Démocratie et bonne gouvernance – CEDEAO : L’appel d’Afrikajom aux chefs d’états et de gouvernements

Afrikajom Center, en partenariat avec OSIWA, a organisé un webinaire pour évaluer les 20 ans de pratique du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, le 08 décembre dernier. Différents panels y ont été tenus et qui ont permis des débats « très riches » dont a été tirée une Résolution destinée aux chefs d’Etats et de gouvernements de la CEDEAO.

Texte in extenso :

Considérant que les instruments juridiques et les mécanismes de prévention, de médiation, de gestion et de résolution des crises adoptés depuis les années 1999 et 2000 n’ont pas produit les réponses appropriées aux crises graves, complexes et multiformes qui déchirent l’Afrique de l’Ouest ; Considérant que les atteintes récurrentes et répétées aux dispositions pertinentes du protocole de la CEDEAO relatives au respect de l’état de droit, de la démocratie, des droits de l’homme et de la gouvernance par les Etats membres, sont une menace à la paix, à la stabilité et à la sécurité des Etats ;

Considérant que les crises multiformes et complexes : crise de l’état de droit, des droits humains, crise de la bonne gouvernance, crise de la sécurité, crise sanitaire et la crise environnementale, sont une menace grave pour la survie des Etats ;

Considérant que les difficultés voire l’impuissance des gouvernements à fournir des réponses sécuritaires susceptibles de garantir la paix et la sécurité des biens et des populations civiles vivant dans les pays confrontés à des conflits asymétriques, constituent des entraves sérieuses au développement humain ;

Considérant que le protocole récuse, condamne, incrimine, le changement anticonstitutionnel de Gouvernement ;

Considérant que la récurrence des manipulations constitutionnelles pour faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels à deux et que les fraudes électorales constituent des violations de l’ordre constitutionnel au même titre que les coups d’états militaires ;

Considérant que les coups d’états constitutionnels, électoraux ou militaires affaiblissent la légitimité et la crédibilité des gouvernements des Etats membres et que cette situation a un impact désastreux sur l’image de la CEDEAO, mais surtout sur l’efficacité de son intervention sur les crises et menaces qui pèsent sur les Etats membres ;

Considérant que les réponses préventives, efficaces et opérationnelles, permettent d’anticiper sur les contentieux de toutes natures qui menacent la paix, la sécurité, la stabilité et la cohésion sociale ;

Considérant que la faiblesse, le déficit ou l’inexistence de la solidarité africaine, ajoutent à l’impuissance des Etats membres à trouver ensemble de façon coordonnée des réponses appropriées aux crises sécuritaires et multiformes qui menacent de déflagration tout le Sahel ;

Considérant que les réponses sécuritaires de la communauté internationale et africaine n’ont pas produit les résultats escomptés au Sahel, face aux défis liés : à la dégradation continue de la situation des droits humains, du droit international humanitaire, à la protection des populations civiles, et surtout à vaincre le cancer du terrorisme qui s’étend comme un feu de brousse dans la sous-région;

Considérant que les dysfonctionnements des organes de la CEDEAO, notamment de la Commission de la CEDEAO, du Parlement de la CEDEAO, qui n’a encore qu’un statut consultatif, de la Cour de justice de la CEDEAO dont les décisions ne sont pas toujours respectées par certains Etats membres, constituent des obstacles sérieux au processus d’intégration et à la sécurité judiciaire des citoyens de la communauté ;

Considérant que le dialogue nécessaire et indispensable entre les institutions de la CEDEAO est un facteur de régulation et de stabilité ;

Considérant que la défiance généralisée et grandissante que nourrissent les citoyens de la communauté vis-à-vis des décisions des chefs d’Etats et de gouvernements de la CEDEAO, est de nature à remettre en cause l’autorité politique et morale du leadership politique et à compromettre la mise en œuvre des objectifs, valeurs et principes de l’institution ;

Considérant la nécessité des repenser le mode de fonctionnement des organes, la pertinence des objectifs, principes et valeurs de la CEDEAO, au regard des données géopolitiques, technologiques, économiques, sociales et environnementales ;

Considérant que les fractures et les inégalités sociales, les discriminations fondées sur le genre, la religion, l’âge, l’identité, sont des menaces sérieuses à l’intégration, à la cohésion nationale, à la paix, à la sécurité et à la stabilité ;

Considérant l’impérieuse nécessité pour la CEDEAO de retourner aux préoccupations basiques des populations ;

