La situation au Port autonome de Dakar (PAD) est indescriptible. La congestion des conteneurs impacte très négativement sur la vie des populations. Les commerçants subissent des frais supplémentaires infligés par Dubaï Port Word (DPW) et les compagnies maritimes, qu’ils répercutent ensuite sur le prix de revient des marchandises. Ce qui entraîne la flambée des prix, mais également rareté de certains produits. Senego vous explique en détails cette situation méconnue par la plupart des Sénégalais.
Il faut d’abord savoir qu’au PAD, les compagnies maritimes (CMA CGM, Maersk-Line, MCS et Cie) sont chargées de transporter les marchandises au Sénégal. A leur arrivée, Dubaï Port Word (DPW) qui a le monopole exclusif de la manutention au Port de Dakar, se charge de remettre les marchandises aux transporteurs ou transitaires habilités à les faire sortir du port. Auparavant, les compagnies maritimes faisaient en même temps le transport de marchandises et la manutention. C’est avec l’arrivée du Président Wade que l’activité de manutention a été octroyée à DPW.
Congestion du port
Le véritable problème débute avec les transporteurs qui, après dédouanement et livraison des marchandises aux clients, reviennent au port avec des conteneurs vides. A ce niveau, confie une source à Senego, se pose un problème d’emplacement de ses conteneurs vides, les compagnies maritimes et DPW se renvoient la balle concernant leur prise en charge. Ainsi, avec ces conteneurs vides non déchargés, ces camions transporteurs peuvent rester des jours avant de rentrer au niveau du port pour récupérer et livrer d’autres marchandises aux clients. Cette situation entraîne la congestion du port.
Compétitivité
Cette congestion du port de Dakar entraine son défaut de compétitivité. Certains pays qui y transitent des marchandises commencent à fuir. « Chaque 2 jours, il y a des nouveaux bateaux qui arrivent au port. Et il y a un temps qui a été fixé pour rester au Sénégal : 3 jours. Ces bateaux s’ils arrivent, ne peuvent pas décharger leurs conteneurs avec la congestion du PAD. Ils sont obligés de ressortir, d’aller vers les ports d’Abidjan, de Guinée Bissau, du Ghana et consorts pour décharger des marchandises et revenir au port de Dakar. Actuellement, les Maliens commencent à quitter le port pour décharger à Abidjan. Ce qui constitue un manque à gagner et un défaut de compétitivité du port », déclare un des nos interlocuteurs au niveau du port.
Lourdes pénalités…
Aussi, l’emmagasinement des marchandises dans les conteneurs oblige ainsi les importateurs à payer des pénalités supplémentaires (surestarie, magasinages et détentions) à DPW et aux compagnies maritimes, après dépassement de la période de franchise qui est de 10 jours. « J’ai vu un commerçant importateur de riz qui a une fois payé près de 20 millions sur 50 conteneurs en termes de pénalité, après dépassement de la période de franchise, ce qu’il répercute nécessairement sur le prix de revient des produits, entraînant la pénurie et la flambée des denrées de premières nécessités et autres produits comme le fer« , a-t-il déploré.
...Répercutées sur les denrées
Il faut savoir que le commerçant sénégalais dispose 10 jours au port pour prendre ses marchandises. « Ce délai dépassé, il paie des pénalités. Par exemple, après 5 jours de plus, le commerçant paie presque 1 million à DPW ( magasinage) et presque 500 milles à la compagnie maritime (surestarie). Et ces frais supplémentaires sont répercutés sur le prix des denrées de premières nécessités, raison pour laquelle les produits sont chers », révèle notre source.
« Ces compagnies font des pénalités ou charges supplémentaires leurs commerces pour maximiser leurs profits parce que les coûts des magasinages et surestaries étant plus rentables que le fret, la manutention . Il paraît que ces mêmes compagnies, à l’origine de cette situation vont bientôt appliquer une autre charge qu’on appelle congestion portuaire (environ 250 dollars) », a-t-il ajouté.
Notre source déplore également, une vétusté des matériels de DPW, qui favorise aussi la congestion du port.
Bientôt la révolte
Vu la situation au PAD, les transporteurs et transitaires prévoient de ne plus prendre des dossiers dans les prochains jours. Ce qui va considérablement impacter le fonctionnement de l’Etat car 90 % des recettes de l’Etat viennent de la Douane. « Tu ne peux pas prendre un dossier, s’acquitter des droits de douane, et se retrouver dans l’impossibilité de faire sortir la marchandise au port pour la livrer aux clients et de se faire payer en retour. Actuellement, certains transporteurs refusent de prendre des conteneurs du fait de cette situation. »
Autorités alertées
Et pourtant des autorités ont été alertées de la situation devenue alarmante, mais rien n’a été fait, ajoute un de nos interlocuteurs.
« On n’a tenu plusieurs réunions. Nous avons alerté depuis 2 ans. Actuellement, le problème a atteint un tel niveau qu’il est difficile de le régler sauf une volonté politique du gouvernement. Ce qui est sûr, le président n’est pas au courant de ce qui se passe sinon c’est catastrophique. On a écrit au Premier ministre, tenu une réunion avec le Directeur général du port de Dakar. Mais jusqu’à présent rien n’est réglé parce qu’il y a un dialogue de sourds entre les compagnies maritimes, et le PAD« , a-t-il fait savoir.
Solutions préconisées
Comme solution face à cette situation, les acteurs portuaires touchés par cette crise pensent qu’il faut nécessairement que les franchises soient étendues à 15 ou 20 jours. Et que les compagnies cherchent des espaces vides pour récupérer les conteneurs, à défaut l’Etat les oblige à le faire, par application d’un arrêté déjà pris, mais non effectif. L’attente du nouveau port de Ndayane qui devra régler la situation sera longue, car il ne sera pas opérationnel d’ici 5 ans, a-t-on appris.