne me trompe pas, quant un être humain en tue un autre par accident en commettant un délit ou un crime ou par négligence criminelle, ou quand un être humain en tue un autre alors qu’il ne pouvait pas prévoir que son acte serait la cause d’un décès, il commet un homicide involontaire. Et les auteurs de ce délit que je qualifie d’infraction continue sont les politiciens dirigeants-dirigés de l’Afrique. Ils doivent être les premiers à être jugés par la nouvelle cour pénale Africaine.

En effet ces jeunes décident de quitter tout simplement par désespoir. Phénomène appelé «Barça ou Barsac» au Sénégal, «Dougouma Sira» au Mali, réussir ou périr, est le moyen qui reste à ces jeunes africains à qui ont dit vous ne pouvez plus continuer l’université après trois ans d’études post bac. Ces jeunes qui après de longues années dans les universités publiques passant la nuit dans les couloirs des campus sociaux,  s’asseyant sur des briques dans les amphithéâtres, suivant les cours magistraux dans les salles de théâtres, dans les stades de basket-ball et qu’à la fin de leur cursus universitaire, remuent ciel et terre pour trouver un stage sans rémunération.

Ces jeunes qui ne peuvent pas travailler sans un «bras long». Ces jeunes   qui mangent à peine une fois par jour, en Côte d’Ivoire, on utilise l’expression  «un coup K.O.».  Ces jeunes qui ne veulent par devenir artisans car en Afrique tout marche sauf du consommé local. Ces jeunes qui ont du mal à se faire soigner dans les hôpitaux  de la place et qui assistent chaque jour aux décès de leurs mères, sœurs ou femmes pendant l’accouchement faute d’hôpitaux, d’ambulances ou de médecins. Ces jeunes qui subissent la loi des frères qui ont réussi à franchir les portes de l’Occident, de retour dans leur pays d’origine.

Cet article ne vise nullement à légitimer l’immigration mais recherche à montrer à juste titre les causes de notre malheur. L’on dira quelle est la responsabilité de nos dirigeants dans ce drame migratoire ? La réponse est unique : le peu de ressources dont disposent nos Etats, s’il était réparti équitablement, peu d’Africains quitteraient leur pays natal pour aller immigrer hors du continent. Ce sont eux qui font passer le parti avant la patrie, ce sont eux qui financent les campagnes électorales des présidents occidentaux laissant en rade nos enseignants et nos médecins dans des conditions inhumaines. Ce sont eux qui préfèrent les investisseurs étrangers à cause des pourboires  qu’aux investisseurs africains. Ce sont eux qui s’enrichissent illicitement dans le dos des peuples africains (parfois complices ou victimes de manipulations).

Et pour taire leur responsabilité, depuis le naufrage de ces fils d’Afrique,  aucun dirigeant africain, aucun organe sous-régional et aucune institution continentale n’a pipé mot ne serait-ce que pour s’incliner sur la mémoire de ces sinistrés.  Là où leurs homologues occidentaux essaient de prendre leur responsabilité  (il faut le dire, les dirigeants de l’Europe ont aussi une part de responsabilité). Pendant ce temps, les organisations de la société civile doivent être dynamiques et faire la pression sur ces dirigeants qui décident de garder le silence, «un silence ingrat» comme disait Sankara.  Alors je repose ma question sans changer un mot : Politiciens, Journalistes et Organisations  de la Société Civile  de l’Afrique, Où êtes-vous passés ?

Ceci étant malgré la morosité économique de nos micro-Etats, le diabète de nos dirigeants qui nous sucent, les frontières colonialistes qui nous divisent, et tant d’autres difficultés,  nous jeunes africains, nous ne devons pas fuir notre continent mer parce qu’il y a la famine, parce qu’il y a la pauvreté, parce que le terrorisme y a été implanté pour nous affaiblir. Nonobstant  tous ces problèmes, l’Afrique a naturellement, tout ce qu’il faut pour résister et exister. Et si tous les jeunes décident de fuir, qui bannira les frontières imaginaires qui nous divisent, qui bâtira le rêve de Kruman, de Sankara, de Kenyatta, qui réalisera «Les États-Unis d’Afrique» ; qui redonnera à l’Afrique sa première puissance économique mondiale comme l’avais fait l’empereur Kankou Moussa, qui donnera à l’Afrique son premier satellite, sa première monnaie. Et bien, seule la Jeunesse Africaine courageuse comme Sélassié, endurante comme Nelson Mandela, spirituelle comme Cheikh Ahmadou Bamba, et fédérateur comme El hadji Ibrahima NIASS, peut donner à l’Afrique  la place qu’elle mérite comme Soundiata Keita avait redonné au Mandé la sienne.

La «pauvreté n’est pas naturelle. Ce sont les hommes qui la créent et ce sont les hommes qui la vaincront. Vaincre la pauvreté n’est pas acte de charité, c’est un acte de justice.  #Mandela

Cheikh Ibra FAYE,

Membre du Mouvement des Jeunes Madibaristes MJM 466/64,

faye_cheikhibra@yahoo.fr

4 COMMENTAIRES
  • karim2

    merci broo pour ces mots veridiques

  • Madibariste

    très pertinent comme article. un vrai madibariste

  • Ndigueul

    Merci Mouride pour cette belle lecture des faits et merci d'avoir alerter les dirigeants de ce pauvre continent .On a compris leur silence ingrat mais c'est à mous jeûnes de remédier à tous ses mots dont notre cher continent souffre

    • Madibariste

      Les jeunes doivent se prendre en mains et s'assurer qu'ils reçoivent un enseignement de qualité pour pouvoir assurer demain

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