France : Prolongation de la détention du politologue Nabil Ennasri
Le politologue Nabil Ennasri, incarcéré depuis le début du mois d’octobre 2023, envisage de soumettre une nouvelle demande de remise en liberté. Mis en examen dans une affaire financière liée au Qatar, sa détention vient d’être prolongée par la justice française. Ennasri est soupçonné de « corruption et trafic d’influence », « abus de confiance » et « blanchiment de fraude fiscale aggravée ». Sa situation est d’autant plus singulière qu’il est le seul prévenu à être emprisonné, bien qu’il ne soit pas la figure centrale de l’enquête.
Lors d’une conférence de presse à Paris, son avocat, Maître Nabil El Ouchikli, a annoncé son intention de déposer une demande de démise en examen et une requête en récusation du magistrat instructeur du dossier. De nombreux observateurs, ainsi que son avocat, s’interrogent sur le maintien en détention de Nabil Ennasri, un intellectuel respecté, accusant la justice d' »obsession » et d' »acharnement ».
Dans son plaidoyer, Me El Ouchikli met en avant le fait que plusieurs autres personnes, impliquées dans la même enquête du parquet national financier (PNF), sont en liberté. Il questionne : « Qu’est-ce qui distingue Nabil Ennasri des autres mis en examen ? Est-ce la gravité des faits? Est-ce sa situation personnelle ? Est-ce le fantasme de sa proximité avec les Frères Musulmans ? » S’appuyant sur la coopération de son client depuis le début de l’enquête, il dénonce une « incarcération injustifiable » et une « justice dysfonctionnelle ».
Une dimension humaine douloureuse entoure cette affaire. Nabil Ennasri a appris le décès de sa mère pendant sa détention, ayant eu l’autorisation de lui rendre visite une seule fois en novembre 2023, sous haute surveillance. Malgré ce contexte, la justice a refusé une extraction pour lui permettre d’assister aux obsèques. Me El Ouchikli critique fortement ce qu’il considère comme un « acharnement et une différence de traitement injustifiable ».
Nabil Ennasri a, via une lettre ouverte fin 2023, dénoncé un traitement « judiciaire inique ». Dans le même temps, le politologue François Burgat souligne que le cas Ennasri illustre les « deux poids et deux mesures » présents en France. Selon lui, « si les critères appliqués à Nabil Ennasri devaient l’être à d’autres, de nombreuses personnalités médiatiques et politiques devraient être emprisonnées ».
