La scène politique s’est retrouvée subitement en effervescence ces derniers jours, suite à la sortie des députés du groupe Yewwi Askan Wi indiquant que le Premier Ministre ne pouvait pas prononcer sa Déclaration de Politique Générale (DPG), en raison de l’inexistence de dispositions idoines dans le Règlement intérieur en vigueur à l’Assemblé Nationale. C’est le point de vue constant de l’Honorable Député Guy Marius Sagna qui a, très souvent, raison dans ses prises de position.
Plusieurs responsables politiques ont alors réagi, en soulignant que le prononcé de la DPG est une obligation bien consignée dans la Constitution et que le respect de la hiérarchie des normes imposait au Premier Ministre de se plier à cette disposition, même en l’absence de dispositions adaptées dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Cette divergence de vues, source potentielle de conflit entre le Pouvoir et le Pouvoir législatif, appelle de ma part trois observations.
D’abord, le Sénégal, dont le monde entier a salué récemment sa capacité à traverser des crises majeures entre les Institutions, n’a nullement besoin de se retrouver dans un nouvel imbroglio dont le seul perdant sera le Peuple dont les préoccupations passeront au second plan pendant tout le temps que durerait cette crise.
Ensuite, le Sénégal, pays de démocratie majeure, ne peut guère évoluer avec des règles floues et des procédures colmatées. Dès lors que tout le monde est d’avis que le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale actuel possède des lacunes concernant le poste de Premier Ministre, la sagesse et la rigueur voudraient de commencer par corriger en urgence ces irrégularités, avant de poursuivre les procédures législatives impliquant le Premier Ministre. Cette remise à niveau de l’arsenal institutionnel est un chantier beaucoup plus critique qu’une Déclaration de Politique Générale qui n’a aucune conséquence juridique ; le Premier Ministre étant fondé de mettre en pratique tout le contraire de ce qu’il a annoncé s’il le souhaite.
Et, dans les faits, la DPG ne fait l’objet jusqu’ici d’aucun suivi-évaluation systématique, au contraire du programme gouvernemental retracé dans le Plan ou du budget voté au Parlement. Par conséquent, cet exercice, quoique symboliquement important, n’est pas aussi important, en pratique, qu’on voudrait bien le considérer, se distinguant plus par son côté théâtral et les formules chocs échangées entre le Premier Ministre et les Députés, que par son impact sur la vie des citoyens.
Enfin, rien n’empêche les Députés de provoquer le vote d’une Motion de censure, si tant est qu’ils souhaitent renverser le Premier Ministre illico presto.
En définitive, la seule urgence est d’engager, en suivant les dispositions prévues par les textes, la procédure de révision de la Loi Organique relative au Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, et de faire convoquer, par le Président de la République, une Session spéciale pour la faire voter dans les plus brefs délais. Le Premier Ministre, réhabilité au Parlement, pourra ensuite se présenter devant l’Auguste Assemblée nationale pour prononcer sa DPG.
* Par Moubarack Lô