Covid-19 – Lutte contre la corruption en Afrique: La Bad et l’Ocde appellent à plus de vigilance…

La Banque africaine de développement et l’Organisation pour la coopération et le développement économique (Ocde) ont estimé, lors d’une table ronde virtuelle, que le contexte actuel lié à la pandémie de Covid-19 nécessitait une vigilance accrue dans la promotion de la conformité des entreprises et de lutte contre la corruption, en particulier en Afrique.

La rencontre intitulée « conformité des entreprises en matière de lutte contre la corruption en Afrique : pratiques, défis et perspectives » a permis de dresser un état des lieux des efforts de lutte contre la corruption et pour la promotion des bonnes pratiques à travers différentes expériences vécues par les panélistes. « La très forte audience que nous enregistrons pour cette table ronde, avec une participation record, témoigne de l’intérêt porté à ce sujet« , a constaté Patrick Moulette, chef de la Division anti-corruption à l’Ocde. « En 2020, 41 économies africaines ont connu une baisse de leur Pib en raison de la crise sanitaire. Avec la pandémie de Covid‑19, l’Afrique a été confrontée à sa pire récession économique depuis un demi-siècle. Dans ce contexte, il nous apparaît encore plus que jamais important d’intensifier les efforts de lutte contre la corruption et de renforcer en particulier l’intégrité des entreprises afin d’assurer une bonne reprise économique en Afrique, notamment grâce au secteur privé« , a-t-il ajouté.

Pour la Banque africaine de développement, la lutte contre la corruption est manifeste tant elle est présente dans les activités internes quotidiennes de l’institution ainsi que dans ses rapports avec ses prestataires envers lesquels elle adopte une politique de tolérance zéro en matière de pratiques frauduleuses. « L’intégrité de nos partenaires est une priorité pour la Banque. A cet égard, la Bad doit s’assurer que les ressources confiées par les partenaires sont utilisées à bon escient. Pour lutter contre la fraude et la corruption au sein des entreprises qui ont bénéficié de ses financements, la Banque adopte une approche préventive et curative« , a assuré Mme Paula Santos Da Costa, directrice par intérim du Bureau de l’intégrité et de la lutte contre la corruption à la Bad.

Crise sanitaire inédite.

D’une ampleur inédite, la crise sanitaire suscite des risques de nouvelles formes de corruption pour lesquelles il faudra des réponses innovantes, a reconnu Mme Santos Da Costa. « La pandémie a redéfini les méthodes de production, qui ont entraîné des risques opérationnels liés à la numérisation accrue engendrant une nouvelle typologie de fraudes et de corruption. Les réponses à ces nouveaux défis doivent être trouvées à travers des solutions innovantes« , a-t-elle déclaré.

Dans le cadre du panel qui a été modéré par Elsa Gopala Krishnan, analyste juridique principale dans la Division anti-corruption de l’Ocde et conclu par Evelynne Change, chef de la gouvernance, Bureau de coordination de la gouvernance et de la gestion des finances publiques, à la Banque africaine de développement, trois personnalités aux profils différents mais complémentaires ont présenté leurs expériences en matière de conformité d’entreprise et de lutte contre la corruption. Les intervenants ont évoqué tour à tour le besoin en leadership, la nécessité de la volonté politique, l’éducation de la jeunesse ainsi que le rôle des femmes et des jeunes dans les efforts de lutte contre la corruption en Afrique.

L’homme d’affaires Cas Coovadia, président de Business Unity South Africa (Busa), a insisté sur la contribution importante des organisations professionnelles dans la lutte contre la corruption et la promotion de la conformité. « Ces associations d’hommes d’affaires doivent assumer le leadership de la lutte contre la corruption et l’avènement des valeurs éthiques en y travaillant au quotidien, en encourageant leurs membres dans cette voie. Mais en sanctionnant aussi les entreprises qui ne se conforment pas aux règles définies. Ce qui suppose un certain courage« , a-t-il affirmé. S’agissant de la crise sanitaire, il a souligné que la pandémie a soulevé des risques de corruption supplémentaires mais favorise également les opportunités pour promouvoir des programmes de conformité efficaces.

Adapter les normes au contexte local.

Pour Mme Jovita Fazenda, Chef des affaires réglementaires de Multichoice au Mozambique et membre de la Coalition pour l’intégrité organisationnelle au Mozambique, il est important que les normes internationales de promotion de la conformité et de la lutte contre la corruption soient adaptées aux réalités nationales voire locales.

« Nous avons noté un regain d’intérêt des entreprises pour les enjeux de lutte contre la corruption et de promotion de la conformité, a-t-elle expliqué. Il faut aller plus loin en renforçant les capacités de ces entreprises nationales, publiques et privées. Mais il faut aussi travailler à adapter les normes internationales au contexte du pays« . Elle a également évoqué l’importance de l’implication des femmes dans les questions d’éthique et de conformité des affaires, un sujet auquel elle contribue par sa participation dans le Réseau des femmes engagées dans les questions d’éthique et de conformité en Afrique.

Il faut penser également à renforcer les capacités des services d’enquêtes spécialisés dans la lutte contre la corruption et la fraude, a soutenu pour sa part, Mme Natascha Linn Felix, directrice de la conformité de Burmeister and Wain Scandinavian Contractor et ancienne présidente de Transparency International pour le Danemark. « La pandémie actuelle n’est pas seulement une crise sanitaire, c’est aussi une crise de la corruption : les États ont pris des mesures d’exception comme le couvre‑feu, l’état d’urgence et le confinement. Les entreprises se sont lancées dans des dons d’urgence en dérogeant à de nombreuses règles. Tout cela a instauré un contexte qui requiert plus de vigilance dans la lutte contre la corruption et pour la promotion de la conformité« , a réitéré Mme Linn Felix. Au sujet de la conformité, elle a noté que trois facteurs l’induisent : un engagement à agir avec intégrité, des exigences pour faire face aux risques juridiques et l’importance de gérer les risques de réputation.

Avec Libération Online

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