« Discours de Valdiodio devant De Gaulle : Une vraie récupération politique »

Valdiodio

Discours de Valdiodio Ndiaye devant le Général de Gaulle de 1958 à Dakar ou la plus grande récupération politique de l’histoire du Sénégal ! Revenu au pouvoir en 1958, après une longue traversée du désert, le Général Charles de Gaulle prévoit de faire adopter une nouvelle constitution qui regroupe la France et ses colonies organisées en républiques autonomes. C’est ainsi qu’il entreprit un périple en Afrique qui le mènera au Madagascar, au Congo Brazzaville, en Côte d’ivoire, en Guinée et au Sénégal, pour s’assurer que les Africains voteront « OUI » lors du référendum du 28 septembre 1958. Ce qui est frappant et continue à marquer les esprits de plusieurs Sénégalais est l’absence des deux principaux leaders de la politique sénégalaise d’alors, Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia.

Le premier, Senghor, n’avait aucune responsabilité exécutive. Donc, sa présence n’avait aucun sens lors de cette visite historique du Général de Gaulle. C’est pour cette raison que le Président Abdou Diouf s’étonne des vives critiques à l’endroit de Senghor pour son absence : « Je m’étonne qu’on stigmatise l’absence de Senghor. Je le rappelle, Senghor n’avait aucune responsabilité exécutive [ . . . ] C’est Mamadou Dia qui était en charge de l’exécutif »(SOURCE : AFRIQUE : UNE AUTRE HISTOIRE DU 20ème SIECLE).

Le second, Mamadou Dia, était, conformément à la Loi-cadre proposée par Gaston De ferre, Maire de Marseille et Ministre de la France d’Outre-mer, était le Chef de l’exécutif en tant que Président du Conseil du Gouvernement autonome.

Avec la Loi-cadre, votée et adoptée en juin 1956, chaque colonie française est, désormais, mise sous l’autorité d’un gouvernement bicéphale : un Français et un Africain. Léopold Sédar Senghor, découragé et assommé par la « balkanisation de l’AOF », c’est-à-dire le morcellement des colonies françaises qui étaient administrées de manière groupée par un seul Gouverneur général qui résidait au Sénégal, décida de se retirer de l’exécutif. Comme dans tout Etat respectueux, c’est le Chef de l’exécutif ou son représentant qui doit recevoir et accueillir son homologue. C’est ainsi que Mamadou Dia, absent, instruit son Ministre de l’intérieur, Valdiodio Ndiaye, et Lamine Guèye Sénateur et Maire de Dakar de le représenter à l’accueil de Charles de Gaulle à la place Protêt (actuelle Place de l’Indépendance). Pour rappel, le Président du Conseil du Gouvernement, Mamadou Dia, était en Suisse non seulement pour des vacances mais également pour des soins ophtalmologiques, car son état visuel commençait à se détériorer.

Toutefois, le chef de l’exécutif, Mamadou Dia, livre les raisons de son absence, dans son livre autobiographique. Il fustige le comportement du Général de Gaulle et brandit l’argument de la préséance. En fait, le Général de Gaulle n’avait pas informé aux chefs de gouvernement territoriaux de sa venue.

Mais, à la veille de la visite de Charles de Gaulle à Dakar, Mamadou Dia partit rejoindre Léopold Sédar Senghor en Normandie où il était en vacances. Dia consulta Senghor et essaya de le convaincre pour l’indépendance immédiate. Senghor hésita et lui répondit sincèrement : « Il faut, maintenant, que je te dise la vérité : j’ai promis au Gouvernement français de voter OUI » (SOURCE : Documentaire PRÉSIDENT DIA). Pour Senghor, il fallait aller à l’indépendance dans l’unité des colonies africaines de la France et également préparer l’indépendance qui arriverait deux à trois ans plus tard.

Mamadou Dia, déçu, mais accepte le point de vue de Senghor. Ce faisant, il instruit à Valdiodio Ndiaye, son représentant, de mettre à l’aise le Général de Gaulle en lui assurant que le Sénégal votera OUI le 28 septembre, comme l’ont fait les autres pays sauf la Guinée où Sékou Touré a décidé d’opter pour le NON c’est-à-dire l’indépendance immédiate. Sentant l’ardeur et la menace des porteurs de pancartes et de ses leaders, Jean Colin, un Administrateur colonial, fait changer de discours à Valdiodio Ndiaye et écrit un discours qui reflétait l’aspiration profonde des porteurs de pancartes qui réclamaient l’indépendance immédiate. A cet égard, Oumar Sankharé révèle : «Le fameux discours prononcé devant le général de Gaulle à la place Protêt à Dakar n’est pas de Valdiodio Ndiaye mais bien de Jean Colin qui l’avait rédigé intégralement. Il s’agissait pour lui, administrateur colonial, d’utiliser Valdiodio Ndiaye comme une marionnette afin de récupérer les revendications des intellectuels du PAI et du PRA/Sénégal pour endiguer le mouvement contestataire des porteurs de pancartes » (SOURCE : « Le conflit entre Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia ou la crise constitutionnelle de décembre 1962 »).

