Presque deux semaines après la mort du chef de l’État Idriss Déby Itno, l’ancien président et rebelle tchadien Goukouni Weddeye appelle les Tchadiens à la réconciliation.
Sa parole est rare à N’Djamena et sa voix compte. Goukouni Weddeye, président du Tchad entre 1980 et 1982, pèse chacun de ses mots. Il faut « se réconcilier avec les autres pour enterrer nos querelles » et « mettre au devant l’intérêt supérieur du Tchad », affirme-t-il dans un entretien à l’AFP, boubou immaculé sur les épaules et barbichette blanche bien taillée.
Pour lui, il faut « organiser une table ronde » avec « tous les acteurs tchadiens », notamment avec les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), qui mènent depuis la mi-avril une offensive dans le nord du pays et ont promis de « marcher » sur N’Djamena.
Depuis l’annonce de la mort d’Idriss Déby Itno, le Conseil militaire de transition (CMT), mené par Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président, s’est emparé du pouvoir. Un gouvernement de transition, composé de 40 ministres et secrétaire d’État, a été nommé dimanche par la junte militaire, qui promet d’éradiquer les rebelles du FACT, avec lesquels il n’y aurait « ni médiation ni négociation ». Une erreur pour Goukouni Weddeye. « Ceux-là aussi on doit les associer » explique t-il. « On ne peut pas les considérer comme des ennemis criminels et les rejeter, c’est impossible. »
Avec l’arrivée au pouvoir du CMT, les interrogations et incertitudes sont nombreuses. Le fils du maréchal-président, qui s’est arrogé les titres de président de la République et de chef suprême des armées, concentre aujourd’hui presque tous les pouvoirs.
« Pas d’autre solution » que de soutenir l’armée
La menace qui pèse sur le Tchad est « la destruction du pays » par ceux qui voudraient profiter du moment pour prendre le pouvoir, prévient Goukouni Weddeye.
En l’état actuel des choses, contre une nouvelle prise de pouvoir par la force et afin de permettre aux autorités militaires en place d’organiser, comme elles l’ont promis, des élections « libres et démocratiques » sous 18 mois, « il n’y a pas d’autre solution » que de soutenir l’armée, estime-t-il.
« La seule armée qui existe aujourd’hui sur le terrain est celle-ci. Alors il faut la ménager, avec justesse, essayer de s’associer avec ceux qui se baladent par-ci par-là (les rebelles, NDLR) et ensemble constituer une force qui puisse assurer la sécurité du pays », estime-t-il.
De toute façon, « il faut être objectif », continue-t-il: « il est difficile de dire que nous avons une armée au sens propre du terme. Notre armée est constituée autour de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE, la sécurité présidentielle) ». Mahamat Idriss Déby, général de 37 ans, en était le chef. Alors, « si c’est lui le chef du CMT, qui pourrait assurer la sécurité à part lui? »
Goukouni Weddeye, ancien chef du GUNT – le Gouvernement d’union nationale de transition, alliance de groupes armés – a été largement consulté ces derniers jours par les acteurs politico-militaires de N’Djamena, assure un de ses conseillers.
Le nom de cet ancien guerrier maquisard, désormais installé dans une immense et luxueuse maison octroyée par le pouvoir d’Idriss Déby Itno en 2009 après 22 années d’exil, a circulé à N’Djamena pour occuper un des postes en vue de la transition. Le premier ministre de transition, Albert Pahimi Padacké, l’a consulté jeudi.
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