Mamadou L Ba: « Le Ministre Abdoulaye Diop ne joue pas son rôle de relais entre le Président et nous »

Militant de la première heure de l’Apr, il est connu pour son franc parler. Il ne cache pas son militantisme et n’hésite pas à critiquer son mentor, Macky Sall quand c’est nécessaire.

Dans cet entretien avec senego, il apprécie les mobilisations dans son parti depuis les événements qui ont secoué le Sénégal en début Mars. Il déplore la situation de son parti dans la région de Sédhiou et est favorable à une mise à jour du gouvernement pour éviter à Macky Sall une sortie déshonorable en 2024.

Entretien.
Senego : Vous êtes militant de l’Apr. Depuis les récents événements en début Mars, on a constaté un regain de mobilisations dans votre parti. Qu’est-ce que ça vous inspire ?
Mamadou L. BA : Merci pour cette opportunité que vous nous offrez pour parler de la vie de notre parti. J’ai une double lecture de que vous appelez mobilisations. A ne pas confondre avec massification. C’est une réaction épidermique. C’est comme si un moustique vous piquait et que vous sursautiez et essayez de l’écraser. Il y a des agitations politiciennes. Les récents événements de début Mars ont secoué certains présumés responsable de l’APR, notamment dans les régions intérieures. Certains ont été réveillés de leur torpeur et ils ont peur. Ils se sentent menacés. C’est ce qui justifie, d’une part, ces rassemblements sponsorisés tous azimuts. La seconde lecture est qu’on s’achemine vers les Locales. Certains Maires veulent reconquérir leurs postes et s’agitent dans cette perspective. Les primo-candidats vont bientôt entrer dans la danse et ce sera une nouvelle bataille dans les rangs. Attendons de voir ensemble.

Il y a quand même eu de fortes mobilisations au Fouta, à Kaffrine et à Ziguinchor dernièrement. Vous semblez remettre en cause la sincérité des leaders ?
Je salue ces réactions. Un parti politique doit vivre. Il doit être animé. Ça rassure les militants et les maintient dans le parti. Maintenant, on se pose la question sur le pourquoi de toute cette agitation post événements début Mars.

Certains veulent faire croire au Président que le parti vit dans leur région et que les populations autochtones sont avec lui. C’est l’idéal. Mais je refuse de croire que Macky Sall va se laisser embarquer désormais dans ces duperies. Je crois plutôt qu’il a pris conscience de ce qui se passe réellement dans le pari et qui est qui aujourd’hui. Ces événements ont été politiquement très instructifs pour tout le monde, le Président en premier.

Vous militez dans la région de Sédhiou. Kolda et Ziguinchor ont manifesté leur soutien à Macky Sall. Qu’est-ce que vous attendez pour compléter le trio régional de la Casamance ?
(Rires). La région de Sédhiou ne peut pas suivre cette tendance présentement. La raison principale, sauf mauvaise évaluation de ma part, est qu’on n’est pas sûr de convaincre les populations de répondre à l’appel du parti aujourd’hui. Surtout les jeunes, notamment les cadres.

Il y a un Ministre dans la région qui est sensé diriger les activités du parti ? Pourquoi ce défi serait si difficile à relever ?
Il y a effectivement un Ministre résidant. Mais ça, c’est plutôt administratif ou institutionnel. Sur le plan politique, ça n’a va pas dans le parti dans la région de Sédhiou. La principale raison est celle-ci : l’APR est mal managée dans la région.

Vous semblez remettre en cause le leadership du Ministre Abdoulaye Diop ?
Du tout. En politique, on analyse les faits. Le Président de la République a fait de gros efforts d’investissements dans la région, notamment dans la Commune de Sédhiou. Des moyens financiers conséquents ont été déployés dans la commune de Sedhiou et dans quelques autres dans la région. La voirie a complétement changé. Le visage de Sédhiou ville a complétement changé. C’est devenue une ville agréable, attirante. C’est une première depuis l’indépendance du Sénégal et portant Sédhiou a toujours eu des Ministres Maires.

Compte non tenu des réalisations dans les infrastructures routières entre Sédhiou et Marsassoum. Ajoutez-y l’hôpital régional de Sédhiou, flambant neuf. Le pont de Marsassoum sera livré en fin de l’année. Maintenant, à l’appréciation des résultats de la présidentielle de 2019, pesés sur la balance des réalisations de Macky Sall dans la région, il y a des confusions. Quelque chose cloche. Les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts. Ça nécessite une appréciation particulière. Mais ce qui le plus inquiétant, c’est la situation de léthargie dans laquelle le parti est plongée.

Qu’est ce qui, à votre avis, plombe la marche du parti alors ?
Dans toutes les régions, le Président de l’APR, Macky Sall a mis une personne à la tête du parti pour piloter les choses et coordonner les activités. Il faut rappeler que le Président ne nomme pas un Ministre, un DG ou un PCA pour n’en faire qu’un obligé. C’est une tâche qu’il confie à la personne, en plus de la confiance qu’il a en elle. C’est donc pour exécuter une mission républicaine en faveur de tous ses concitoyens.