Considérant que la culture d’évaluation et de suivi des obligations des Etats est devenue une nécessité absolue dans le contexte des crises et des mutations technologiques et digitales qui transforment rapidement l’environnement politique, économique, social et sécuritaire ;

Considérant que la promotion des investissements, de la démocratie budgétaire et de la redistribution équitable des ressources dans l’espace CEDEAO, est un facteur de stabilité économique et sociale ;

Considérant la nécessité de promouvoir une citoyenneté communautaire capacitaire ;

AFRIKAJOM CENTER lance un appel solennel aux chefs d’états et de gouvernements de la CEDEAO réunis en sommet ordinaire le 12 décembre 2021 à Abuja, pour que les recommandations suivantes soient l’objet d’une particulière attention :

Repenser et réformer le modèle institutionnel de la CEDEAO qui ne répond plus à sa fonction et qui de plus en plus menace la viabilité des Etats et la capacité du leadership politique à faire face à ses obligations régaliennes de protection des populations civiles et d’assurer la sécurité des biens ;

Renforcer les mécanismes de surveillance et de mise en œuvre des dispositions pertinentes du Protocole sur la gouvernance et la démocratie, relatives à la protection des droits humains et de l’espace civique, à la lutte contre la corruption et l’impunité ;

Redynamiser et renforcer par des moyens conséquents sur tous les plans la force en attente de la CEDEAO, afin de donner une réponse régionale collective, coordonnée et efficace qui tienne compte fondamentalement de la sécurité humaine et qui est attendue par les populations de la CEDEAO contre les menaces terroristes ;

Coordonner l’action des interventions multilatérales sur le terrain et garantir une meilleure coopération sécuritaire de la communauté internationale entre les forces de défense et de sécurité pour éviter les compétitions géopolitiques qui pourraient contribuer à la dégradation de la sécurité dans la région ;

Intégrer le principe de la limitation des mandats présidentiels à deux afin de renforcer l’Etat de droit et de prévenir les crises liées à l’instrumentalisation de la Constitution pour faire sauter le verrou de la limitation de mandats, qui constituent des sources profondes d’explosion des violences et tensions politiques et pire des coups d’états militaires ;

Considérer les coups d’états constitutionnels et les coups d’états électoraux comme des ruptures de l’ordre constitutionnel au même titre que les coups d’états militaires et d’en tirer toutes les conséquences. L’opinion africaine considère comme un paradoxe de voir un leader politique qui arrive au pouvoir par un coup d’état constitutionnel ou électoral, participer aux sanctions infligées aux auteurs de coups d’états militaires ;

Renforcer les capacités et l’indépendance de la commission de la CEDEAO et notamment de la commission paix et sécurité pour lui permettre d’agir efficacement sur les atteintes de toutes natures au Protocole sur la gouvernance et la démocratie, relativement aux questions politiques touchant l’état de droit, la démocratie et les élections, les droits humains et l’espace civique qui subissent dans la sous-région des attaques sans précédent ;

Renforcer l’intégration régionale et la solidarité des Etats face aux mutations géopolitiques et sécuritaires en nommant un ministre des relations extérieures et un ministre de la défense de la CEDEAO ;

Développer un leadership du Président de la Commission ;

Renforcer les prérogatives du Parlement de la CEDEAO par l’élection des membres au suffrage universel afin de leur donner plus de légitimité et plus de pouvoirs de contrôle de l’exécutif de la CEDEAO ;

Renforcer les règles de sélection des juges communautaires et augmenter la durée de leur mandat et garantir absolument la mise en œuvre effective des décisions de justice de la Cour par un mécanisme plus approprié ;

Réduire de façon significative les inégalités et fractures sociales par l’élaboration de politiques publiques qui prennent en compte de façon effective la redistribution équitable des ressources par l’inscription de la démocratie budgétaire dans un acte législatif de la CEDEAO ;

Promouvoir de façon effective les droits des femmes par une politique qui garantit la parité effective au sein de tous les organes de la CEDEAO, et au sein des institutions de Etats membres ;

Promouvoir une politique communautaire efficace et effective d’accès à l’éducation et à l’emploi des jeunes ;

Promouvoir et protéger une société civile ouest-africaine, dynamique, responsable, compétente et représentant les communautés, les sensibilités et lui permettre d’assister et d’intervenir aux différentes manifestations de la CEDEAO ;

Assurer à la société civile ouest-africaine les moyens conséquents de son fonctionnement et de son indépendance d’action par une ouverture de l’espace civique sur tout l’espace de la CEDEAO.

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