Si ce discours de Valdiodio Ndiaye était sincère, le NON l’aurait remporté un mois plus tard, c’est-à-dire le 28 septembre 1958 comme l’a fait Sékou Touré en optant pour le NON, l’indépendance immédiate. De plus, si ce discours de Valdiodio n’était pas un saupoudrage pour calmer les porteurs de pancartes, Valdiodio, lui-même, aurait battu campagne pour le NON aux côtés des leaders du PAI et du PRA/SENNEGAL (Majemout Diop et Abdoulaye Ly) qui avaient battu campagne ouvertement pour l’indépendance immédiate alors que Valdiodio Ndiaye a battu campagne pour le OUI aux côtés de Senghor et Dia, malgré son beau discours jugé par la postérité comme héroïque !

Au soir du 28 septembre 1958, le Sénégal vote massivement pour le OUI et renonce à l’indépendance immédiate, contrairement au discours « héroïque » de Valdiodio Ndiaye prononcé un mois plus tôt devant le Général de Gaulle. C’est donc le 04 avril 1960 que le Sénégal accède à l’indépendance dans le cadre de la Fédération du Mali. Le Gouvernement fédéral était représenté par Modibo Keita ; la France, elle, était représentée par Louis Jacquinot, Ministre d’Etat.

Le 20 juin 1960, la Fédération du Mali célèbre son indépendance obtenue le 04 avril. Cependant, dans la nuit du 19 au 20 août 1960, une profonde crise secoue la Fédération du Mali et la fédération s’éclate. Le Sénégal, en souvenir de la signature de l’acte d’indépendance et du transfert des compétences avec la France, retient le 04 avril comme fête nationale de son indépendance.
En dernière analyse, le discours de Valdiodio Ndiaye du jeudi 26 août 1958 devant le Général Charles de Gaulle, l’homme du 18 juin, n’était que de la récupération politique, un saupoudrage pour tromper l’opinion et la postérité.

Abdoulaye Seydi, Doctorant en Littérature africaine à l’UGB et Inspecteur de la jeunesse en service au Ministère de la Jeunesse.

12 COMMENTAIRES
  • Mamadou NIANG

    Merci de ses rappels

  • Abdoulaye Seydi

    Je vous en prie,M. Niang.

  • Cisse

    J’étais en classe de CP 2. Nous n’y comprenions rien, mais notre instituteur à l’epo, 
    Mr Badji, c’était à Thies, nous expliquait ce qu’eta L’indépendance. Je me rappelle bien tous les jeunes de l’e Portaient les “petit grand boubou momsarew” du pays. Notre directeur d’école fut un “diaiste; il avait même rejoint le cabinet de Dia et fut arrêté en 1962.

    • diallo

      beau texte sa prouve que senghor et dia etaient des commis français tout simplement

  • Cisse

    Je veux dire le boubous momsarew du PAI

  • gainde

    Excellent rapel historique ki va eclairer les profanes que ns sommes en fait ce sont nos intello ki ns doivent ces verites historique mais combien meconnues et nos Manuels d histoire doivent etr revisiter et corriger merci mr seydi faites un livre svp

  • Abdoulaye Seydi

    Dieu est grand, M. Gainde.On se battra pour le peuple sénégalais.

  • H Watt

    Toujours décevant, lorsqu’on parle d’inde et de souveraineté nationale, toute la classe politique doit être OBLIGATOIREMENT PRESENTE compte tenu de l’enjeu. Senghor avait dans les années 50 que l’indépendance nationale est une chose dépassée depuis. Mamadou Dia a toujours confondu sa personne avec les institutions.

  • Issa Boiro

    L’indépendant du Sénégal c’est grâce a lui

  • Carlos

    Mon docteur seydi continue d’alimenter senego svp merci d’avance

  • Mim rew

    Un grand merci a l’auteur de ce texte. Excellent rappel historique.

  • Moctar Badji

    Fantastique mon cher l’histoire nous rappelle combien nous devons s’inspirer de nos valeureux prédécesseurs qui se sont battus pour un Sénégal républicain.

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