Ses rêves de grand professionnel ont fondu comme beurre au soleil, tel Icare qui s’est brûlé les ailes pour s’être trop rapproche de l’astre. Ancien basketteur français d’origine sénégalaise, Momar Sakanoko dissèque son précoce retrait du sport, sa passion, l’impact du racisme dans sa carrière. Sa retraite pro à 23 ans, ses projets, son entreprise de gestion des talents à leur plus jeune âge, Sakanoko fait un dunk exclusif dans son jardin secret pour Senego.
Entretien
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Momar Sakanoko, né le 27 mai 1998 à Paris en France. Je suis un ancien basketteur professionnel franco-sénégalais, désormais entrepreneur et investisseur. Fondateur de l’entreprise Be Great company dédiée au management, branding, entertainment et la production.
Comment êtes-vous venu au sport ?
J’ai toujours été très attiré par le sport, depuis le plus jeune age. Cela a d’abord commencé avec une passion pour le foot puis je me suis très vite réorienté vers le basket en regardant ma sœur qui, elle avait déjà quelque accomplissement à son compte. Je trouvais que la mentalité du basket était unique en regardant des joueurs comme Kobe Bryant ou encore Lebron James qui faisaient des choses remarquables sur et en dehors du terrain, je suis vite devenu accroc à ce sport.
Pourriez-vous nous retracer votre parcours ?
J’ai commencé dans un club proche de chez moi, où j’ai pu faire mes gammes en tant que jeune basketteur, puis j’ai eu la chance de pouvoir intégrer une Académie à Paris avec laquelle j’ai pu évoluer au Championnat de France, le meilleur dans cette catégorie. Reconnu en France, en Europe, mais aussi sur le continent Américain, j’ai donc reçu plusieurs propositions pour intégrer des clubs de Liga ACB, de Serbie, Lituanie, mais également de plusieurs grands program high school aux Etats-Unis. Mon rêve de l’époque était d’aller en NBA, donc quoi de plus logique que de me lancer dans le système américain dès le plus jeune âge afin de m’imprégner de leur style de jeu. En arrivant aux Etats-Unis, c’est la descente aux enfers, je m’aperçois que l’école est un post graduate program.
En effet, cet école est strictement dédiée au basketball et ne fournit aucune éducation, ce qui me laisserait inéligible pour atteindre le niveau NCAA D1 à l’obtention de mon diplôme sans mentionner les conditions déplorables dans lesquelles les athlètes sont accueillis. Le propriétaire de l’école m’avait menti pour que j’intègre son programme, ce qui m’a rendu furieux et après une altercation avec lui, je me suis retrouver à la rue aux Etats-Unis. C’est une pratique courante des Américains pour dénicher les meilleurs talents. Avec de la chance, j’ai très vite rebondi grâce à mon coach David Meddings, qui m’a permis de rejoindre un top 10 program aux Etats-Unis, le sport académie de Wesley Christian, à Allen, Kentucky.
J’ai passé mon cursus high school dans cette académie puis après avoir obtenu mon diplôme, j’ai renoncé à l’offre Universitaire pour retourner en Europe et signer mon premier contrat professionnel à l’été 2016. Je signe mon premier contrat en NBL, pour le club de Brno basket pour la saison 2016/2017. Seulement, je suis victime de plusieurs attaques qui me conduiront par la suite à quitter le pays. Je faisais une assez bonne réponse, donc le président du club de Weber Bahia Basket, Pepe Sanchez, a décidé de reprendre le dossier en demandant mon transfert pour les trois prochaines saisons avec option pour une quatrième. J’évolue alors pour le club de Bahia durant la saison 2017/2018 mais en plein milieu de saison, je souffrais de douleurs au ménisque et j’ai arrêté un mois après. J’ai fini la saison avec le club, mais je commençais peu à peu à perdre la passion que j’avais pour ce sport. Je fais alors mon retour en Europe, la saison suivante afin d’être plus proche de ma famille, et je signe pour le club du BSC Fürstenfeld Panthers pour la saison 2018/2019 que je n’ai pas finie, mon envie de créer ma propre compagnie de management ayant pris le dessus sur ma carrière sportive.
Pourquoi avez-vous quitté tôt le monde du basket ?
J’ai toujours été un grand passionné de l’entrepreneuriat, je l’avais dans un coin de ma tête depuis tout jeune. Mais le manque de professionnalisme de mes agents, et les multiples événements auxquels j’ai dû faire face lors de ma carrière m’ont amené à faire ce choix. J’avais le sentiment que je pouvais apporter quelque chose de grand au monde du sport, et j’ai donc pris la décision de mettre un terme à ma carrière de basketteur professionnel tout en restant dans le registre du sport avec, Be Great Company.
Vous avez été une victime du racisme, comment avez-vous vécu cela?