C’est une occasion pour elle de contribuer loyalement et à matérialiser concrètement la politique définie par le Chef de l’Etat, dans un domaine précis. Sur le plan politique, cette personne est sensée être également « un relais politique » dans son terroir d’origine. Malheureusement, dans la région de Sedhiou, les jeunes cadres sont marginalisés. Nous ne sentons pas la personne qui doit, politiquement, rassembler et massifier le parti. Le Ministre Abdoulaye Diop, qui doit servir de relais entre le Président et nous, ne joue pas son rôle. Aujourd’hui, le parti est menacé. Parce que les jeunes cadres que nous sommes, qui pouvons et devons animer le parti dans les bases villageoises, communales et départementales, sommes ignorés, pour ne pas dire combattus. Les jeunes cadres étouffent. C’est regrettable.

A vous entendre, l’avenir du parti est sombre dans la région de Sédhiou. C’est ce que vous insinuez ?
Un Parti politique sans animation permanente, c’est un corps inanimé. Il peut attirer mais juste pour satisfaire une curiosité passagère. Si rien n’est fait, l’Alliance Pour la République risque de devenir comme une bassine non couverte remplie de grenouilles. Je veux dire que le parti sera difficile voire impossible à conduire à destination souhaitée parce que ça risque de sauter de tous les côtés et tout le temps. Et on n’est pas loin de là. Ce n’est pas souhaitable et le Président ne mérite pas ça.

 Vous êtes journaliste, consultant en communication, doublé d’un homme politique. Comment expliquez-vous la rupture de confiance ente Macky Sall et la jeunesse ?
A mon avis, il n’y a pas de rupture entre le Président de la République et la jeunesse sénégalaise. Il y a tout de même un brouillard qu’on va analyser. D’abord, rappelons que Macky Sall a été élu en 2012 et réélu en 2019 avec une majorité confortable. Et quand on sait que la jeunesse constitue plus de 65 % de la population sénégalaise, on admet logiquement qu’il a été élu et réélu par la jeunesse.

Maintenant, il faut avoir le courage de reconnaitre qu’un fossé a été creusé entre le Président et une partie de la jeunesse, y compris celle de son parti et la coalition BBY. Les Ministres, DG, Députés, Maires ou PCA qui devaient constituer des passerelles entre les deux instances ne jouent pas leur rôle. D’ailleurs, je suggère au Président de mener des enquêtes pour savoir quel Ministre, quel Directeur ou quelle autre personne qui a bénéficié d’un décret présidentiel entretient quel rapport avec les jeunes cadres de leur région d’origine et quelle image ont-ils dans ces terroirs. Il aurait une meilleure appréciation de ce qui a conduit les jeunes dans la rue en début Mars.

Il y a des rumeurs selon lesquelles le Président va réviser son gouvernement. Vous confirmez ?
Je ne peux ni confirmer ni infirmer. Ce qui est sûr, c’est que je le souhaite vivement. Et, je vous apprends que lors du conseil des Ministres qui a suivi les événements de début Mars, le Président a ouvertement affirmé qu’il y a des traitres autour de la table du conseil.

Pour qui connait la discipline, la mesure et la timidité qui caractérisent le personnage de Macky Sall ; s’il sort ces mots, c’est qu’il est déçu, il est à la limité dégouté par le comportement irresponsable et par la déloyauté de certains de ses collaborateurs immédiats. Je partage ses sentiments. Personne n’aimerait se retrouver dans un tel inconfort sociopolitique. L’environnement politique immédiat du Président est pollué par des personnes qui n’ont pas les mêmes agendas que lui. Ils n’ont pas les mêmes aspirations et objectifs que lui. Ils ne croient pas en Macky Sall. Il doit les remercier immédiatement.

Avant son dernier remaniement, il a dit qu’il n’aime les changements de gouvernement parce que ça lui fait perdre des amis. Vous estimez que cette position a évolué ?
Je ne le pense pas, je le crois. Personnellement, je souhaite qu’il réussisse son mandat. Mais ça se fera avec des gens qui croient en lui, qui ont le même agenda que lui, qui le représenteront loyalement dans le Sénégal des profondeurs et qui exécuteront convenablement ses politiques publiques en faveur des populations.

Ensuite, je demande à tous ceux qui doutent du Président Macky Sall, notamment ceux qui l’entourent, d’avoir le courage de s’affirmer et de s’assumer clairement. Que tous ceux qui travaillent pour l’opposition quittent l’appareil gouvernemental. Pour revenir à votre question, il n’a pas deux choix. Ou il perd des amis et s’en fait de nouveaux qui vont l’aider à réussir son mandat, ou ses amis vont l’éconduire et lui faire perdre des années d’efforts.

Aujourd’hui, il a une idée de qui est qui et qui fait quoi. Les virus, quand on a la chance de les identifier, il faut s’en débarrasser. Il faut les écraser, sans état d’âme. Il y va de la réussite de son mandat.

3 COMMENTAIRES
  • Malang Bandia

    Voici le type de militants que Macky doit mettre à ses côtés et écouter. Il a dit toute la vérité. J’y adhère intégralement

  • Trim

    Bravo Lamine, tu assures bien.

  • Omzo BA

    Bravo Monsieur BA et toutes mes félicitations pour ce francs parlé. Vraiment on a besoin de personne comme vous autour du président Macky SALL

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