Le développement du nucléaire en Afrique : entre défis et opportunités
Selon un article publié par nos confrères de Le Quotidien, le continent africain est confronté à un dilemme énergétique majeur. Alors que l’énergie nucléaire n’a longtemps été l’apanage que des pays les plus riches, des initiatives récentes montrent un intérêt croissant de plusieurs nations africaines pour ce secteur. Parmi les exceptions notées en Afrique, seule l’Afrique du Sud dispose à ce jour d’une centrale nucléaire, située près de Cape Town, construite avec le concours des Français d’Alstom et Framatome dans les années 70.
Face à une démographie galopante qui devrait porter la population à deux milliards d’habitants d’ici 2050, le besoin d’énergie propre est crucial. En Afrique subsaharienne, 57% de la population, soit environ 600 millions de personnes, n’ont toujours pas accès à l’électricité, malgré des réserves d’uranium représentant 20% des ressources mondiales. Actuellement, le nucléaire civil ne représente que 2% de l’énergie produite sur le continent, freinant ainsi le développement industriel.
Une trentaine de pays, dont le Ghana, le Kenya, l’Ouganda, la Zambie et le Nigeria, envisagent de développer l’énergie nucléaire pour résoudre cette fracture énergétique. Le Burkina Faso, par exemple, a annoncé en 2024 son intention de construire une centrale nucléaire d’ici 2030. De son côté, le Kenya prévoit d’entamer la construction d’une centrale en 2027 pour une mise en service à partir de 2030.
Toutefois, embrasser l’énergie nucléaire pose plusieurs défis, notamment les coûts exorbitants et les besoins en régulations strictes pour assurer la sécurité. Construire une centrale nécessite plusieurs centaines de millions de dollars et environ quinze ans de préparation. Les autorités locales doivent obtenir l’adhésion des populations, les incidents tels que Tchernobyl ou Fukushima ayant laissé des souvenirs amers. Les petits réacteurs modulaires (Smr) apparaissent aujourd’hui comme des solutions plus accessibles et moins risquées, bien que leur coût et leur lenteur soulèvent des critiques.
La concurrence internationale pour le développement du nucléaire en Afrique est intense. Comme le rappelle Dr Scott Firsing de l’Institut Firoz Lalji pour l’Afrique, sur les 440 réacteurs nucléaires dans le monde, une grande partie est concentrée aux États-Unis, en Chine, en France et en Russie. La Russie, par l’intermédiaire de Rosatom, domine le marché de l’exportation de la technologie nucléaire vers l’Afrique, construisant notamment la centrale égyptienne d’El Dabaa pour 30 milliards de dollars, prévue pour 2028.
Par ailleurs, le Ghana a établi des partenariats stratégiques avec les États-Unis, le ministère de l’Énergie américain ayant organisé le premier Sommet États-Unis-Afrique sur l’énergie nucléaire en 2023. Ce sommet vise à promouvoir une croissance durable du nucléaire civil en Afrique grâce à la technologie des petits réacteurs modulaires.
Pour réussir cette transition énergétique, les États africains doivent trouver un consensus autour du nucléaire, tout en développant une expertise locale afin de réduire la dépendance vis-à-vis de l’étranger. En fin 2024, l’Agence internationale pour l’énergie atomique poursuivait ses efforts pour renforcer les cadres juridiques au Kenya et en Ouganda, afin de sécuriser ce secteur prometteur mais complexe. Ainsi, malgré les opportunités qu’offre le nucléaire, les défis économiques, techniques et sociaux persistent.