J’ai vécu le racisme à plusieurs reprises dans ma carrière de basketteur. À commencer par les catégories jeunes du championnat de France, ou encore lors de mon passage à Wesley Christian dans le Kentucky, Etat connu pour être extrêmement raciste. Mais rien n’égale les attaques à mon égard lors de ma saison avec le BC Brno. Après de tels actes, je n’ai reçu aucun support de la NBL league, du club ou encore de l’agence avec laquelle j’avais signé qui ont tous cautionné ces actes. Cette période a été très difficile pour moi avec beaucoup de remises en question concernant le futur de ma carrière.
Le racisme a-t-il impacté votre décision d’arrêter votre carrière?
Certainement! Le racisme est inacceptable, il n’a pas sa place dans le sport. Mon passage au BC Brno a compté sur ma décision. Le racisme, comme je l’ai vécu, a été une épreuve très difficile mentalement. Mais c’est un assemble d’événements qui m’ont amené à prendre cette décision qui n’a vraiment pas été facile, sachant que j’avais une longue carrière devant moi.
Abdiquer face au racisme n’est-ce pas aveu d’impuissance de la part d’un grand sportif comme vous ? Qu’est-ce que cela vous fait de voir des sportifs, malgré leur talent, hués constamment dans les stades?
Oui c’est un sentiment d’incompréhension totale, c’est clairement une situation que l’on ne souhaite à personne. Les fans ne se rendent pas compte à quel point cela peut affecter la santé mentale d’un joueur. De plus en plus de sportifs s’expriment sur le sujet, beaucoup de joueurs NBA ont pris la parole et je pense que c’est déjà un pas vers l’avant.
Avez-vous regretté d’être basketteur ?
À aucun moment, il y a énormément de choses pour lesquelles je serai toujours reconnaissant. Le sport en lui même offre des principes et une discipline de vie qui permettent d’accomplir beaucoup de choses en dehors des terrains. J’ai eu la chance de découvrir de nombreux pays, de nombreuses cultures et tout cela contribue à la personne que je suis devenu aujourd’hui.
Qu’est-ce que cela vous fait que d’autres causes soient plus défendues dans le monde sportif plutôt que l’éradication du racisme ?
Je pense que c’est un débat sans fin honnêtement. Chaque humain a sa perception de ce monde, si nous pouvions tous nous accepter sans vouloir imposer notre vision, le monde se porterait mieux. Je n’ai pas la prétention de dire qu’une cause est plus importante qu’une autre, je pense que tout est une guerre d’ego et que chacun veut imposer son opinion. Tout se réglerait par « L’acceptation de chacun « , si ‘l’humanité en était prête.
Vous vous êtes aventuré dans la gestion des joueurs de basket-ball et de football avec le lancement de Be Great Company, qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
De par mes expériences, j’ai beaucoup à apporter à une nouvelle génération à qui je pourrai faire éviter nombre de mésaventures. Accompagner des individus dans leurs quêtes de succès me stimule beaucoup et c’est une de mes motivations dans le management sportif. J’ai pour avantage d’avoir vécu le quotidien d’un athlète de haut niveau, ce qui crée une proximité qu’on ne trouve pas forcément dans d’autres agences, et chacun de mes associés a aussi une particularité qui correspond parfaitement a notre Vision commune « Be Great « .
Comment développer le sport en Afrique ? Du point de vue des affaires, de l’administration et du développement des jeunes talents?
Je pense que le sport en Afrique va dans la bonne direction, de bonnes actions et de très grosses initiatives ont été prises et il faut continuer sur cette lancée.
Notamment avec la NBA Bal league, ou encore les multiples nouveaux stades en Afrique, ou bien une structure comme la Seed Academy au Sénégal. Le sport africain fait d’énormes progrès et ne cessera d’évoluer car le potentiel de l’Afrique est immense.
Récemment vous avez déclaré soutenir Benzema pour le Ballon d’or, au détriment de Sadio Mané Pourquoi un tel choix pour un Sénégalais d’origine ?
Je suis patriote, je reste sénégalais, même si mon choix ne vas pas dans le sens de Sadio Mané. Je suis un sportif et il faut donner le mérite là où il est dû, comme formulé dans mon interview pour Sports Brief, Karim Benzema a tout gagné cette saison, il réalise une saison remarquable tandis que Sadio a beaucoup été freiné par son club qui l’a très mal utilisé, bien qu’il soit rentré dans l’histoire en faisant gagner au Sénégal sa première Coupe d’Afrique des Nations.
Votre position a été vivement critiquée au Sénégal, n’avez-vous pas de regrets par rapport à cela ?
Non du tout, je pense que chacun a sa perception et ses convictions, Ils ont le droit d’avoir les leurs, tout comme j’ai le droit d’avoir les miennes.
Je pense que les fans sénégalais ont été dans le jugement plutôt que la compréhension. En tant qu’ancien sportif de haut niveau, nous apprenons à faire abstraction dans ce genre de situations.