Les risques du Dialogue National pour l’État de Droit et la Justice

Le dialogue politique national convoqué par le président Macky Sall afin de trouver un consensus autour de la date des élections présidentielles a livré ses recommandations ce mardi 27 février 2024. Au terme de deux jours de travaux, les participants ont proposé la date du 02 juin 2024 pour la tenue du premier tour du scrutin présidentiel. De plus, ils ont suggéré que le président reste en poste jusqu’à l’installation de son successeur.

Ces conclusions, contraires aux décisions du Conseil Constitutionnel en date du 15 février 2024, constituent un risque réel pour l’État de droit et la justice de notre pays. Ce dialogue compromet certains principes fondamentaux de l’état de droit et de la justice, contribuant ainsi à affaiblir notre démocratie. Il minimise les responsabilités passées des acteurs politiques et propose même un projet de loi d’amnistie pour la période de 2001 à 2004, englobant des actes de violence, des violations des droits de l’homme et des crimes liés aux manifestations. Une telle amnistie compromet l’État de droit et la justice en permettant l’impunité pour ces délits et crimes, affaiblissant ainsi la confiance du public dans le système judiciaire et sapant les efforts visant à établir la responsabilité et à garantir la justice pour les victimes.

De plus, cela entraîne un affaiblissement des institutions judiciaires, car les décisions politiques prises en dehors des cadres institutionnels établis peuvent miner leur légitimité. Si le dialogue national devient le principal mécanisme de prise de décision, les institutions judiciaires risquent d’être marginalisées, compromettant ainsi leur rôle crucial dans le maintien de l’état de droit. De plus, les compromis politiques conclus lors du dialogue national peuvent affaiblir l’indépendance judiciaire en entravant la capacité des juges du Conseil Constitutionnel à agir de manière impartiale.

Enfin, les véritables acteurs de ce processus, les candidats validés pour la compétition électorale, n’ont pas répondu à l’appel, avec 17 candidats sur 19 absents. De nombreux acteurs représentant des intérêts divergents ont également ignoré l’invitation du chef de l’État. Par conséquent, les compromis ne reflètent pas les besoins et les perspectives de l’ensemble de la société, compromettant ainsi la justice sociale et la légitimité du processus.

Le dialogue national a également été utilisé comme un outil de manipulation politique par les dirigeants politiques pour consolider leur pouvoir et étouffer l’opposition. En contrôlant l’agenda, les organisateurs du dialogue ont orienté les discussions vers des sujets favorisant leurs intérêts politiques, soutenus par l’utilisation de la rhétorique et de la manipulation des médias pour influencer l’opinion publique en faveur d’une certaine position politique.

Tous ces facteurs ne peuvent avoir que des conséquences néfastes sur notre démocratie, telles que la diminution de la légitimité des processus démocratiques, la polarisation accrue de la société, et la consolidation du pouvoir entre les mains d’une élite politique restreinte, au détriment de la participation citoyenne et de la représentation équitable. »
Dr Tabouré AGNE
agnetaboure@yahoo.fr
Président commission politique MTN